E PRAGMATISME QUI INSPIREEURS FRANÇAIS
II. CE PRAGMATISME QUI INSPIRE LES ENTREPRENEURS FRANÇAIS
Le panel des acteurs économiques venus rencontrer la Délégation aux entreprises était diversifié, réunissant les représentants de grands groupes tels qu'Altran ou International SOS, ainsi que d'entrepreneurs montrant que des PME (petites et moyennes entreprises) ou des ETI (entreprises de taille intermédiaire) peuvent également avoir une stratégie d'implantation au Royaume-Uni.
Étaient ainsi présents le représentant d'une fromagerie familiale vendéenne implantée récemment au Royaume-Uni pour accéder aux marchés anglo-saxons et asiatiques, la fondatrice d'une société immobilière accompagnant les Français s'installant au Royaume-Uni, le directeur d'une société de web-conseil et d'e-mailing, ou encore un ancien sportif de haut niveau, Serge Betsen, qui a développé une activité de conseil et créé une association après avoir renoncé à son entreprise française.
International SOS : l'exemple d'un succès français International SOS est une ETI créée il y a 30 ans à Singapour par deux français, MM. Arnaud Vaissié et Pascal Rey-Herme. Cette société d'assistance médicale aux expatriés et voyageurs d'affaires opère dans 76 pays. International SOS poursuit un double objectif : mettre en place des infrastructures de santé de niveau international, et développer des moyens logistiques et des plateaux d'assistance au service des entreprises. Cette entreprise compte 12 000 salariés, dont 1 400 médecins à plein temps et 200 experts sécurité. Elle traite environ 1 400 000 cas d'assistance par an dont 100 000 rapatriements. International SOS assiste près de 10 000 clients, des entreprises qui regroupent 60 millions de collaborateurs. Son chiffre d'affaires s'élève à 1,6 milliard d'euros. En sus des 27 centres d'appels d'assistance médicale qui fonctionnent 24h/24, 7j/7, la société développe également des infrastructures de santé sur place. International SOS compte ainsi 36 cliniques en nom propre, où travaillent des médecins expatriés et des équipes locales, dans des zones où la qualité des services médicaux est insuffisante. Enfin, certaines infrastructures de santé sont dédiées à un client donné, chez qui sont mis en place une équipe médicale, du matériel et des procédures adaptées (par exemple pour un site isolé dans le désert ou une usine de fabrication automobile en Chine.) On dénombre à peu près 750 sites de ce type. La Délégation aux entreprises a pu apprécier la mobilisation et la forte réactivité de ses équipes tant pour des cas individuels que dans le cadre de drames collectifs tels que le passage du cyclone au Vanuatu ou encore l'accident d'hélicoptères survenu en Argentine, lors du tournage de l'émission « Dropped ». Durant ces vingt dernières années, International SOS a fourni aide médicale et services de sécurité pour des événements de grande envergure tels que la Coupe du Monde de Football 2010, les Jeux olympiques et Paralympiques de Pékin, Athènes, Sydney, les Jeux asiatiques du Sud-est, les Jeux de l'ASEAN ainsi que divers sommets de coopération économique pour l'Asie-Pacifique. Un exemple d'intervention : lors de l'attentat du marathon de Boston, 22 collaborateurs d'un client étaient présents dans la ville et furent identifiés et localisés en moins d'une heure. |
Malgré la diversité des tailles, des expériences, des chiffres d'affaires, tous ces entrepreneurs se sont accordés pour évoquer plusieurs axes de réformes dont la France pourrait utilement s'inspirer afin de redonner confiance aux entreprises et favoriser leur croissance et celle des emplois.
Tous souhaitent ardemment que le Royaume-Uni puisse servir d'exemple afin que les entrepreneurs puissent à nouveau être en mesure de créer de la richesse, d'embaucher, et de contribuer au redressement économique de la France.
Le projet Doing Business, qui dépend de la Banque mondiale, mesure la réglementation des affaires et son application effective dans 189 économies et dans certaines villes au niveau infranational et régional. Il propose ainsi chaque année un classement des pays en fonction de la « facilité à faire des affaires ». Si le Royaume-Uni se hisse au 8 ème rang, la France n'est que 31 ème dans ce classement. Au sein des critères d'évaluation, on note deux écarts particulièrement importants entre les deux pays :
- obtention de prêts : 17 ème rang au Royaume-Uni contre 71 ème rang pour la France ;
- paiement des taxes et impôts : 16 ème rang pour le Royaume-Uni, contre 95 ème rang pour France.
