III. LES AXES DU FUTUR
Quels que soient les résultats des prochaines échéances et sauf « surprises stratégiques », certaines grandes tendances semblent devoir marquer les prochaines années et devoir être appréciées, à la nuance près, comme des invariants de la politique étrangère américaine.
L'engagement en Asie est une tendance de long terme qui n'est pas prête de s'effacer, mais les États-Unis resteront engagés au Moyen-Orient et en Europe . Comme l'a démontré Philippe Errera, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense lors de son audition devant votre commission 248 ( * ) : « Les zones ne sont pas cloisonnées. Ce que les États-Unis font en Europe, au Moyen-Orient ou en Asie est étroitement lié. La meilleure preuve de la crédibilité américaine vis-à-vis des alliés du Pacifique sera d'abord et avant tout fournie par ce que les États-Unis font en Europe - par rapport à la Russie dans la crise de Crimée, actuellement par exemple - ou au Moyen-Orient. ». Il y a une interconnexion de plus en plus grande entre les questions dans le monde qui rend impossible, à une puissance de la taille des États-Unis, de limiter sa présence, son influence et son intervention. Les États-Unis ne peuvent s'offrir « le luxe du repli ».
A. LE RÉÉQUILIBRAGE VERS L'ASIE EST APPELÉ À SE POURSUIVRE
Les facteurs qui incitent les États-Unis au rééquilibrage restent entiers. Zone de richesses et zone de tensions, la région Asie-Pacifique devient une clé de la stabilité du monde, les États-Unis continueront à s'y intéresser , comme ils l'ont fait depuis toujours et plus encore depuis les années 1970, sous les présidences républicaines, comme sous les présidences démocrates, le pivot n'étant qu'un jalon dans une démarche inexorable , qui ne peut être perturbée que par la survenance de crises importantes dans d'autres régions. L'enjeu est en réalité dans la capacité des États-Unis et plus probablement des États-Unis et de la Chine, de concilier l'affirmation de leur puissance respective qui peut entraîner des situations de tension et un dialogue stratégique nourri qui permette d'engager la Chine dans une relation apaisée et régulée par le droit international ou des accords équilibrés avec ses voisins.
Les questions stratégiques pendantes concerneront avant tout :
- la place et le degré d'autonomie que les États-Unis laisseront à leurs alliés, notamment au Japon au sein de cet ensemble et le degré de confiance que ceux-ci accorderont aux garanties qui fondent ses alliances ;
- leur capacité à engager les États de l'Asie du Sud-Est dans un partenariat solide ;
- et leur capacité à élargir le champ du pivot vers un arc indopacifique englobant l'Inde.
Sans préjuger du rythme de sa mise en oeuvre, le rééquilibrage vers l'Asie-Pacifique restera la colonne vertébrale de l'évolution du dispositif militaire américain. Au-delà des implantations de déploiement des forces américaines, cela signifie aussi la confirmation des programmes d'armement stratégiques. Cet intérêt est soutenu par la perception de la partie la plus jeune de l'opinion publique américaine 249 ( * ) .
* 248 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20140407/etr.html#toc7
* 249 Dans l'étude du Pew Research Center précité si une majorité d'Américains considèrent les liens avec l'Europe comme plus importants que les relations avec les pays asiatiques (50 % contre 39 %), en revanche, chez les jeunes Américains, l'Asie demeure plus importante que l'Europe (52% contre 37 %). http://www.people-press.org/files/legacy-pdf/12-3-2013%20APW%20VI.pdf