Audition de l'Office professionnel de qualification des organismes de formation (mardi 5 février 2013)
M. Alain Milon , président. - Mes chers collègues, nous poursuivons nos auditions sur la question de la formation professionnelle avec les représentants de l'Office professionnel de qualification des organismes de formation :
- Mme Christine Anceau, déléguée générale ;
- M. Claude Née, président de la commission d'instruction.
La commission d'enquête a souhaité que notre réunion d'aujourd'hui soit ouverte au public et à la presse ; un compte rendu en sera publié avec le rapport.
Je précise à l'attention de Mme Christine Anceau et de M. Claude Née que notre commission d'enquête s'est constituée à l'initiative de M. Jacques Mézard, président du groupe RDSE, qui est donc notre rapporteur, aujourd'hui remplacé par Mme Muguette Dini.
Je vais maintenant, conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, demander aux personnes auditionnées de prêter serment.
Je rappelle pour la forme qu'un faux témoignage devant notre commission serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal.
Madame Christine Anceau et monsieur Claude Née, veuillez successivement prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, levez la main droite et dites : « Je le jure ».
Les deux personnes se lèvent et prêtent serment.
M. Alain Milon , président. - Je vous propose donc de nous présenter un exposé introductif ; puis les membres de la commission d'enquête interviendront pour poser des questions. Madame la déléguée générale, vous avez la parole.
Mme Christine Anceau. - Je tiens avant tout à vous présenter l' Intellectual services qualification (ISQ) avant de passer à l'OPQF, organisme professionnel de qualification des entreprises de prestations de services intellectuels, qui appartient à la famille des organismes de qualification d'entreprise. Il s'agit de services qui constituent une spécificité française comme Qualibat, Qualifélec, etc.
Les organismes de qualification d'entreprise ont été créés à la fin de la seconde guerre mondiale, tout d'abord dans le domaine du bâtiment, le Gouvernement voulant s'assurer que les adjudicateurs avaient affaire à de bons fournisseurs ; ils ont ensuite été étendus aux autres branches professionnelles.
L'ISQ a pris la suite, en juin 2008, de l'Office professionnel de qualification de la formation et du conseil (OPQFC), créé en 1996 par la Fédération de la formation professionnelle (FFP), le Groupement des syndicats Syntec des études et du Conseil (GSSEC) et la Chambre de l'ingénierie et du conseil de France (CICF). Il s'agit d'une association loi 1901, à but non lucratif, qui dispose de deux protocoles signés avec l'Etat sur lesquels je reviendrai.
Association indépendante, l'ISQ coiffe deux entités :
- l'Office professionnel pour la qualification des cabinets et ingénieurs conseils en management (OPQCM) ;
- l'Office professionnel pour la qualification des organismes de formation professionnelle continue (OPQF), créé en 1994 à l'initiative de la Fédération de la formation professionnelle et de la Délégation à la formation professionnelle (dont les fonctions sont exercées aujourd'hui par la DGEFP). C'est de cet organisme que je vais vous parler aujourd'hui.
L'ISQ a une représentation tripartite qui comprend tous les acteurs concernés par la qualification -prestataires, clients, intérêt général.
Nous bénéficions d'un protocole qui nous lie à la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) datant de 1994, comme la plupart des organismes de qualification d'entreprise, mais également d'un protocole avec la Direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS) pour la partie concernant le conseil en management.
Ces deux entités sont représentées dans nos instances par des représentants des ministères, un de la DGEFP dans nos comités de qualification et dans notre conseil d'administration, et un autre de la DGCIS dans nos comités de qualification pour le conseil ainsi qu'au conseil d'administration.
Comme tous les organismes de qualification d'entreprise, nous devons respecter la norme NFX 50-091 de décembre 2004, qui régit les exigences générales relatives aux organismes de qualification d'entreprise.
C'est sur la base de cette norme que l'ISQ a obtenu, le 1 er décembre 2010, l'accréditation du Comité français d'accréditation (Cofrac), qui s'est vu confier par l'Etat la mission d'attester que les organismes accrédités sont compétents et impartiaux.