En revanche la France y est mieux classée pour ce qui concerne la création d'entreprise, puisqu'elle s'inscrit en 28 ème position alors que le Royaume-Uni est 45 ème .
Le nombre d'entreprises créées en France est relativement stable autour de 550 000 depuis 2011. Mais comme l'indique le « Panorama de l'entrepreneuriat 2014 » de l'OCDE, « en France, les taux de création continuent de subir l'effet incitatif de la législation sur les auto-entrepreneurs introduite en 2009 ».
En outre, si le nombre d'entreprises créées au Royaume-Uni est encore inférieur à celui de la France, il tend à s'en rapprocher, comme le montre l'OCDE :
Comme le rappelle l'ONS, le nombre de créations d'entreprises au Royaume-Uni était de 250 000 en 2011, mais il s'est élevé à 270 000 en 2012 puis à 346 000 en 2013. Outre-Manche, TPE et PME sont à l'origine de 65% des nouveaux emplois (19 ( * )) . Chaque semaine 20 ( * ) au Royaume-Uni, 47 000 emplois sont détruits et 53 000 sont créés.
Malgré de bons résultats en matière de création d'entreprises, il semble donc que la France ne parvienne pas à créer de l'emploi comme au Royaume-Uni. En revanche, le niveau d'investissement y est l'un des plus élevé de la zone euro selon l'OFCE. Les entreprises installées en France préfèrent donc investir plutôt que de recruter.
Le constat est différent au Royaume-Uni, où l'investissement des entreprises est structurellement faible depuis les années 2000 21 ( * ) . L'investissement est tombé à un niveau d'à peine 16 % du PIB en 2013, contre 22 % en France. « Contrairement à ce qui s'est passé lors des phases de reprise qui ont suivi les crises précédentes, la productivité, qui est « l'un des principaux moteurs de la croissance sur le long terme », n'a pas augmenté depuis 2008 en Grande-Bretagne. L'OCDE attribue ce mauvais résultat à « une combinaison de chocs » qui ont pénalisé l'investissement, réduit l'efficacité du travail et gonflé l'offre de main-d'oeuvre (22 ( * )) . »
Le présent rapport détaille, dans un chapitre relatif à la confiance dans les entreprises, les mesures qui ont été mises en oeuvre par le Gouvernement britannique pour favoriser l'investissement et améliorer efficacement la situation au Royaume-Uni.
Plusieurs sujets ont été évoqués, permettant de mettre en évidence le pragmatisme britannique que les entrepreneurs outre-Manche considèrent comme le véritable atout pour leur activité et pour l'économie en général. Ce pragmatisme se décline en trois facteurs clés de succès : la simplicité, la confiance et la flexibilité.
A. LA SIMPLICITÉ
Les personnes auditionnées par la Délégation aux entreprises ont évoqué en premier lieu la simplicité qui caractérise les obligations que doivent remplir les entreprises au Royaume-Uni.
1. Simplicité fiscale
Cette simplicité caractérise tout d'abord la fiscalité qui pèse tant sur les salaires que sur les bénéfices.
a) Un coût du travail limité
Le Centre des Liaisons Européennes et Internationales de Sécurité Sociale (CLEISS), établissement public national à caractère administratif, assure le rôle d'organisme de liaison entre les organismes français et les institutions étrangères de sécurité sociale pour l'application des règlements européens et des accords bilatéraux et multilatéraux de sécurité sociale.
Son site permet de mettre en évidence la simplicité du système britannique, et par conséquent le gain de temps pour les employeurs. Au nombre et à la simplicité structurelle des cotisations, s'ajoute celle du recouvrement. En effet, les cotisations sont versées par l'employeur auprès du HMRC ( HM Revenue and Customs ) en même temps que les impôts. Le contraste avec le système français, décrit dans les tableaux ci-après, est saisissant.
