B. LA SOUTENABILITÉ DE L'EFFORT MILITAIRE DE DÉFENSE NÉCESSITERA UNE PARTICIPATION PLUS GRANDE DES ALLIÉS DES ETATS-UNIS
Le retour à meilleure fortune de l'économie américaine n'entraînera pas une réallocation automatique des surplus à la défense. À partir de 2016, les déficits devraient augmenter sous l'effet de la montée des dépenses des programmes sociaux et de sécurité sociale, stimulée par le vieillissement de la population (génération du baby-boom). Les dépenses fédérales pour les grands programmes de santé et de sécurité sociale atteindraient 14 % du PIB sur les 25 prochaines années, soit le double du niveau des quatre dernières décennies, ce qui pèsera fortement sur le déficit et sur la dette 250 ( * ) .
Quand bien même, les États-Unis seraient-ils en mesure de soutenir l'effort de défense nécessaire pour maintenir leurs positions dans le monde, notamment avec la sortie de la crise et l'accès à l'autosuffisance énergétique, et sauf évènements exceptionnels qui exigeraient une réaction forte, il est peu probable qu'ils s'engagent avec des moyens comparables à ceux déployés en Afghanistan ou en Irak.
Ils auront donc tendance à solliciter l'appui et le concours de leurs alliés. Dans la relation avec les alliés, après l'expérience de l'opération en Libye, « l'idée d'un partage géographique des responsabilités fait son chemin. Sous réserve de trouver des pays partenaires pour s'inscrire dans ce schéma, l'idée serait de voir les États-Unis se concentrer sur certaines régions du monde tandis que d'autres pays feraient de même dans les zones les moins couvertes par les États-Unis (certains États d'Afrique) pays auxquels le Pentagone pourrait fournir un soutien en cas d'engagement 251 ( * ) ».
Il leur importera dès lors de consolider ces alliances et d'inciter les alliés à consacrer des moyens suffisants pour leur défense avec l'idée que seules méritent d'être encouragés les relations avec les pays ou organisations qui contribuent significativement en amenant de vraies capacités militaires 252 ( * ) .
Il leur importera aussi de soutenir une plus grande intégration de leurs alliés entre eux, afin de réduire les tensions qui peuvent les opposer et auront tendance à s'intéresser de plus en plus aux institutions qui portent ces alliances et qui commencent pour certaines à investir le champ de la sécurité et de la défense, notamment l'Union européenne, comme interlocuteur spécifique.
Cette politique plus ou moins développée selon les régions, - l'Europe étant la mieux pourvue en termes de structures opérationnelles - guidera l'action des États-Unis en Asie-Pacifique et dans le Golfe arabo-persique. Le Pentagone « accorde de plus en plus d'importance aux structures permanentes de commandement et de contrôle (C2) qui garantissent l'efficacité opérationnelle. La principale leçon apprise en Libye est bien la pertinence de la NATO Command Structure, efficace et flexible. Par opposition, il subit l'absence de telles structures dans d'autres régions du monde, tout particulièrement à l'heure actuelle en Asie (nombreux accords bilatéraux mais absence de structure multinationale de commandement) ou encore dans le Golfe où le Conseil de coopération du Golfe (CCG) ne dispose pas de structure militaire unifiée. Afin de favoriser l'émergence de structures C2 permanentes, le Pentagone cherchera à remplacer les traditionnels exercices bilatéraux par des exercices multilatéraux 1 » .
* 250 Patrick Allard « Le retour du retour (économique) de l'Amérique » CFJC, 22 janvier 2014 http://www.cfjc-investments.com/wp-content/uploads/Le-retour-du-retour-de-lAmérique-P-Allard-CFCJ-Investments-jan-2014.pdf
* 251 GBA Bruno Caitucoli « La défense américaine se réinvente dans l'incertitude budgétaire » Revue Défense nationale no 760, mai 2013
* 252 GBA Bruno Caitucoli, article précité : « le Pentagone sait pourtant que cette règle est difficile à appliquer dans certains domaines (ISR, ravitaillement en vol), voire hors de portée dans certains domaines (défense anti-missile, balistique) ».