Notre mission est précisément de reconnaître le professionnalisme des organismes de formation et des cabinets de conseils.
Nous sommes les seuls dans le champ du professionnalisme. Cette reconnaissance est fondée sur le respect de la déontologie et d'un code de conduite professionnelle, sur l'adéquation des compétences et des moyens techniques, humains et financiers aux missions menées, sur la satisfaction des clients, sur la pérennité financière et sur le respect de la réglementation spécifique à la formation. La qualification OPQF s'adresse à toute structure, quels que soient ses statuts. Cette démarche, il faut le noter, est volontaire.
Pour ce faire, nous nous appuyons sur une nomenclature établie par domaine de qualification. Nous disposons d'un règlement intérieur, d'un dossier de demandes de qualification et de procédures objectives et rigoureuses vérifiées par le Cofrac.
Les étapes de la démarche sont la vérification administrative du dossier, l'instruction du dossier, l'avis de la commission d'instruction et la délivrance d'un certificat ; il existe également une procédure d'appel.
Nous pourrons revenir sur le choix des instructeurs, élément clé de notre procédure ; il s'agit de professionnels du métier bénévoles, reconnus par leurs pairs et formés, dont les compétences et l'éthique sont vérifiées.
La qualification est donnée pour quatre ans. Un contrôle est effectué chaque année pour vérifier le niveau de professionnalisme.
Il existe deux types de qualification : une qualification probatoire - très marginale - et une qualification professionnelle. Dans tous les cas de figure, le qualifié s'engage à respecter le code de conduite et le règlement intérieur.
Un postulant qui ne serait pas retenu par le comité de qualification peut faire appel. Cette procédure est peu utilisée...
La qualification permet d'établir une relation de confiance entre le client et le prestataire. Notre spécificité provient de l'instruction par les pairs, experts dans leur domaine, du regard collégial porté par une instance tripartite garante de l'impartialité et qui se retrouve dans tous les organismes de qualification.
Cette qualification constitue une référence déterminante pour les professionnels, les clients et les pouvoirs publics. Elle est identifiée dans le code des marchés publics de 2006.
A la demande du ministre de la défense et des anciens combattants agissant au nom de Qualibat, un arrêt du Conseil d'Etat du 11 avril 2012 a reconnu la force du certificat de qualification professionnelle. Cette reconnaissance est valable pour toutes les certifications de qualification professionnelle.
Les instances de l'ISQ sont classiques et comportent, comme toute association, une assemblée générale, un conseil d'administration, une instance d'appel, deux comités de qualification pour chacune des deux activités (formation et conseil), deux commissions d'instruction. M. Claude Née, ici présent, est président de la commission d'instruction pour la partie formation. Il anime l'équipe de vingt-sept instructeurs chargés d'instruire les dossiers. Nous disposons d'un personnel salariés de sept personnes, que je manage.
De manière générale, nous sommes attentifs aux risques de dérives sectaires, notamment concernant les formations comportementales. Nous vérifions en premier lieu que l'organisme de formation se trouve bien dans le champ de la formation professionnelle continue. Il doit démontrer que les actions réalisées relèvent bien de la typologie de la formation professionnelle continue établie par l'article L. 6313-1 du code du travail - adaptation et développement des compétences ou acquisition, entretien ou perfectionnement des connaissances des stagiaires, sécurisation des parcours.
Ne relèvent pas du champ de la formation professionnelle continue les actions qui ont pour finalité le mieux-être physique et moral, l'épanouissement personnel ou la prise de conscience de soi ou des autres - gymnastique énergétique chinoise, formation de praticien de santé-naturopathe, etc.
Quand nous avons un doute, nous interrogeons la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Dirrecte) ou la DGEFP. Nous avons également établi un partenariat avec la Miviludes. M. Debord, secrétaire général adjoint de la mission interministérielle, est venu présenter les actions de la Miviludes en matière de détection des risques sectaires dans l'entreprise en général et dans un organisme de formation en particulier.