ROYAUME-UNI
Salariés relevant du régime de retraite complémentaire public ("Not Contracted out of the Additional State Pension") :
Cotisations salariales |
|
Salaire hebdomadaire |
Taux |
jusqu'à 155 £ |
- |
de 155,01 £ à 815 £ |
12 % |
au-delà de 815 £ |
2 % |
Cotisations patronales |
|
Salaire hebdomadaire |
Taux |
jusqu'à 156 £ |
- |
supérieur à 156 £ |
13,8 % |
Source tableaux : GOV.UK (HM Revenue and Customs). |
Salariés relevant d'un régime de retraite complémentaire privé ("Contracted out of the Additional State Pension") :
Cotisations salariales |
|
Salaire hebdomadaire |
Taux |
jusqu'à 155 £ |
- |
de 155,01 £ à 770 £ |
10,6 % |
de 770,01 £ à 815 £ |
12 % |
au-delà de 815 £ |
2 % |
Cotisations patronales |
|
Salaire hebdomadaire |
Taux |
jusqu'à 156 £ |
- |
de 156,01 £ à 770 £ |
10,4 % |
au-delà de 770 £ |
13,8 % |
Source tableaux : GOV.UK (HM Revenue and Customs). |
FRANCE
Le tableau ci-dessous, proposé par la chambre de commerce et d'Industrie de Paris, montre la complexité des charges pesant sur les salaires et à laquelle les employeurs sont confrontés.
Nature des contributions |
Taux |
Base de calcul mensuelle |
Recouvrement |
|
Part employeur |
Part salarié |
|||
CSG |
7,5 % |
98,25 % salaire total dans la limite de 152 160 € |
URSSAF |
|
Totalité du salaire au-delà de 152 160 € |
||||
CRDS |
0,5 % |
98,25 % salaire total dans la limite de 152 160 € |
URSSAF |
|
Totalité du salaire au-delà de 152 160 € |
||||
Sécurité sociale (1) |
||||
contribution solidarité autonomie |
0,30 % |
- |
Salaire total |
URSSAF |
assurance maladie |
12,80 % |
0,75 % |
salaire total |
URSSAF |
assurance vieillesse plafonnée |
8,50 % |
6,85 % |
de 0 à 3 170 € |
URSSAF |
assurance vieillesse déplafonnée |
1,80 % |
0,30 % |
Salaire total |
URSSAF |
allocations familiales |
5,25 % |
salaire total |
URSSAF |
|
accidents du travail |
Variable (2) |
- |
salaire total |
URSSAF |
aide au logement entreprise de moins de 20 salariés |
0,10 % |
- |
de 0 à 3 170 € |
URSSAF |
supplément entreprise de 20 salariés et plus (FNAL) |
0,50 % |
- |
totalité du salaire |
URSSAF |
Assurance chômage |
||||
Cotisation chômage (3) |
4 % |
2,40 % |
de 0 à 12 680 € |
URSSAF |
Fonds de garantie des salaires |
0,30 % |
- |
de 0 à 12 680 € |
URSSAF |
Retraite complémentaire (4) |
||||||
AGFF Cadres et non cadres tranche 1 |
1,20 % |
0,80 % |
de 0 à 3 170 € |
AGIRC/ARR |
||
Cadres et non cadres tranche 2 |
1,30 % |
0,90 % |
de 3 170 à 9 510 € |
ARRCO |
||
APEC (cadres seulement) |
0,036 % |
0,024 % |
de 0 à 12 680 € |
AGIRC |
||
Non-cadres tranche 1 |
4,65 % |
3,10 % |
de 0 à 3 170 € |
ARRCO |
||
Non-cadres tranche 2 |
12,15 % |
8,10 % |
de 3 170 à 9 510 € |
ARRCO |
||
Cadres |
||||||
tranche A |
4,65 % |
3,10 % |
de 0 à 3 170 € |
ARRCO |
||
tranche B |
12,75 % |
7,80 % |
de 3 170 € à 12 680 € |
AGIRC |
||
tranche C |
(20,55 %) répartition libre |
de 12 680 € à 25 360 € |
AGIRC |
|||
CET |
0,22 % |
0,13 % |
de 0 à 25 360 € |
AGIRC |
||
assurance décès |
1,50 % |
- |
de 0 à 3 170 € |
AGIRC |
||
Formation professionnelle |
||||||
Entreprise de moins de 10 salariés (5) |
0,55 % |
- |
Masse salariale |
OPCA ou trésor public |
||
De 10 à moins de 20 salariés |
1 % |
- |
Masse salariale |
OPCA et sous conditions limitatives : formations des salariés de l'entreprise |
||
Entreprise de 20 salariés ou plus |
1 % |
Masse salariale |
OPCA et sous conditions limitatives : formations des salariés de l'entreprise |
|||
Entreprise avec CDD (dit CIF-CDD) |
1 % |
salaire CDD |
OPCA ou trésor public |
|||
Autres taxes et participations |
||||||
Taxe d'apprentissage (6) |
0,50 % |
Masse salariale |
