M. Thani Mohamed Soilihi, Sénateur de Mayotte
Je n'entrerai pas dans le vif du sujet sans avoir, au préalable, remercié notre président de la Délégation sénatoriale à l'outre-mer, Serge Larcher, pour toutes les initiatives qu'il prend pour faire mieux connaître nos outre-mer dans leur diversité. La conférence d'aujourd'hui sur les questions du développement humain et de la cohésion sociale aborde des problématiques particulièrement importantes pour nos populations.
Le 31 mars 2011 Mayotte est devenue le 101 ème département français, et le cinquième Département français d'outre-mer (DOM). Le 1 er janvier 2014, l'île accédera au statut de région ultra-périphérique (RUP) de l'Union européenne.
En comparant les divers indices de développement humain (IDH), il apparaît que Mayotte accuse un retard significatif par rapport à la métropole et, dans une moindre mesure, par rapport à La Réunion et aux autres DOM. Même si l'on ne dispose pas de chiffres pour cette année, sa situation en 2005 montrait tout de même que son niveau de développement était le plus bas de l'ensemble des DOM et comparable à celui d'un groupe de pays ayant un développement « moyen » au sens du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).
L'IDH prend en compte trois aspects essentiels du développement humain et l'on observe qu'à Mayotte l'écart est particulièrement marqué en termes de richesse monétaire moyenne par habitant. Les domaines de la santé et de l'éducation accusent, quant à eux, un retard moins important grâce aux politiques publiques mises en oeuvre en la matière.
En effet, si le PIB par habitant a fortement augmenté ces dernières années, étant estimé à 6 600 euros en 2011, l'écart reste important. La valeur ajoutée des administrations publiques représente à elle seule plus de la moitié du PIB de Mayotte. Les dépenses de consommation des ménages ont certes progressé mais restent soumises à la cherté de la vie, dont tous les ultramarins ont à connaître. Celle-ci se cumule avec des salaires moyens très bas ne dépassant que très rarement les 1 000 euros. Le SMIG mensuel brut pour 169 heures s'établit à 1 154,27 euros.
L'indice santé est basé sur l'espérance de vie. À Mayotte, elle est estimée à 73 ans. Les épidémies tropicales restent une cause de mortalité importante, mais on observe l'émergence de nouvelles maladies. La première grande étude transversale de la population à Mayotte, réalisée en 2008, afin d'estimer la prévalence du diabète et des facteurs de risque cardio-vasculaires, révélait que 35 % des hommes et 32 % des femmes étaient en surpoids, et que l'obésité touchait 17 % des hommes et 47 % des femmes. La prévalence du diabète s'élevait à 10,5 %, alors qu'elle est de 4,9 % en France métropolitaine. Chez les plus de 30 ans, une personne sur dix était atteinte ; chez les plus de 60 ans, une personne sur cinq. Et plus d'une personne sur deux ignorait qu'elle était diabétique.
Enfin, l'indice d'éducation est une combinaison de deux variables : le taux de scolarisation des jeunes et le taux d'alphabétisation des adultes. À Mayotte, nous sommes en attente des chiffres issus du recensement du mois de septembre dernier. Mais si nous nous fondons sur ceux de 2007, le taux de scolarisation s'établissait à 80,5 %, alors qu'à la même époque il était de 95,4 % en métropole et de 84,4 % à La Réunion. On ne dispose pas non plus de données précises sur l'illettrisme et l'analphabétisme, la distinction entre ces deux notions n'étant pas toujours très claire. Toutefois, si l'on se réfère à une étude de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme datant de 2010, les chiffres issus de la journée d'appel de préparation à la défense montrent que 73 % des jeunes mahorais avaient de grandes difficultés pour la lecture et l'écriture en 2009.
En comparaison avec les pays de la zone Océan Indien, Mayotte présente un niveau de développement humain bien plus élevé que ses voisins immédiats, les Comores et Madagascar, ce qui génère une forte pression migratoire et détériore encore un peu plus la situation à Mayotte. Le niveau de développement humain de l'île reste toutefois inférieur à ceux de l'île Maurice et des Seychelles.
Je souhaite que cette conférence soit l'occasion de réflexions autour des rattrapages devant s'opérer concernant les principaux domaines du développement au sens du PNUD, à savoir l'activité économique, l'éducation (lutte contre l'analphabétisme et scolarisation dans le supérieur) et la santé (infrastructures et politiques publiques).
L'accession de Mayotte au statut de RUP permettra sans doute d'élever cet indice et de soutenir le processus de rattrapage économique et social.
M. François-Xavier Guillerm, animateur des débats
Merci Monsieur le sénateur. La parole est maintenant à M. Éric Fruteau qui a fait spécialement le déplacement depuis Saint-André à La Réunion, une commune de 55 000 habitants. Son action de maire et de conseiller général a été complétée par celle qu'il conduit dans l'action sociale puisqu'il a été président de la mission locale de l'Est et qu'il est aujourd'hui président de l'union départementale des centres communaux d'action sociale.