Nous vérifions d'abord qu'il s'agit bien du champ de la formation professionnelle continue, puis étudions toute une série d'indices : l'organisme de formation offre-t-il d'autres prestations par ailleurs ? Si oui, lesquelles : prestations à vocation thérapeutique, stage d'hypnose, etc. ? Quels sont les parcours et les certifications des formateurs au coeur de la qualification ? Si on nous présente, par exemple, un titre d'hypnose ériksonienne, nous creuserons le cas de l'organisme de formation en question.
En étudiant le bilan pour contrôler la pérennité financière d'un organisme, nous nous penchons sur le patrimoine de celui-ci et son emploi, le but ultime des sectes étant soit de manipuler les esprits, soit de gagner de l'argent. En cas de volonté de manipulation, l'exploitation est en déficit, avec une injection d'argent extérieur qui apparaît ; s'il y a volonté de gagner de l'argent, les résultats d'exploitation sont significatifs et servent à rémunérer des maisons mères.
Bien sûr, nous ne pouvons garantir que nous ne laisserons jamais passer un organisme de formation lié à une secte ; néanmoins, l'instruction par des professionnels de la formation professionnelle continue, la présence de la FFP, des OPCA et de la DGEFP dans nos instances, ainsi que les liens que nous avons avec la DGEFP, la Miviludes et les Dirrecte, constituent une protection contre les risques de dérives sectaires.
M. Claude Née va à présent vous expliquer comment nos instructeurs sont recrutés, formés et avertis de ces risques...
M. Claude Née. - Mon but est de vous apporter les éclairages les plus concrets possibles, avec des éléments qui ne sauraient être exhaustifs en raison tout d'abord de l'intitulé de votre commission d'enquête. Nous intervenons en effet moins par secteur d'activité - par exemple la santé - que par domaine. Nous comptons ainsi vingt-deux domaines de qualification, qui vont du domaine du droit à des formations à des métiers spécifiques. Or, deux domaines, dans la liste des dossiers qui vous ont été transmis, sont sensibles quand on évoque les risques de dérives sectaires. Le premier est celui du management et du développement personnel ; le second concerne les formations à des métiers spécifiques.
C'est surtout sous cet angle que nous avons essayé d'analyser les éléments statistiques à notre disposition...
La procédure de qualification est très rigoureuse et comporte un certain nombre d'étapes. On constate que celles-ci servent de filtres avec, en premier lieu, la constitution d'un dossier assez lourd, à propos duquel on doit fournir beaucoup de pièces et d'éclairages. Le second filtre est constitué par l'instruction. Je pourrai revenir, si vous le souhaitez, sur les méthodes de travail et le profil des instructeurs.
Ce filtre devient légitime dès l'instant où la commission formule un avis collectif. La commission que je préside est à l'image de la grande diversité des prestataires, des modes de financement et des publics formés. Il est pour moi très important que cette commission réponde à cette diversité.
Le dernier filtre est évidemment constitué de la décision du comité tripartite, où siègent les représentants de l'intérêt général, des prestataires et des clients. Les OPCA, qui collectent l'argent des entreprises, sont très présents dans nos instances. Les éclairages multiples de ces différentes étapes nous permettent de ne prendre qu'un faible risque dans la qualification. Nous ne sommes toutefois pas infaillibles, comme vous le constaterez dans les quelques exemples que je me permettrai de citer...
En dernier ressort, ce sont les services de l'Etat et les services de contrôle qui interviennent, à travers les Dirrecte et la DGEFP. Là aussi, le risque est très limité par rapport à d'autres modes de certification touchant à la reconnaissance de systèmes de management de la qualité ou de services, beaucoup plus normatifs que ce que nous pouvons assurer au travers de cette reconnaissance du professionnalisme par les pairs.
Les statistiques sont un peu différées, les rapports des commissaires aux comptes tombant généralement en juin de l'année précédente, mais les plus récentes nous permettent d'évaluer les organismes qualifiés à environ 900. Je n'ose évoquer la difficulté de cerner le nombre d'intervenants dans le domaine de la formation professionnelle continue ; les chiffres sont exorbitants et démontrent une réalité très différente. On estime annuellement à 63 000 le nombre de bilans pédagogiques et financiers, mais la réalité économique et sociale de ce secteur ne se situe pas à ce niveau, les organismes de formation - et non les prestataires individuels - étant compris entre 8 000 et 12 000.