Organisme collecteur |
|||
Contribution au développement de l'apprentissage |
0,18% |
Masse salariale |
Organisme collecteur |
|||
Contribution supplémentaire à l'apprentissage (entreprises de 250 salariés et plus, sous conditions) |
0,10 % |
Masse salariale |
Organisme collecteur |
|
4,25 % 8,50 % 13,60 % 20 % |
de 0 à 7 705 € de 7 705 à 15 385 € de 15 385 € à 151 964 € au-delà de 151 964 € |
Service des impôts des entreprises |
|
Versement transport (entreprises de plus de 9 salariés)
(8)
|
variable 0.016 % |
- |
salaire total |
URSSAF |
Participation à l'effort de construction (entreprises de 20 salariés et plus) (10) |
0,45 % |
Masse salariale |
Organisme collecteur ou, sous conditions, investissements directs |
|
(1) Pour connaître les modalités d'application de la
réduction de cotisations patronales dite " Fillon ", voir la fiche
Réduisez vos charges salariales avec la réduction
"Fillon"
|
||||
Source : http://www.entreprises.cci-paris-idf.fr/web/reglementation/developpement-entreprise/droit-social/charges-sociales |
Ce tableau reprend les taux de l'ensemble des contributions, cotisations et taxes sur salaire pour l'année 2015 et indique, pour chacune d'elle, l'organisme de recouvrement.
Les employeurs français sont donc confrontés à une extrême complexité du calcul des salaires, ce qui entraîne un coût administratif important. A ce handicap s'ajoute un coût important du travail. Le tableau comparatif (23 ( * )) dressé par le Cercle d'outre-Manche à partir des statistiques européennes harmonisées de 2013 met en évidence la différence du coût du travail entre la France (total des charges sur les salaires de 60%) et le Royaume-Uni (total des charges sur les salaires de 22%) :
FRANCE |
ROYAUME-UNI |
|
TVA taux normal |
19,6 % |
20 % |
TVA Taux réduit |
7 % et 5,5 % |
5 % et 0 % |
PLF 2014 |
Taux normal 20 % taux réduits 20 % et 5 % |
/ |
Charges patronales |
38 % |
10 % |
Charges salariales |
22 % |
12 % |
Total des charges sur les salaires |
60 % |
22 % |
Sources : Eurostat, Triactis
Cette illustration de la complexité française a des répercussions, par exemple sur l'établissement des bulletins de paie : quelques lignes outre-Manche contre des documents longs et illisibles en France. Pourtant, dès 1996, la Commission Turbot sur la simplification des bulletins de salaires dressait un constat alarmant sur la situation française en citant le ministre du travail et des affaires sociales : « Il s'agit là d'un sujet majeur dont la résonance est très forte car, psychologiquement, le bulletin de salaire est le symbole de la complexité et de la manière dont les décisions sont prises ».
Malgré des tentatives de simplification régulièrement menées en France, le résultat n'est pas encore satisfaisant et une nouvelle réforme est d'ailleurs annoncée par le Gouvernement pour 2016. En effet, un groupe de travail, associant les partenaires sociaux, des experts comptables, des éditeurs de logiciels de paie, des utilisateurs des bulletins de paie et des membres du comité de normalisation des données sociales, a été constitué. Il travaille à la simplification de la fiche de paie dans un double objectif : la rendre compréhensible par le salarié et faciliter la vie quotidienne des entreprises.
Dès janvier 2015, le groupe de travail s'est penché sur l'allègement des mentions associées aux prélèvements des employeurs. Cette première étape a abouti, à la fin du premier trimestre 2015, à la proposition d'un premier modèle qui sera soumis à la consultation des usagers. Un nouveau bulletin de paie simplifié devrait être mis à disposition des entreprises en janvier 2016.
