EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires européennes s'est réunie le jeudi 16 avril 2014 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par Mme Fabienne Keller, le débat suivant s'est engagé :

M. Jean Bizet, président . - En vous écoutant et à la lecture de votre rapport, nous sommes rassurés sur les intentions de nos amis britanniques et nous comprenons que leur intention première n'est pas de sortir de l'Union mais de négocier ce qu'il faut bien appeler la place particulière du Royaume-Uni au sein de l'Union européenne.

À vrai dire, nous pouvons partager une partie des demandes britanniques. Mais pour nous, l'approfondissement de l'Eurozone est inéluctable et incontournable.

M. Simon Sutour . - Les Britanniques ne sont pas membres de la zone euro, mais ils veulent nous expliquer ce que nous devons faire dans ce domaine. Cela reste toujours un peu surprenant. Cela dit, les positions des uns et des autres évoluent sur cette question comme sur les autres : par exemple, on parle maintenant plus de rigueur que d'austérité.

Il faut attendre le résultat des élections du 7 mai et le système du scrutin uninominal à un tour - que certains voulaient introduire en France alors que ce n'est pas notre tradition - peut réserver de grandes surprises. Je me réjouis du travail accompli par notre collègue et je la remercie, car nous avons eu trop souvent tendance à balayer la position britannique d'un revers de main, alors qu'elle comporte des propositions intéressantes. Il faudra en reparler après les élections.

M. Jean-Yves Leconte . - Nous comprenons que les Britanniques ont une position pragmatique et récusent une grande vision politique à long terme. Il faut le prendre en compte, mais on peut aussi le regretter.

M. Éric Bocquet . - Nous avons là l'illustration de duplicité de nos amis Anglais : ils s'opposent mais ils réussissent à faire nommer Jonathan Hill à Bruxelles. Nous savons tous que le pragmatisme britannique est une force qui leur permet de défendre leur principale industrie : les services financiers qui représentent 35 % de leur PIB.

Mme Colette Mélot . - J'ai lu avec intérêt le rapport de Fabienne Keller et je félicite le rapporteur de son travail. En effet, il était temps de corriger les caricatures que l'on trouve dans la presse. Certes, les Britanniques jouent un jeu dangereux mais ils le font avec une grande habileté. Ils disent haut et fort qu'il y a trop d'Europe, mais ils veulent toujours plus de marché intérieur. Nous sommes avertis et c'est à nous de savoir négocier, car mon avis est que nous ne pouvons pas faire l'Europe sans le Royaume-Uni. Je devine donc que nous finirons par trouver une position négociée même s'il faut aller vers une Europe à deux vitesses comme l'indique M. Valéry Giscard d'Estaing, dans son dernier livre à propos des deux cercles européens.

Mme Fabienne Keller . - La position britannique est paradoxale effectivement à première vue. En tout cas, les Britanniques ont ce mérite que partout ils font en sorte que les choses ne se fassent pas sans eux !

Cette idée d'audit était particulièrement astucieuse parce qu'ainsi, ils posent des socles et ils valident une position consensuelle. C'est une stratégie et elle est, me semble-t-il très efficace.

Naturellement l'élection du 7 mai est très incertaine.

Les Conservateurs et les Travaillistes sont donnés au coude à coude avec plus ou moins 35 % des votes chacun, ce qui ne les met pas en position d'obtenir une majorité absolue des sièges au Parlement. Mais une fois de plus le risque et l'incertitude proviennent surtout de l'abstention qui promet d'être très élevée.

Les Libéraux Démocrates sont crédités de 8 % des voix, l'UKIP de 16 % et les Verts de 5 %. Normalement le scrutin uninominal à un tour pénalise toutes les petites formations, mais leur présence dans un très grand nombre de circonscriptions change la donne pour le bipartisme traditionnel. Enfin en Ecosse, le Parti Indépendantiste (à gauche de la gauche) s'apprête à déstabiliser les travaillistes pourtant bien implantés.

Avec 35 % des voix chacun, les deux partis principaux n'ont jamais réalisé un score combiné aussi bas si bien que ce scrutin est le plus incertain qu'ait connu le Royaume depuis un siècle. Si ces pronostics sont confirmés par les électeurs le 7 mai prochain, des alliances seront nécessaires comme ce fut le cas pour Cameron en 2010 qui s'est allié aux Libéraux Démocrates au sein d'une coalition qui s'est révélée solide contre toute attente et qui pourrait bien être renouvelée si les Libéraux Démocrates retrouvent leurs sièges, ce qui semble peu probable, car leur électorat s'est effondré.

On sait que le Parti Conservateur ne veut pas s'unir à UKIP qui de toute manière n'obtiendra que 5 sièges, s'il les obtient. Quant à l'appui des Unionistes irlandais, il ne peut être que limité à sans doute 10 sièges.

Quant aux Travaillistes, ils ont annoncé qu'ils ne feraient pas alliance avec le Parti Indépendantiste Écossais (SNP) qui est en plein essor malgré son échec cuisant au référendum de 2014 sur l'indépendance. Ils pourront sans doute se rapprocher des Lib-Dem qui sont prêts à travailler avec les Travaillistes après avoir travaillé avec les Conservateurs.

Le scenario le plus probable est celui d'une reconduction de l'actuelle coalition, ce qui entraînera à terme - en 2017, sans doute - un référendum sur le maintien de la Grande Bretagne dans l'Union après renégociation des divers points jugés sensibles par les Anglais.

Si les Travaillistes devaient l'emporter de justesse, ils seraient contraints de s'allier aux Lib-Dem et à tenir en respect le Parti Indépendantiste écossais.

Il y a peu de chance que l'UKIP fasse le plein des voix et entre triomphalement au parlement et comme il a été dit, le SNP indépendantiste écossais devrait entrer massivement au Parlement mais uniquement pour faire avancer son projet indépendantiste.

La France doit garder un lien fort avec le Royaume-Uni, ne pas avoir une vision trop tranchée de la position britannique et garder en mémoire l'efficacité de l'approche britannique qui est plus nuancée qu'il y parait.

M. Jean Bizet , président . - Je pense qu'il était bon de clarifier notre compréhension de l'approche britannique et ce que vous nous dites est au fond très positif pour l'Union. Nous prenons acte de la démarche pragmatique, audacieuse et bien construite du Royaume-Uni.

Mme Fabienne Keller . - Il nous faut respecter la diversité au sein de l'Europe. Or, aujourd'hui ceux qui font l'Europe se connaissent de plus en plus mal et en restent aux clichés. Les Britanniques veulent continuer de profiter du grand marché et apporter leur vision. Il nous appartient d'étayer notre position comme ils étayent la leur.

M. Jean Bizet , président . - Nous vous remercions et nous attendons maintenant les élections du 7 mai.

À l'issue de ce débat, la commission autorise, à l'unanimité, la publication du rapport d'information.

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