Sur 900 qualifiés, le flux de demandes des nouveaux postulants se situe, d'une année sur l'autre, entre 40 et 70 organismes de formation, 150 à 180 dossiers se présentant à la fois à la commission et au comité.
Même si les statistiques ne sont pas suffisamment consolidées, les organismes qui interviennent principalement dans le secteur de la santé sont de l'ordre de 3 %.
Cependant, le domaine sanitaire et social est très important, et les frontières difficiles à définir. La définition la plus objective tiendrait au niveau d'éducation d'entrée des populations sanitaires et sociales formées. Ces formations touchent les très basses qualifications, et notamment les services à la personne.
Le secteur strict de la santé visant des personnels soignants compte peu d'organismes qualifiés. En matière de mouvements, aucune inflation de demandes n'apparaît en 2011 et 2012 dans les secteurs concernant la commission d'enquête. Ces mouvements restent stables.
Toutefois, la poussée est forte en matière sanitaire et sociale, nos différents partenaires - OPCA et conseils généraux - y voyant beaucoup de gisements d'emploi et d'insertion.
Depuis quatre ans que je préside cette commission, nous n'avons jamais identifié de risques sectaires. Seuls deux cas nous ont posé de sérieux problèmes. Notre souci était de parvenir à déterminer s'ils se situaient ou non dans le champ de la formation professionnelle continue. C'est un sujet souvent délicat. Seules les Dirrecte, la DGEFP et le juge sont à même d'évoquer le champ de compétences et l'imputabilité des actions de formation.
Les deux cas que j'évoque concernaient des pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique telles que définies par le président Fenech. Il s'agissait de deux organismes de formation en rapport, d'une part, avec le bien-être et les thérapies holistiques, et, d'autre part, le reiki. Cela avait été évoqué lors d'un colloque organisé par le précédent ministre à la formation professionnelle, Mme Morano.
Nous avons qualifié un organisme dans le champ du reiki après deux refus successifs, une réclamation étant intervenue après le second refus. Compte tenu du fait que nous sommes accrédités par le Cofrac et que nous devons respecter une norme, refuser la qualification aurait été assimilée à de la discrimination.
Au-delà de la déontologie et de l'éthique, on arrive, grâce aux différents filtres que j'ai évoqués, à cerner certaines informations utiles, suivant quatre critères principaux. Le premier concerne le respect de la réglementation qui, dans le domaine de la formation professionnelle, est très complexe. Le second critère est celui de la pérennité financière. Les organismes de formation étant à même de signer des conventions pluriannuelles, il faut être sûr que les moyens humains, matériels et financiers permettent cette continuité. Le troisième critère traduit la capacité, en fonction de besoins identifiés, à concevoir, à mettre en oeuvre et évaluer des actions de formation. Enfin, le quatrième critère a trait à la satisfaction du client.
Grâce à ces différentes étapes et à la vigilance des professionnels de la formation, les risques sont relativement faibles.
Dans les deux cas que j'évoquais, nous avons dû constater que les critères étaient réunis et que les différentes instances ont fait le même constat que nous. Nous avons eu une très longue séance de travail avec la DGEFP au sujet du reiki. Cette dernière avait conclu ne pouvoir aller plus loin, un contrôle de l'Institut du reiki durant le mois d'août précédent n'ayant relevé aucun manquement par rapport à leurs critères de contrôle.
Ce contrôle s'exerce bien évidemment par rapport aux textes et ne porte pas sur le fond. Je ne suis pas sûr que ce contrôle ait véritablement étudié le risque sectaire, au vu de ses résultats.
Notre spectre est plus large ; il analyse les contenus de formation, et la manière dont ils sont transmis et évalués. Dans les deux cas, ils formaient à l'évidence des gens à l'emploi, des maîtres praticiens. Il ne s'agit pas de professions réglementées mais la formation professionnelle n'est pas elle-même une profession réglementée, n'importe quelle structure pouvant revendiquer son statut d'organisme de formation !
