N° 264

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 janvier 2013

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur la violence dans les médias audiovisuels et ses conséquences sur les enfants et la société : auditions organisées avec la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l' Europe , le 18 décembre 2012 ,

Par Mme Marie-Christine BLANDIN,

Sénatrice.

(1) Cette commission est composée de : Mme Marie-Christine Blandin , présidente ; MM. Jean-Étienne Antoinette, David Assouline, Mme Françoise Cartron, M. Ambroise Dupont, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Jacques Legendre, Mmes Colette Mélot, Catherine Morin-Desailly, M. Jean-Pierre Plancade , vice-présidents ; Mme Maryvonne Blondin, M. Louis Duvernois, Mme Claudine Lepage, M. Pierre Martin, Mme Sophie Primas , secrétaires ; MM. Serge Andreoni, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Pierre Bordier, Mme Corinne Bouchoux, MM. Jean Boyer, Jean-Claude Carle, Jean-Pierre Chauveau, Jacques Chiron, Claude Domeizel, Mme Marie-Annick Duchêne, MM. Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Vincent Eblé, Mmes Jacqueline Farreyrol, Françoise Férat, MM. Gaston Flosse, Bernard Fournier, André Gattolin, Jean-Claude Gaudin, Mmes Dominique Gillot, Sylvie Goy-Chavent, MM. François Grosdidier, Jean-François Humbert, Mmes Bariza Khiari, Françoise Laborde, M. Pierre Laurent, Mme Françoise Laurent-Perrigot, MM. Jean-Pierre Leleux, Michel Le Scouarnec, Jean-Jacques Lozach, Philippe Madrelle, Jacques-Bernard Magner, Mme Danielle Michel, MM. Philippe Nachbar, Daniel Percheron, Marcel Rainaud, Michel Savin, Abdourahamane Soilihi, Alex Türk, Hilarion Vendegou, Maurice Vincent .

LA VIOLENCE DANS LES MÉDIAS AUDIOVISUELS ET SES CONSÉQUENCES SUR LES ENFANTS ET LA SOCIÉTÉ

AUDITIONS ORGANISÉES AVEC LA COMMISSION DE LA CULTURE DE L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L'EUROPE

ALLOCUTIONS D'OUVERTURE

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat.

Je suis heureuse d'accueillir, cet après-midi au Sénat, la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, pour une réunion conjointe de nos deux commissions, sur le thème de la violence dans les médias audiovisuels et ses conséquences sur les enfants et la société.

Je salue l'initiative de Mme Maryvonne Blondin, membre de la délégation française dans les instances du Conseil de l'Europe et qui a sollicité la tenue de cette réunion au Sénat. C'est une occasion de rassembler, comme l'avait déjà fait M. Jacques Legendre, au sein d'un parlement national, pour une réflexion commune, les membres d'une de ses commissions avec des parlementaires du Conseil de l'Europe. Cette audition est ouverte à la presse et sera retransmise ultérieurement sur Public Sénat.

La question de l'exposition aux images et aux scènes de violence dans les médias dont les enfants et les adolescents peuvent être à la fois spectateurs et acteurs se pose avec d'autant plus d'acuité que le temps moyen passé devant les écrans, téléviseurs, tablettes, ordinateurs, smartphones et jeux vidéo ne cesse de s'allonger, et que les évolutions technologiques sont de plus en plus présentes au sein des familles. Un rapport de M. Assouline, publié en 2008, l'a souligné. Selon une étude britannique, le jour de ses dix-huit ans un jeune aura passé trois années pleines, jour et nuit, devant un écran !

La régulation qui encadre les programmes de la télévision ne peut cependant entraver la liberté de créer. Pendant notre dernière campagne présidentielle, l'Observatoire de la liberté de création demandait ainsi à tous les candidats de « s'engager à abroger l'article 14 de la loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, qui permet au ministre de l'Intérieur de censurer la littérature au prétexte de la protection de l'enfance ». Peu adeptes de la censure, nous nous interrogions cependant sur notre responsabilité publique à donner à voir chaque jour coups, meurtres, viols et autres assassinats à répétition.

