C. UN MESSAGE SINGULIER EN EUROPE ET DANS LE MONDE
1. Attendre les résultats du chantier arctique de la recherche française
Le Colloque «Arctique : les grands enjeux scientifiques » qui a eu lieu du 3 au 5 juin 2013 au Collège de France est l'acte fondateur du Chantier Arctique de la recherche française.
Il a été précédé d'un exercice de prospective centré autour de neuf points : permafrost ; biodiversité et écosystème ; climat-atmosphère-glace-océan ; géodynamique et ressources naturelles ; l'anthropisation et ses impacts ; gouvernance et géopolitique ; sociétés arctiques et systèmes de connaissance ; observation ; modélisation.
Les objectifs du colloque, auquel ont participé près de 450 chercheurs, étaient de :
- faire le point sur les grands enjeux scientifiques et les avancées récentes dans le domaine de l'Arctique,
- mobiliser la communauté scientifique, toutes disciplines confondues, autour de ces enjeux,
- mettre en évidence les axes les plus prometteurs pour rapidement améliorer la compréhension de ce système complexe qu'est l'Arctique.
Depuis lors, une synthèse de la prospective articulée autour de treize chapitres a été publiée en mars 2014 et un document à l'attention des décideurs politiques devait être remis avant le 1er juillet.
Cette démarche participative et innovante est particulièrement intéressante et constitue le pendant scientifique de la préparation de la feuille de route nationale élaborée par la diplomatie française.
Elle est centrale, car comme cela a été montré dans la deuxième partie, la recherche sur l'Arctique est l'élément partagé par l'ensemble des acteurs mondiaux, celui qui permettra de prendre les bonnes décisions dans la région, à travers une meilleure compréhension de ses changements.
Enfin, pour l'ensemble de ces raisons, la recherche est le point d'entrée au Conseil Arctique, qui permet aux États observateurs d'apporter aux États membres une expertise scientifique qui leur fait défaut. C'est à travers la science et la connaissance qu'on pourra placer la transformation de l'Arctique dans une perspective globale et rappeler l'enjeu de la préservation de son environnement par un développement durable.
Toutefois, les ambitions de la recherche française en Arctique seront cependant limitées par la rareté des ressources budgétaires. D'autant que les deux navires employés dans la recherche polaire, le Marion Dufresne et l'Astrolabe connaissent la fin d'un cycle et vont nécessiter d'importants travaux d'ici à 2017.
Sans préjuger des résultats du Chantier Arctique, et en toute indépendance par rapport à celui-ci, il conviendrait pour être efficace que la recherche française inscrive son action en Arctique selon trois axes directeurs.
Le premier axe serait de développer une ambition pour l'Arctique afin de placer la recherche française en ce domaine au même niveau d'investissements et de résultats (publications) que la recherche sur l'Antarctique. L'expertise concernant les deux pôles est la force de la recherche française. Elle doit le rester et être employée pour renforcer la connaissance de l'Arctique.
Par soucis d'efficacité, le second axe viserait à orienter la recherche française vers les groupes de travail du Conseil Arctique. Il s'agirait d'identifier les besoins de ces groupes, d'identifier s'il existe dans le monde de la recherche française des personnes capables d'y répondre et de proposer notre expertise. Cette démarche, certes humble, serait bien accueillie par des groupes en quête d'experts qualifiés.
Enfin, un effort budgétaire serait nécessaire mais il resterait modeste. Il s'agirait surtout de permettre aux chercheurs français d'effectuer plus de recherches de terrain et de participer aux groupes de travail du Conseil Arctique qui se réunissent toujours dans le Grand Nord. Il pourrait être envisagé que le budget des déplacements soit partagé par les organismes de recherche et le Ministère des Affaires étrangères.
C'est à ce prix que la France pourra montrer la qualité de sa recherche scientifique en Arctique et porter un message pertinent à l'égard des peuples arctiques et du monde.
2. L'organisation de la conférence sur le climat en 2015
En octobre 2015, la France accueillera la 21 ème Conférence des parties à la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques et la 11ème session de la réunion des Parties au Protocole de Kyoto, qu'on désigne communément par le terme de conférence sur le climat ou encore de COP 21.
Cela confère à la France une responsabilité particulière en matière de lutte contre le réchauffement climatique mondial. Elle a, pour y faire face, une ambition affichée : l'accélération de la négociation d'un nouvel accord universel sur le climat d'ici décembre 2015. Selon Laurent FABIUS, « il est essentiel qu'un accord universel, ambitieux et comportant des engagements de réduction d'émissions [de gaz à effet de serre] soit bien conclu en 2015 » .
Or, on sait deux choses : la lutte contre le réchauffement climatique mondial revêt un intérêt tout particulier pour la préservation de l'environnement fragile de l'Arctique ; les négociations sur le climat sont extrêmement laborieuses et débouchent souvent sur un faible résultat, particulièrement ces dernières années. La tâche de la France s'annonce donc difficile, mais elle aura le devoir de défendre la protection de l'environnement arctique, voire polaire.
Une attention particulière donnée à la zone Arctique, en cohérence avec l'actualité de ce sujet et sa pertinence, et en associant les peuples autochtones, pourrait avoir un impact important sur les opinions publiques mondiales. Les aspects environnementaux et climatiques de l'Arctique sont au coeur de l'engagement de nombreux pays dans la région, à commencer par ceux du Conseil arctique. Car, comme aime à le rappeler l'explorateur Jean-Louis Etienne, « on a tous un pôle nord » !