L'APPLICATION DE LA LOI DU 21 AOÛT 2007 SUR LE DIALOGUE SOCIAL ET LA CONTINUITÉ DU SERVICE PUBLIC DANS LES TRANSPORTS TERRESTRES RÉGULIERS DE VOYAGEURS
I. UNE MISE EN oeUVRE PLUS SATISFAISANTE DANS LE SECTEUR DU TRANSPORT URBAIN QUE DANS L'INTERURBAIN
A. UN ACCORD DE BRANCHE A ÉTÉ CONCLU UNIQUEMENT POUR LE TRANSPORT URBAIN MAIS LES ACCORDS D'ENTREPRISES SUR LA PRÉVISIBILITÉ SONT TROP PEU NOMBREUX
1. L'accord de branche du 3 décembre 2007 permet de mieux structurer le dialogue social dans le transport urbain
Le 3 décembre 2007, l'UTP a signé un accord de branche sur le développement du dialogue social, la prévention des conflits et la continuité du service public dans les transports urbains de voyageurs, avec la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC et l'Unsa. La CGT, FO et la Fédération nationale des chauffeurs routiers (FNCR) ont refusé de le signer.
Le nouveau paysage syndical
La représentativité des organisations syndicales dans le transport urbain de voyageurs a été fixée par un arrêté ministériel du 23 juillet 2013 21 ( * ) , publié au Journal officiel du 13 août suivant. Six organisations sont ainsi reconnues représentatives : la CGT, la CFDT, FO, l'Unsa, la CFTC et la CFE-CGC. Selon cet arrêté, le poids respectif de chacune des organisations syndicales représentatives est le suivant : - CGT : 40 % - CFDT : 24,22 % - FO : 16,04 % - Unsa : 9,51 % - CFTC : 6,76 % - CFE-CGC : 3,47 % |
Cet accord de branche a été étendu à l'ensemble des entreprises de transport public urbain de voyageurs par un arrêté ministériel du 9 juin 2008 22 ( * ) , publié au Journal officiel du 14 juin 2008.
Le titre I de l'accord confère un caractère impératif , et non supplétif, à ses stipulations . Autrement dit, elles s'imposent aux entreprises relevant de la convention collective des transports urbains de voyageurs.
Le chapitre I er du titre II instaure un Observatoire paritaire de la négociation collective et du dialogue social (ONDS), dont les missions sont notamment de diffuser les bonnes pratiques et d'assurer le suivi du dialogue social dans la branche et les entreprises.
Il établit à ce titre chaque année un rapport sur la conflictualité dans la branche des transports urbains de voyageurs.
Doté d'une contribution annuelle de 0,1 % de la masse salariale brute totale des entreprises, l'observatoire voit certains postes de dépense encadrés par l'accord afin de limiter ses frais de fonctionnement.
Le chapitre II vise à développer et améliorer le dialogue social dans les entreprises, en dehors des cas de grève. Il prévoit notamment des mesures pour améliorer la circulation et le contenu de l'information pendant les négociations en entreprise, le renforcement du fonctionnement et de la formation des institutions représentatives du personnel, la mise en place d'une veille sociale, ainsi que le développement de l'encadrement de proximité.
Le chapitre III concerne la prévention des conflits par la négociation préalable.
Les signataires de l'accord rappellent que la grève doit rester « l'ultime expression des difficultés », et doit être considérée par toutes les parties comme « un constat d'échec du dialogue social ».
De manière générale, vos rapporteurs constatent que les stipulations de l'accord concordent très largement avec les dispositions du décret du 24 janvier 2008.
Comparaison entre les stipulations
de l'accord
de branche du 3 décembre 2007
pour le transport urbain et
le décret du 24 janvier 2008
Accord de branche du 3 décembre 2007 pour le transport urbain |
Spécificités du décret
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Modalités d'envoi
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Notification par écrit, signée par le délégué syndical de l'organisation syndicale concernée Lettre recommandé avec accusé de réception ou remise en main propre Destinataire : le directeur de l'entreprise ou son représentant |
Possibilité également d'informer l'employeur par « tout autre moyen » équivalent. |
Contenu
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Présentation des motifs précis de la grève éventuelle et des revendications |
Aucune spécificité |
Organisation
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Délai de trois jours ouvrables pour organiser la première réunion de négociation à partir de la réception de la notification. |
Le décret indique seulement un délai de trois jours, sans préciser s'ils sont ouvrables ou non. |
Liberté des parties prenantes pour fixer le nombre, les dates, les heures et les modalités d'organisation des réunions suivantes. |
Disposition absente du décret. |
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A défaut, la période de négociation préalable ne peut pas être inférieure à huit jours francs. |
Aucune spécificité |
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Sauf décision expresse des parties, la délégation syndicale comprend au maximum deux représentants, dont le délégué syndical signataire de la notification, et la délégation patronale ne peut être plus nombreuse que les délégations syndicales. |
L'employeur ou son représentant peut se faire assister de toute personne qualifiée, au sein de l'entreprise, s'il juge que sa participation peut éclairer les parties. Sauf accord exprès des parties, inscrit au relevé de conclusions, les délégations patronales et syndicales comportent un nombre égal de personnes. |
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Prise en charge par l'entreprise du temps passé par les représentants des salariés. |
Temps de préparation et de participation assimilé à du temps de travail effectif, ou à des circonstances exceptionnelles si les salariés bénéficient de crédits d'heures de délégation. |
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Désignation d'un secrétaire de séance par accord commun des parties. |