Certes, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) donne quelques indications de recevabilité par des pastilles de couleur indiquant l'âge requis. Certes, il est du devoir des familles d'accompagner l'enfant dans ses choix et de discuter des images qui ont pu choquer... Reste que ces adolescents en apprennent aujourd'hui davantage sur l'anatomie et la raideur cadavérique par des séries comme Les Experts que par leurs cours de biologie.

Les politiques publiques de parité et d'égalité hommes femmes sont culturellement balayées par des images récurrentes de femmes objet, femmes proies, femmes violées. Quelle mère ne s'est pas posé la question : ces images, celles des jeux de guerre par exemple, sont-elles des exutoires pour de malsaines pulsions, ou des stimulants pour des déséquilibres jusque-là contenus par le surmoi ?

Demain, la liberté de la toile et les champs dérégulés de la télévision connectée nous mettront face à un foisonnement de richesse, de qualité, mais aussi de médiocrité et d'abîmes, commencé avec les VHS, puis les DVD en location, enfin les téléchargements.

Dans un monde que, pacifiste, je voudrais autre, un monde de vente d'armes, un monde d'infiltrations mafieuses adossées aux paradis fiscaux et de trafics de Kalachnikovs, on ne saurait faire porter à l'audiovisuel la seule responsabilité de la montée de la violence.

L'urgence est à l'éducation : éducation à la médiation, à la résolution non-violente des conflits, au goût de l'autre et au plaisir de la diversité, mais aussi au décryptage des images, à l'école mais aussi à la télévision, bien placée pour prendre sa part de responsabilité.

Monsieur le président Flego, je vous accueille avec plaisir et respect. ( Applaudissements )

M. Gvozden Srecko Flego, président de la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, membre du Parlement de Croatie.

Merci. Je suis ici en tant que président de la commission de la culture de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, mais à Zagreb, je suis aussi président du groupe d'amitié interparlementaire Croatie-France.

Merci de nous accueillir pour ces auditions. J'ai récemment signé un rapport sur la violence à l'école. La violence se banalise dans nos sociétés et la télévision reflète cette tendance. L'évolution des nouveaux médias a également un impact énorme sur notre quotidien. Je salue la présence de nombreux experts. Je me réjouis que le Comité des ministres du Conseil de l'Europe soit ici représenté par deux ambassadeurs, M. Castro Mendez et M. Thomas Hajnoczi.

M. Luis Filipe Castro Mendes, ambassadeur, président du groupe de rapporteurs sur l'éducation, la culture, le sport, la jeunesse et l'environnement du Comité des ministres, représentant permanent du Portugal auprès du Conseil de l'Europe.

Je suis ici porteur du message du Comité des ministres du Conseil de l'Europe. Nous allons écouter des experts - je serai modérateur de la première partie de cette séance. La violence dans les médias est aussi vieille que les médias ; elle a augmenté avec l'essor de la télévision numérique, les jeux interactifs en ligne. Selon une étude réalisée au Portugal en 2000, un téléspectateur a assisté à 2 250 interactions violentes et 2 205 décès par mois, pour une exposition moyenne de 2 heures 30 par jour. Les programmes pour enfants sont de plus en plus violents. Le niveau de violence, équivalent à celui de la France, est supérieur au Portugal qu'aux États-Unis. La recommandation du Comité des ministres date de quinze ans, il faut la mettre à jour. Comment protéger et responsabiliser les mineurs ? Le Conseil des ministres a adopté la recommandation 2009/5 pour protéger les enfants contre les contenus violents et les comportements répréhensibles.

M. René Rouquet, vice-président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et président de la délégation française, député.

Au Conseil de l'Europe, on partage la tribune avec le Comité des ministres ! Un temps sénateur, je salue mes anciens collègues. Veuillez excuser M. Mignon, président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, actuellement en Moldavie. Il est très sensible aux questions que nous traitons aujourd'hui ; pour preuve, il était en septembre à Saint-Pétersbourg pour la 2 e conférence des ministres responsables de la jeunesse - dont il a regretté qu'elle n'ait pas abouti à une déclaration finale - et en octobre à Strasbourg pour l'assemblée des jeunes.