Les raisons du refus principal de ces deux organismes étaient motivées par le fait qu'ils prétendaient délivrer des diplômes. Or, les diplômes sont un monopole d'Etat, un ministère pouvant seul déléguer cette capacité. Il s'agissait donc d'une formulation quelque peu trompeuse, sur laquelle nous pouvions nous appuyer. Toutefois, ils ont produit des conventions signées avec Pôle emploi et l'Association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), prétendant même en avoir avec le ministère de la santé - mais je ne l'ai pas vérifié.
Ce ne sont là, en tout état de cause, que deux cas sur 600 organismes de formation. La statistique est donc très faible, et nous n'avons pu constater de risques sectaires au travers de ces multiples avis.
Mme Muguette Dini . - Quel était le second cas ?
M. Claude Née. - Le second cas concernait des formations aux thérapies holistiques.
Mme Muguette Dini . - S'agit-il du Cenatho ?
M. Claude Née. - Non. Un troisième cas était qualifié depuis longtemps, bien avant notre arrivée. Il s'agit d'un organisme vraisemblablement en marge - massages, réflexologie, sophrologie, éléments qui éveillent notre intérêt - qui a perdu son numéro de déclaration d'activité après contrôle...
Mme Muguette Dini . - De quel organisme s'agit-il ?
M. Claude Née. - Il s'agit d'Artec, dans le Languedoc-Roussillon. Pour nous, dès lors qu'on perd le numéro de déclaration d'activité, on perd automatiquement la qualification.
M. Alain Milon , président. - Vous parliez, s'agissant du reiki, de formation au diagnostic et à la thérapeutique... C'est un terme qui inquiète beaucoup le médecin que je suis. J'étais persuadé que la formation et le diagnostic se faisaient par l'intermédiaire de la faculté de médecine et que les thérapeutiques ne pouvaient être utilisées que par les médecins, les kinésithérapeutes, les dentistes, les pharmaciens ne faisant pour leur part qu'appliquer les ordonnances et les contrôler. Je suis très étonné...
M. Claude Née. - C'est une vraie question. On ne peut parler d'innovation, surtout à propos du reiki, qui est assez ancien et se réfère à un environnement philosophique éloigné du nôtre, mais qui n'a aucun caractère scientifique.
Auparavant, l'acupuncture n'était toutefois pas enseignée dans les facultés de médecine. Le reiki n'est pas forcément un bon exemple. Il faut faire la différence entre le reiki, qui annonce des pratiques de diagnostic ou des thérapeutiques, et l'Institut du reiki, que nous avons qualifié. Nous nous sommes uniquement prononcés sur la capacité de cet organisme à mettre en oeuvre des formations comportant des référentiels très solides, permettant de valider des compétences. La DGEFP avait a priori une autre lecture que la nôtre avant que nous ne nous mettions autour de la table pour en discuter. Je rappelle qu'il existe, dans le Répertoire opérationnel des métiers et des emplois (Rome), publié par le ministère du travail et de l'emploi, une fiche intitulée « Maître praticien du reiki »...
Tout ce qui touche à l'orientation, à la construction des formations, s'appuie sur le Rome. C'est un environnement complexe et nous avons uniquement qualifié la capacité à former des maîtres praticiens. Je ne connais pas le dossier par coeur : existe-t-il dans la formation de maître praticien et d'enseignant une partie de diagnostic ? Je ne saurais me prononcer sur ce point...
Mme Muguette Dini . - On a bien compris que vous étudiiez avec attention les dossiers relatifs aux médecines non conventionnelles. Vérifiez-vous que les professionnels de santé qui interviennent dans ces formations n'ont pas été radiés de leur ordre ?
M. Claude Née. - Non, nous n'allons pas jusque-là. Il y a deux raisons historiques à cela. La qualification a été construite, à partir de 1994, à la fois sur le fait qu'il s'agit d'une démarche volontaire et que, d'autre part, on est sur du « déclaratif ». Il s'agit donc là d'une relation de confiance - avec toutes ses limites.