La Délégation aux entreprises ne peut que se féliciter de cette démarche qui contribue à la simplification, à tout le moins visuelle. Il est utile, dans un tel contexte, de rappeler les témoignages des employeurs rencontrés à Londres : ils sont extrêmement satisfaits de la feuille de paie simple, avec une retenue à la source favorisant la consommation une fois le salaire versé. Ce cadre offre aux salariés des garanties puisqu'ils n'ont pas à définir un comportement d'épargne en fonction des éventuels scenarii fiscaux. À l'inverse en France, le comportement économique des personnels français intègre les aléas fiscaux qui vont peser sur le revenu, et les salariés sont davantage enclins à réduire leurs dépenses pour faire face à une fiscalité fluctuante et croissante.
b) Une responsabilité partagée
L'impôt sur les sociétés ( Corporation Tax ) comme l'impôt sur le revenu ( Income Tax ) sont également assez simples à appréhender, et surtout davantage légitimes pour les entrepreneurs. En effet, au Royaume-Uni, ils sont progressifs et sans niches fiscales : ces caractéristiques permettent de créer un « sentiment de responsabilité ».
En outre, ces impôts paraissent beaucoup plus justes que les charges sur les salaires qui, lorsque les cotisations sont trop élevées comme en France, découragent tout entrepreneur avant même d'avoir pu créer de la richesse.
L'impôt sur le revenu ( Income Tax ) est calculé selon le barème suivant (2013-2014)
Source : Income Taxe rates and personal allowances - GOV.UK
Comme le rappelle le site du ministère des affaires étrangères France Diplomatie, seules les sociétés dont le bénéfice imposable est supérieur à 1 500 000 £ doivent verser des acomptes d'impôt sur les sociétés. En ce qui concerne les autres sociétés, l'impôt doit être acquitté en une seule fois, dans les neuf mois et un jour qui suivent la fin de l'exercice comptable.
Les sociétés résidentes du Royaume-Uni sont imposables sur les bénéfices et les plus-values qu'elles réalisent. Le résultat auquel s'applique l'impôt sur les sociétés inclut les revenus d'exploitation commerciale, les revenus fonciers, les revenus de capitaux mobiliers, etc...
Les principaux taux en matière d'impôt sur les sociétés ( corporation tax ) sont les suivants :
Exercice du 1er avril 2014 au 31 mars 2015 |
Taux |
Bénéfice inférieur à 300 000 £ |
20% |
Bénéfice supérieur à 300 000£ |
21% (26 ( * )) |
Source : Corporation Tax rates and reliefs - GOV.UK
À compter du 1 er avril 2015, il existe un taux unique de 20%.
Le taux d'imposition sur les sociétés est donc beaucoup plus léger au Royaume-Uni qu'en France où il est fixé à 33,33% (27 ( * )) .
2. Simplicité administrative
La simplicité administrative découle tout naturellement, en premier lieu, de la simplicité fiscale évoquée ci-avant. Mais le Royaume-Uni conduit une politique très claire et structurée en matière de simplification administrative pour les entreprises.
En juillet 2010, l' Office of tax simplification est créé pour identifier les complexités du système fiscal, tant pour les entreprises que pour les personnes. Son rôle est d'indiquer les réformes nécessaires pour simplifier la fiscalité. Il s'agit de l'une des premières mesures du nouveau gouvernement dirigé par David Cameron, qui annonce alors vouloir faire du Royaume-Uni « le membre du G20 le plus compétitif » et inverser la tendance ayant conduit au doublement du nombre de pages constituant le code des impôts (11 000 pages).
En janvier 2011, le Gouvernement instaure la règle du « One-in, One-out » . Ce système exige que les ministères déterminent quelles règles en vigueur pourraient être éliminées lorsqu'ils cherchent à en introduire de nouvelles. L'objectif de cette stratégie est de maintenir un coût cumulatif net égal à zéro ou négatif de la réglementation intérieure pesant sur les entreprises. Ainsi, pour chaque livre sterling de coût administratif entraîné par une nouvelle norme, le ministère doit supprimer ou modifier une norme existante afin de compenser financièrement ce coût.
En janvier 2013, le Gouvernement choisit de renforcer cette dynamique en instaurant la règle du « One-in, Two-out » : lorsqu'une nouvelle réglementation est décidée par un ministère, il doit indiquer, pour chaque livre sterling de coût supplémentaire, les modifications de la réglementation existante afin de générer une économie de deux livres.
Les économies ainsi réalisées depuis 2011 sont évaluées à 2,2 milliards de livres (28 ( * )) . Ces estimations sont validées par une autorité indépendante, le Regulatory Policy Committee ( RCP ) .