Comment les messages et images violents de toute nature interfèrent-ils avec les comportements des enfants et adolescents ? Sont-ils déterminants dans un passage à l'acte ? Le Conseil de l'Europe a le devoir d'apporter un éclairage - et la capacité de formuler des propositions, pour défendre et promouvoir les droits de l'homme sur un continent meurtri par l'histoire. Il peut facilement mobiliser les gouvernements, les parlements, les autorités locales et les organisations non gouvernementales (ONG), pour suivre les engagements des États membres, soutenir les politiques nationales, mettre en place des programmes de coopération et d'assistance, de formation et de communication. Le programme « Construire l'Europe pour et avec les enfants », lancé en 2006, ou le programme « 1 sur 5 », contre la violence sexuelle sur les enfants, lancé en 2010, en sont des exemples. On a vu dans les médias, depuis une quinzaine d'années, l'arrivée en masse d'images violentes, sexuelles, illustrant la domination de certains sur d'autres, montrant des agressions... Quels en sont les effets sur les plus jeunes ? Les études du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) ont montré qu'un enfant peut assister à de nombreuses séquences violentes, que les jeux vidéo installent un environnement violent. La survie du héros dépend d'un affrontement physique. Un malaise peut s'installer : faut-il bannir toute forme de violence des médias pour enfants ? Faut-il distinguer entre des messages acceptables, ou du moins explicables, et d'autres qui ne le sont pas ? La violence est-elle un mal absolu ou un processus de construction sociale ? Au fil des siècles, les rapports humains se font moins brutaux. L'Europe contemporaine a su faire émerger un nouveau modèle dans lequel sont canalisées les pulsions violentes individuelles. L'aversion pour le sang s'est accrue, la brutalité est dévalorisée. La violence a été cantonnée dans des oeuvres de fiction sanglantes, dérivatif, exutoire. Assistons-nous aujourd'hui à un changement de paradigme ou à un approfondissement des tendances actuelles ? La violence audiovisuelle a-t-elle des vertus cathartiques ? Il y a aussi une demande de violence : des films, des jeux violents trouvent leur public. Dans les aventures du célèbre agent secret de sa gracieuse majesté, le nombre de séquences de violences légères (gifle, bousculade, etc.) est stable, mais celui des séquences très violentes, avec usages d'armes, etc. se sont faites de plus en plus nombreuses, de Dr No à Skyfall .

Au supermarché de la violence, l'horreur devient une denrée banale. Est-il légitime de distinguer la violence réelle et la violence mise en scène ? Nos travaux apporteront, j'en suis sûr, une contribution à la protection des enfants. Pour les sociétés démocratiques, la violence n'est pas un moyen mais un problème. Prenons le à bras-le-corps : c'est notre mission, c'est notre honneur.

Mme Maryvonne Blondin, secrétaire de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, membre de la délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

C'est un grand plaisir de vous recevoir. J'associe à ces mots d'accueil MM. Jacques Legendre et Bernard Fournier qui ont été avec moi le petit aiguillon pour demander que cette réunion se tienne au Sénat, afin que les sénateurs sachent concrètement ce qui se fait au Conseil de l'Europe.

Je suis très heureuse d'accueillir le président Flego. Nous nous sommes vus récemment dans le cadre du groupe d'amitié.

M. Luis Filipe Castro Mendes, ambassadeur, président du groupe de rapporteurs sur l'éducation, la culture, le sport, la jeunesse et l'environnement du Comité des ministres, représentant permanent du Portugal auprès du Conseil de l'Europe.

Merci à M. Rouquet pour son intervention, qui ouvre beaucoup de pistes.

I. LA VIOLENCE DANS LES MÉDIAS DEPUIS LES DESSINS ANCIENS JUSQU'AUX JEUX INTERACTIFS EN 3D

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page