Comme Mme Christine Anceau l'a souligné, les instructeurs sont des bénévoles, dirigeants ou cadres supérieurs d'organismes de formation, qui jouissent d'une triple compétence : ils maîtrisent l'ingénierie de formation ainsi que la lecture de bilans, comptes de résultats et annexe des organismes de formation, et sont censés maîtriser la réglementation -certains pouvant détenir une compétence plus pointue que d'autres. Nous n'allons pas jusqu'à vérifier la réalité des diplômes figurant sur un CV, ni même l'inscription à un Ordre...
Mme Muguette Dini . - Quand un docteur en médecine est radié de l'Ordre, c'est toujours pour des raisons extrêmement graves. Ne devriez-vous pas vérifier ce point ?
M. Claude Née. - Les docteurs en médecine dont nous parlons sont là au titre de leurs capacités de formateur et non pour assurer des actes thérapeutiques. Tous les organismes qui interviennent dans le domaine de la santé travaillent avec le milieu hospitalier. Les procédures de référencement auprès des agences régionales de santé ou de collecte de financements permettent également d'éclairer cette qualification.
Mme Muguette Dini . - Le Cenatho a obtenu une qualification à deux reprises. En avez-vous le souvenir ? Comment avez-vous étudié cette demande précise ? Le Cenatho forme à la naturopathie.
M. Claude Née. - Il fait en effet partie de la liste « sanitaire, social, services à la personne » ou « médico-technique » et n'est pas classé dans la rubrique « santé et praticien » ou « santé, paramédical ». Je ne puis vous apporter de plus amples éclairages. Cette qualification date sûrement d'un certain temps.
Mme Muguette Dini . - Cet organisme va-t-il faire l'objet d'un nouvel examen dans quatre ans ?
M. Claude Née. - En effet. Une déclaration annuelle d'activité nous permet par ailleurs de contrôler les statuts, l'objet social, pédagogique et financier, mais surtout les formateurs, les nouveaux formateurs doivent figurer sur une liste comportant leur CV. Nous délivrons la qualification pour quatre ans mais renouvelons chaque année le certificat, au vu des éclairages apportés par la déclaration annuelle d'activité.
Mme Muguette Dini . - Comment établissez-vous un contact avec les clients individuels ?
M. Claude Née. - Ces organismes interviennent en effet également dans le champ de la formation continue au travers de financements de particuliers, qui constituent une catégorie plus fragile que les commanditaires publics ou les entreprises. Le contrôle s'effectue selon deux modes. Ces organismes doivent fournir des attestations de leurs clients par domaine de qualification...
Mme Muguette Dini . - Ils ne vont pas vous adresser des lettres de clients mécontents !
M. Claude Née. - Cela arrive... mais rarement !
Chaque instructeur doit, à partir d'une liste d'organismes n'ayant pas fourni d'attestation, appeler directement un client par domaine. On arrive alors à croiser les informations. Bien évidemment, ce n'est pas exhaustif.
Il existe trois niveaux d'attestation. Selon l'esprit de la loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, il faut toucher le client - qui est aussi stagiaire - mais également le financeur, qui a d'autres critères de sélection, et l'entreprise...
Mme Muguette Dini . - Dans ce dernier cas, le client est à la fois financeur et décideur.
M. Claude Née. - Des signatures et des tampons, lorsqu'il s'agit d'organisations, figurent sur ces questionnaires, et comportent un appel direct aux clients.
Nous recevons également des réclamations, assez rarement malgré tout, comme dans le domaine du coaching, qui existe aussi dans le domaine de la santé, et où l'on trouve du bon et du moins bon. On ne peut qualifier un organisme de ce champ que s'il forme des coachs, sans faire pour autant partie du champ de la formation professionnelle continue. Il s'agit, dans ce cas, principalement de particuliers. Une cliente nous a récemment adressé une réclamation à propos d'une tentative de prosélytisme en faveur de la laïcité, qui ne correspondait pas à ses valeurs. Il a fallu traiter le sujet...