Ces économies correspondent à l'introduction, sur la période allant de janvier 2011 à juillet 2015 (29 ( * )) , de 119 règles « In », 213 règles « out », et 184 mesures à coût nul pour les entreprises.
En outre, le « Ninth Statement of New Regulation » ( SNR9 ) doit garantir la transparence concernant les mesures qui doivent être introduites dans les six mois à venir, incluant les normes ou règles européennes devant être transposées au Royaume-Uni et qui représenteront un coût pour les entreprises.
Cette démarche « pro-business » dont les entrepreneurs saluent l'existence, met en oeuvre les recommandations de deux rapports successifs publiés au Royaume-Uni :
- celui de Philip Hampton (mars 2005 (30 ( * )) ), chef d'entreprise à qui le Chancelier de l'Échiquier a confié une mission visant à identifier les clés pour réduire les charges administratives et réglementaires pesant sur les entreprises ;
- celui de Richard Macrory (novembre 2006 (31 ( * )) ) définissant les principes devant guider la définition des sanctions auxquelles les entreprises sont confrontées.
Le caractère systématique et obligatoire pour tous les ministères semble plus efficace que les vagues successives de simplification législative que l'on connaît en France, dans la mesure où il relève d'une logique globale : la simplification vient en contrepartie de mesures nouvelles, dont on a mesuré l'impact pour les entreprises (l'évaluation est chiffrée en livres sterling), et chaque ministre la pilote de façon permanente. La logique britannique pourrait à tout le moins inspirer de nouveaux comportements normatifs en France.
C'est ce qui a conduit la Délégation aux entreprises à demander l'inscription d'une question orale avec débat (32 ( * )) sur le bilan de la circulaire du 17 juillet 2013 relative à la mise en oeuvre du gel de la réglementation en ce qui concerne les entreprises. Lors de cette question, inscrite à l'ordre du jour du 10 juin 2015, vos rapporteurs ont interrogé le Gouvernement sur la situation française pour connaître le bilan de la circulaire précitée et savoir où en était la recommandation du Conseil de la simplification pour les entreprises, qui en avril 2014, demandait que la France se dote d'une structure analogue au Regulatory Policy Committee .
Mme Lamure a ainsi rappelé les exemples de nos voisins européens : « Vous ne l'ignorez pas, d'autres grands pays européens peuvent inspirer notre action en ce domaine. Ainsi, l'Allemagne a son Normenkontrollrat . Cet organe indépendant a été créé en 2006 par le gouvernement allemand pour réduire la bureaucratie. Il offre une évaluation précise et transparente de la charge induite par toute nouvelle disposition, avant son adoption .
De même, le Royaume-Uni dispose du Regulatory Policy Committee , créé en 2009 et chargé de vérifier les estimations des coûts et bénéfices de chaque norme envisagée, en termes économiques, sociaux et environnementaux. Cet organe accompagne le gouvernement britannique dans l'application de la règle qu'il s'est fixée pour réduire le poids des normes.
Au reste, le Conseil de la simplification pour les entreprises d'avril 2014 avait préconisé, en priorité, la création d'une instance équivalente pour la France : la semaine dernière, vous avez annoncé sa mise en place au 1 er juillet. Pouvez-vous nous le confirmer ? »
M. Cadic a pour sa part évoqué une autre réforme britannique : « la création de l'Office of Tax Simplification a permis de prendre en compte le point de vue des entreprises dans les efforts de rationalisation et de simplification de la stratégie fiscale britannique. Et que croyez-vous qu'il arrivât ? Les parlementaires ont tenu parole. Ils ont fait mieux encore, en générant un solde positif d'allégement de charges en faveur des entreprises de 963 millions de livres sterling en deux ans, la déflation législative en prime ».
Le secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification , a indiqué s'être inspiré des démarches aujourd'hui mises en oeuvre chez nos voisins européens en évoquant « un tour d'Europe des pays qui mènent depuis quelques années - un peu moins de dix ans pour la plupart d'entre eux - des politiques de simplification, avec des résultats plus ou moins importants.