Relevé de conclusions élaboré et signé conjointement par l'employeur et le ou les syndicats ayant participé à la première réunion. |
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Échange d'informations entre négociateurs |
Obligation générale d'informer loyalement et rapidement les syndicats. Proportionnalité entre la précision des revendications des syndicats et la précision des réponses de l'employeur. Exclusion des informations relatives à des revendications ne concernant pas directement l'entreprise (mais visant l'État ou toute autre autorité) |
Obligation générale de pertinence des informations fournies par l'employeur, qui doivent relever de sa compétence. |
Conclusions
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Possibilité d'un relevé de conclusions à chaque réunion. Obligation d'un relevé de conclusions définitif, établi par le secrétaire de séance, à l'issue des négociations préalables. Précisions sur le contenu obligatoire de ce relevé définitif. |
Le décret ne prévoit pas de secrétaire de séance mais oblige à établir un relevé de conclusions à l'issue de la négociation préalable. Aucune spécificité |
Information
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Obligation pour l'employeur d'informer par affichage les salariés concernés sur l'ouverture d'une négociation préalable. |
Disposition absente du décret. |
Possibilité pour les syndicats concernés et l'employeur d'informer les salariés sur les motifs de la notification. |
Disposition absente du décret, mais pour le syndicat à l'origine de la notification a obligation d'indiquer les motifs d'un éventuel préavis de grève à l'issue de la négociation préalable. L'employeur doit alors faire connaître sa position. |
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Obligation d'informer les salariés à l'issue de chaque réunion. |
Disposition absente du décret. |
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Obligation pour les syndicats concernés et l'employeur d'informer les salariés sur le relevé de conclusions définitif. |
La partie la plus diligente doit communiquer le relevé de conclusions. |
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Suites
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Obligation de transmettre un exemplaire du relevé de conclusions au préfet, à l'AOT et à l'inspection du travail. |
Source : Commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois
Le titre III de l'accord traite de la conciliation de la continuité du service avec l'exercice du droit de grève ou d'autres perturbations prévisibles du trafic.
De manière générale, l'accord reprend les dispositions de la loi du 21 août 2007 sans leur apporter de précisions majeures, sauf sur les points suivants :
- l'employeur fournit aux salariés au minimum 72 heures avant le début du mouvement de grève le nom de la personne habilitée à recueillir les intentions de participer au mouvement ;
- durant toute la période du conflit, le recueil des déclarations des salariés se fera par un binôme paritaire composé d'un représentant d'un syndicat ayant déposé le préavis de grève et d'un représentant de l'employeur (sauf disposition contraire d'un accord d'entreprise ou refus des syndicats à l'origine du préavis) ;
- en l'absence d'accord d'entreprise, la déclaration doit se faire par formulaire, par courrier électronique ou par déclaration orale du binôme ;
- en cas d'absence de déclaration, le salarié encourt une sanction disciplinaire de la part de l'employeur, qui ne peut être supérieure au premier échelon du premier degré des sanctions définies par la convention collective ;
- si un médiateur est désigné, il peut veiller à la loyauté et à la sincérité du referendum organisé après huit jours de grève.
Selon les indications fournies par l'UTP à vos rapporteurs, cet accord n'a pas été modifié postérieurement à l'adoption de la loi « Diard ».
2. Mais les accords collectifs de prévisibilité n'y sont pas assez développés
Après une première enquête sur l'application de la loi du 21 août 2007 auprès de ses adhérents en 2008, l'UTP a renouvelé l'exercice en juin 2012 sur un panel de 137 réseaux.
Les résultats de cette enquête sont intéressants, mais doivent être maniés avec prudence compte tenu du taux de réponse, qui oscille entre 63 % et 64 % (soit 86 ou 87 réseaux selon la nature des questions posées).
Selon cette enquête, on comptait, au 31 mai 2012, sur quatre-vingt-sept entreprises de transport urbain de voyageurs ayant répondu à la partie sociale de l'enquête, seulement 18 accords collectifs de prévisibilité du service (contre 11 en 2009) ainsi répartis :
- cinq réseaux de classe 1 (entreprises des agglomérations supérieures à 250 000 habitants) ;
- huit réseaux de classe 2 (entreprises des agglomérations comptant entre 100 000 et 250 000 habitants) ;
- cinq réseaux de classe 3 (entreprises des agglomérations de moins de 100 000 habitants).
Par ailleurs, trois accords sont en cours de négociation.
Cette proportion est faible (20 %), surtout quand on la compare aux 37 entreprises (42,5 %) qui ont mis en place unilatéralement un plan de prévisibilité du service en cas de perturbations.
3. Le transport interurbain se caractérise par une absence d'accord de branche et un très faible nombre d'accords d'entreprises
Vos rapporteurs constatent, tout en le regrettant, qu'aucun accord de branche de prévention des conflits n'a été signé dans le secteur du transport interurbain, comme l'ont indiqué à vos rapporteurs la FNTV et les syndicats de salariés.
Par ailleurs, les syndicats ont souligné la faiblesse du dialogue social dans les entreprises de ce secteur, la plupart de petite taille.
* 21 Arrêté du 23 juillet 2013 fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs (n° 1424), NOR : ETST1314223A.
* 22 Arrêté du 9 juin 2008 portant extension d'un accord conclu dans le cadre de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs (n° 1424) ; NOR : MTST0810417A.