M. Alain Milon , président. - Vous avez évoqué l'acupuncture et l'hypnose qui, au départ, constituaient des thérapies qui ont montré une certaine efficacité, sans toutefois supplanter l'homéopathie. La plupart du temps, les praticiens l'appliquaient en complément de la médecine traditionnelle, tout au moins en Europe et aux Etats-Unis.
Le fait que le reiki existe, s'il est dans le champ du bien-être et complémentaire de la médecine traditionnelle, n'est pas un problème. Le véritable problème vient lorsqu'il existe un intérêt financier et une emprise morale sur les patients. On oriente alors souvent ceux-ci vers ce genre de médecine et on les incite à abandonner la médecine traditionnelle, ce qui peut avoir de graves effets. Si c'est une grippe, ce n'est pas bien grave. D'ailleurs, on sait qu'il ne faut pas la soigner mais attendre ; les médecins disent toujours qu'avec un traitement, la grippe dure une semaine et, sans traitement, sept jours.
Mais pour ce qui est des maladies graves, certains organismes reconnus peuvent apparaître comme fiables alors qu'ils entraînent des déviances dangereuses pour les patients ou pour leur porte-monnaie.
M. Claude Née. - Comme le disait Mme Christine Anceau, nous n'avons pas réellement constaté de risques de dérives sectaires parmi les organismes qui ont été qualifiés - mais l'infaillibilité n'existe pas. Vous avez cité un organisme faisant partie des listes : nous allons l'étudier...
Il y a aussi des listes de naturopathes ou de thérapies holistiques. Quand je me suis penché sur celle relative au « Bien-être et thérapies », j'ai frémi mais j'ai vu que c'est l'une des instructrices les plus expérimentées de ce secteur complexe qui a traité ce sujet. Toutes les étapes ont été respectées. Ces organismes formant des maîtres praticiens et ne dispensant pas directement des formations au bien-être, nous n'avions pas, compte tenu des critères et de la norme, la possibilité de les discriminer, le risque ayant alors été un appel en bonne et due forme !
Mme Christine Anceau. - J'étais intervenue sous forme de boutade, lors du colloque organisé par Mme Morano, pour dire que si un dossier nous paraissait parfait dès son premier passage, nous pourrions nous inquiéter. Il manque en effet généralement toujours quelque élément aux demandes qui nous parviennent. Or, les sectes sont si avides de reconnaissance qu'il ne manque jamais rien à leurs requêtes ! Ceci peut donc attirer notre attention...
Mme Muguette Dini . - Vous évoquez des sectes très organisées, comme la Scientologie. Notre inquiétude porte sur les dérives à caractère sectaire ; ce ne sont donc pas obligatoirement des sectes telles qu'on les conçoit mais plutôt des organismes qui, à travers l'emprise mentale, peuvent porter atteinte à la santé ou au portefeuille - voire aux deux ! Le Cenatho n'est pas une secte, mais c'est néanmoins un organisme à surveiller.
Je vous conseille de vous inscrire à une formation - ou de faire inscrire quelqu'un - si vous menez une enquête !
M. Claude Née. - Les systèmes de référencement ont leurs propres failles....
M. Alain Milon , président. - 10 000 euros pour deux ans de formation...
Mme Christine Anceau. - Nous allons nous pencher sur le sujet !
M. Alain Milon , président. - Etes-vous sensibilisés à tous ces problèmes ?
M. Claude Née. - M. Debord est intervenu en commission d'instruction pour attirer notre attention sur les risques sectaires et nous remettre le guide de la Miviludes intitulé Savoir déceler les dérives sectaires dans la formation professionnelle .
M. Christine Anceau. - Si nous avons le moindre doute, nous nous tournerons vers la Miviludes, la Dirrecte ou la DGEFP.
La Miviludes elle-même ne produit plus de listes de sectes. On peut donc parfois se retrouver démuni. C'est ainsi que nous avons refusé deux fois de reconnaître un organisme de formation. Nous espérions que cela laisserait le temps à d'autres organismes de se manifester. Tel n'a pas été le cas... Nous savions que cet organisme saisirait le Cofrac et invoquerait la discrimination. Dès lors qu'ils adhèrent à la Fédération de la formation professionnelle, que la Dirrecte ne nous répond pas, que la Miviludes n'a pas de listes, nous sommes bien obligés de les reconnaître. En outre, le bilan de cet organisme ne présentait aucun enrichissement, au contraire - même si le fait de ne pas vouloir gagner d'argent m'a paru louche...
