B. DES ÉTATS MEMBRES QUI SE DÉTOURNENT DU PROJET COMMUN

Les États membres n'ont pas conduit les efforts nécessaires au succès de la Stratégie de Lisbonne qu'ils avaient eux-mêmes arrêtée en 2000. Ils n'ont pas non plus respecté les règles qu'ils avaient définies pour assurer entre eux une convergence économique et budgétaire.

1. L'échec de la stratégie de Lisbonne

Pour réussir dans un monde globalisé, l'Europe doit investir massivement dans la recherche et l'innovation. Avec la Stratégie de Lisbonne, lancée par le Conseil européen de mars 2000, l'Europe avait identifié un projet susceptible de mobiliser les énergies autour de cette grande ambition. L'objectif était, en effet, de faire de l'Union européenne, en 2010, « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d'une croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale ». Dans ce but, l'effort d'investissement consacré à la recherche et au développement (R&D) devait être porté à 3 % du PIB.

Cependant, il fut décidé que la mise en oeuvre de la Stratégie de Lisbonne serait fondée sur la méthode ouverte de coordination (MOC) qui reconnaît aux États membres une large autonomie pour atteindre les objectifs communs fixés par le Conseil. En pratique, les États membres ne furent soumis à aucune obligation contraignante.

Même si la Stratégie de Lisbonne a pu favoriser une dynamique de réformes dans certains secteurs qui ont été ouverts à la concurrence (télécommunications, transport ferroviaire de marchandises, services postaux, électricité, gaz), les résultats sont loin de l'ambition initiale. Les dépenses de R&D illustrent ce triste constat puisqu'elles ne dépassent pas en moyenne 1,9 % du PIB (UE à 25). Seules la Finlande et la Suède respectent les objectifs de la Stratégie de Lisbonne en y consacrant plus de 3 % de leur PIB.

On peut identifier les causes de cet échec : l'absence d'un véritable pilotage européen permettant une vraie coordination et imposant des obligations concrètes aux États membres, ainsi que l'absence de véritables financements européens au service de l'ambition affichée.

A posteriori est validée la pertinence de la proposition faite sans succès en 2004 par l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni, de créer un poste de vice-président en charge de la coordination des réformes économiques.

2. Le non-respect des règles de convergence

Comme on l'a vu, l'Union européenne a su apporter progressivement des réponses à la grave crise à laquelle elle a été confrontée. On ne peut pour autant se dispenser de tirer les leçons de cette crise. Elle illustre, en effet, le terrible constat d'une Europe qui n'a pas su se doter collectivement des moyens d'affronter les périls économiques. Elle témoigne aussi de la désinvolture des États membres pour remplir individuellement leurs propres obligations.

La crise qui a affecté profondément la zone euro a mis en évidence les graves insuffisances du Pacte de stabilité et de croissance élaboré en 1997.

Le système de surveillance multilatérale a été un échec, également favorisé par les carences des contrôles statistiques. Les critères relatifs au déficit et à la dette publics n'ont jamais été respectés par l'ensemble des États membres. Sur une dérive des finances publiques, en réalité ancienne, est venu se greffer le choc de la crise financière puis économique. Entre 2008 et 2009, la zone euro est passée d'un déficit budgétaire de 2 %, qui respectait donc la norme de 3 %, à 6,4 %, et l'endettement public s'est creusé de 9 points. Les procédures de surveillance mutuelle sont apparues incomplètes. Elles ont négligé d'autres causes de déséquilibres, comme l'accumulation de dettes privées, les bulles financières ou immobilières ou encore les écarts de compétitivité qui se sont creusés entre les États membres.

Incomplet, le Pacte de stabilité et de croissance n'a de toute façon pas été appliqué. La procédure pour déficit excessif a été engagée à plusieurs reprises, mais jamais menée à son terme, le Conseil, utilisant son pouvoir discrétionnaire, ayant refusé, en novembre 2003, de voter les recommandations présentées par la Commission contre l'Allemagne et la France qui ne respectaient pas le critère de déficit public. Le Pacte a ainsi été privé de toute crédibilité. Il devenait alors difficile de sanctionner les « mauvais élèves » dont le poids économique était bien moindre, la Grèce par exemple. Qui plus est, les règles du Pacte ont été assouplies en juin 2005.

Là encore, on doit souligner que, faute d'un réel pilotage européen et de règles véritablement contraignantes, les États membres ont pu se livrer au laxisme budgétaire et prendre toute liberté avec les règles qu'ils avaient pourtant eux-mêmes fixées.

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