Outre l'Allemagne -vous avez cité le Normenkontrollrat, qui s'accompagne d'autres dispositifs-, nous nous sommes rendus en Angleterre, en Belgique, aux Pays-Bas, au Danemark... Nous avons commencé, sagement et modestement, à regarder comment il fallait s'y prendre pour réussir une politique de simplification. De ce petit tour d'Europe, nous avons tiré quelques principes qui fondent la politique que je m'apprête à évoquer . (...)
Au 1 er juillet 2015, un comité impact entreprises, ou CIE, sera créé, à l'image du Normenkontrollrat en Allemagne ou du Regulatory Policy Committee en Angleterre, composé de représentants du monde économique et de personnalités qualifiées.
Ce comité pourra donner un avis sur les conséquences microéconomiques pour les entreprises d'un texte de loi. Il ne s'agira bien évidemment pas d'un avis sur l'opportunité du texte en question. Vous, parlementaires, êtes libres de voter le texte que vous voulez, mais les projets de loi que vous examinez sont normalement accompagnés d'études d'impact, de plus ou moins bonne facture, d'ailleurs. Ces études d'impact seront examinées par le CIE, qui pourra considérer que l'impact sur le fonctionnement quotidien des entreprises de certaines mesures a été sous-estimé ou au contraire correctement appréhendé. Vous pourrez donc voter la loi en étant parfaitement éclairés sur les conséquences très concrètes qu'elle pourra avoir.
Je précise que ce CIE relèvera d'une mission supplémentaire confiée au Conseil de la simplification pour les entreprises. Pour l'instant, il n'est pas prévu que son avis soit obligatoire ; le Gouvernement aura seulement la faculté de le saisir ou non. Néanmoins, il représentera un progrès considérable dans la fabrique de normes nouvelles ; la règle du « un pour un », actuellement valable pour les décrets, sera ainsi étendue à la production législative » .
Vos rapporteurs se réjouissent de l'annonce du secrétaire d'État faisant référence aux organes créés par les gouvernements de Mme Angela Merkel et M. David Cameron. Ils auraient néanmoins aimé avoir de plus amples explications sur la méthodologie suivie pour l'application de la circulaire et pour l'établissement de son bilan chiffré, que le secrétaire d'État, M. Thierry Mandon, a estimé à 1,5 milliard d'euros de gains nets pour les entreprises, dans la réponse qu'il a faite à Mme Lamure en séance.
* 19 En France, l'APCE indique que TPE et PME sont à l'origine de la quasi-totalité des créations d'emplois. En 2012, la Commission européenne estimait que les PME étaient à l'origine de 85% des créations d'emplois dans l'Union européenne.
* 20 Étude de l'Université de Nottingham http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1534#inter1
* 21 Catherine Mathieu, OFCE, « Le Royaume-Uni à l'approche des élections : l'économie, carte maîtresse de David Cameron », 4 mai 2015.
* 22 http://www.lesechos.fr/journal20150225/lec1_monde/0204178822608-royaume-uni-la-faible-productivite-du-travail-inquiete-locde-1096444.php
* 23 http://www.cercledoutremanche.com/public/var/observations/note-dinformation-fr-vs-uk-juin-2014.pdf
* 24 En-dessous de cette somme, il n'y a pas d'imposition, c'est le « Standard Personal Allowance ». Pour calculer la tranche d'imposition, il faut donc retrancher ce montant de 10 600 £ du total des revenus.
* 25 Soit le seuil de 31 785 £ auquel on ajoute le « Standard Personal Allowance » de 10 600 £.
* 26 Ce taux était de 26% en 2011, de 24% en 2012, et de 23% en 2013.
* 27 Lorsque le chiffre d'affaires de l'entreprise est inférieur à 7,63 millions d'euros, le taux dépend de conditions liées à son capital et peut donc être de 15% pour les 38 120 premiers euros de bénéfices, si le capital a été entièrement versé par les associés et est détenu pour 75 % au moins par des personnes physiques (ou par une autre société répondant aux mêmes conditions).
* 28 https://www.gov.uk/government/organisations/regulatory-policy-committee
* 29 D'après la publication du 30 décembre 2014 de la direction ministérielle des entreprises et de l'innovation.
* 30 http://webarchive.nationalarchives.gov.uk/20130129110402/http://www.hm-treasury.gov.uk/d/bud05hamptonv1.pdf
* 31 http://webarchive.nationalarchives.gov.uk/20121212135622/http:/www.bis.gov.uk/files/file44593.pdf
* 32 Le compte rendu de la séance figure en annexe du présent rapport.