Mme Muguette Dini . - Auprès de qui les organismes font-ils appel ?
Mme Christine Anceau. - Il existe une instance d'appel composée de trois personnes indépendantes de l'ISQ, mais elle n'a jamais eu à se réunir, car il existe une possibilité de recours amiable, où M. Née siège avec moi. Celle-ci permet de traiter les problèmes.
Dans ce cas précis, un nouveau refus nous aurait valu des ennuis avec le Cofrac. La discrimination est la pire des choses que l'on puisse nous reprocher, car nous sommes censés être impartiaux et indépendants.
Nous attirons bien entendu toujours l'attention des organismes sur la circulaire de la DGEFP relative aux formations comportementales ; s'ils sont en règle avec nos quatre critères, que nous ne remarquons rien dans leur bilan, nous ne pouvons refuser de les qualifier.
M. Alain Milon , président. - Vous avez par deux fois refusé la certification. Qu'est-ce qui avait motivé ce refus ?
M. Claude Née. - La première fois, la personne délivrait un diplôme de maître praticien. C'était donc rédhibitoire. La seconde fois, elle écrivait seule ses référentiels et ses manuels de formation, formait et évaluait ses élèves dans le cadre d'un jury composé de sa seule personne, au bout d'un cycle plus ou moins long, avant de délivrer un certificat. Telle n'était pas la conception que nous avons d'un organisme de formation.
Le dirigeant a donc recruté un formateur, a composé un nouveau jury avec ce nouveau formateur et un représentant officiel du secteur de la santé, tout ceci avec une habilité et une réactivité redoutables, répondant à chaque exigence...
M. Alain Milon , président. - Vous avez donc fini par lui permettre de créer sa petite secte !
Mme Christine Anceau. - Il veut en quelque sorte faire figure de maître à penser ; cela ne veut pas forcément signifier qu'il s'agit d'une secte. Ce sont des gens très adroits, mais il en existe dans d'autres domaines que la santé. Enormément d'organismes n'ont pas de commissaires aux comptes, alors qu'ils le devraient, remettent des « diplômes », alors qu'ils n'en ont pas le droit, etc. Nous séparons le bon grain de l'ivraie car les bons organismes se mettent tout de suite en règle. Dans le cas particulier, cette personne s'est exécutée très vite !
M. Claude Née. - C'est à la fois un bon et un mauvais exemple : ces organismes travaillent pour des particuliers. Il existait par le passé la loi Scrivener ; les contrats spécifiques, qui sont aujourd'hui censés défendre le client privé, sont plus protecteurs que le cadre conventionnel applicable aux entreprises. Toutefois, les financements publics présentent une bien meilleure visibilité, dans la mesure où l'on sait combien de personnes ont été formées et présentées à un certificat, un diplôme, un certificat de qualification professionnelle (CQP), s'ils ont ou non retrouvé un emploi...
Dans le champ des organismes travaillant avec des particuliers, nous ne disposons pas de ces éléments. C'est une des pistes que le ministre devrait explorer pour faire progresser la qualité des organismes de formation, dans le cadre de la réforme prévue pour le mois de juin.
Mme Christine Anceau. - Ce qui fait la force de l'ISQ, c'est notre crédibilité. En tant que déléguée générale, c'est la seule chose que j'ai à l'esprit. Qualifier un mouvement sectaire serait une catastrophe. L'affaire d'Artec m'avait parue difficile à accepter, mais elle avait eu lieu avant notre arrivée.
Néanmoins, refuser sans raison peut nous faire perdre l'accréditation du Cofrac et le postulant peut nous attaquer pour discrimination. Dans le cas du reiki, l'argument du diplôme nous avait fourni une raison objective à opposer au demandeur - mais ce n'est pas toujours le cas.