Débat avec la salle
M. François-Xavier Guillerm, animateur des débats
Nous allons maintenant à nouveau prendre quelques questions de la salle. Les panélistes sont à votre disposition.
Mme Ramlati Ali, Maire de Pamandzi (Mayotte)
Je suis maire de Pamandzi, à Mayotte, et je suis médecin. Je voudrais souligner qu'en termes de CMUC, Mayotte est à 0 % : il y a là clairement un problème d'exclusion sociale. Pour permettre aux gens de vieillir dans de bonnes conditions, il faut un système de santé fiable et des médecins en quantité suffisante. À Mayotte, il y a 22 médecins installés, dont 4 spécialistes ! Et je pense que pour attirer d'autres médecins, il faudrait la CMUC...
Concernant la pression migratoire, Mayotte doit très certainement détenir le record du nombre de reconduites à la frontière. Pour cela, les clandestins doivent passer par un centre de rétention administrative qui se situe dans ma commune. J'attire votre attention sur le fait que l'État a décidé de reconstruire ce centre, notoirement vétuste, sur un terrain proche du lycée polyvalent. Or ce lycée est aujourd'hui insuffisant et je dois aussi dégager du foncier pour un agrandissement de l'établissement. Nous vivons des situations ubuesques...
Mme Nicole Launey, Ligue des Droits de l'Homme
Je suis membre de la Ligue des Droits de l'Homme. Je souhaitais vous informer que nous organisons un séminaire au Sénat le 8 décembre sur « Les étrangers en outre-mer, un droit exceptionnel pour un enfermement ordinaire ».
M. Philippe Bonnot, commandant au SMA
Je suis commandant au service militaire adapté (SMA). Le SMA développe partout en outre-mer des filières d'assistance aux personnes âgées et d'aide à domicile, souvent en partenariat avec les collectivités locales. Malheureusement, les jeunes qui sont formés ont du mal à s'insérer dans les entreprises car nous manquons de recruteurs. L'argument est qu'il n'y aurait pas de besoin réel dans ce secteur alors que M. Claude-Valentin Marie vient de nous démontrer le contraire. Je tends la main aux sénateurs ici présents et je leur demande que l'ensemble des décideurs locaux d'outre-mer s'engagent dans cette direction et aident les jeunes à trouver un emploi au profit de la vieillesse de demain.
M. Thani Mohamed Soilihi, Sénateur de Mayotte
Pour répondre à la représentante de la Ligue des Droits de l'Homme, je voudrais lui dire que les valeurs qui sont défendues par son mouvement sont incontestables et incontestées. Ramenées dans nos territoires et plus particulièrement à Mayotte, où nous manquons de salles de classe, où plus de 45 % de la population est clandestine, ces mêmes valeurs ne sont pas appréciées de la même manière. Je suis le premier à le regretter très fortement mais c'est un fait.
M. Jacques Cornano, Sénateur de Guadeloupe
J'apprécie tout particulièrement cette conférence-débat sur le développement humain et la cohésion sociale dans les outre-mer. À la lueur de tout ce que j'ai entendu, je préciserai qu'il faut aussi prendre en compte le caractère archipélagique de la Guadeloupe. Quand vous évoquez le problème du chômage des jeunes et que l'on dit qu'il y a 10 % de chômeurs en France et 27 % en Guadeloupe, moi j'observe que dans les îles du Sud (Marie-Galante, les Saintes, etc.), ça n'est pas le cas : c'est beaucoup plus ! Au Sénat, nous en avons déjà discuté et je me suis rendu compte que le cas des îles du Sud n'était jamais pris en compte.
J'ai écouté avec beaucoup de plaisir et d'intérêt Mme Ketty Bernos évoquer les seniors. La jeunesse aussi est une priorité ainsi que la famille, dans sa diversité, qui joue un rôle de premier plan dans la solidarité avec les aînés. Nous sommes pour notre part en train de développer les EHPAD.
Permettez-moi d'insister sur la nécessité de compléter cette approche (social, santé, économie, culture) par ce qui me paraît relever de l'urgence : la prise en compte de l'environnement. En outre, il faut bien écouter et intégrer les attentes des élus et de la population. Je prends un exemple. La suppression du service militaire était peut-être opportune ici, en métropole. Mais cela n'était pas le cas chez nous. Aujourd'hui, les jeunes sont dans la rue, l'explosion sociale couve. Bref, au-delà des théories, il faut quand même prendre en compte certaines réalités...
M. Djeneba Keita, Chargé de mission lien social
Qu'est devenu le projet de pont qui devait relier la Guyane au Brésil ?
M. Georges Patient, Sénateur de la Guyane
Le pont existe bel et bien. Je l'ai d'ailleurs moi-même emprunté même s'il n'est pas encore ouvert officiellement en raisons de discussions en cours entre les États brésilien et français. Ces discussions portent sur le statut transfrontalier des riverains et sur la question des visas : un Guyanais qui se rend au Brésil n'a pas besoin de visa alors qu'un Brésilien a besoin d'un visa pour se rendre en Guyane.
M. Claude-Valentin Marie, Sociologue, démographe et conseiller pour l'outre-mer à la direction de l'Institut national d'études démographiques
Un mot rapide pour compléter quatre réponses précédentes.
Cette enquête a été réalisée auprès de 16 000 ménages dans les quatre DOM, soit environ 4 000 dans chacun d'entre eux, ce qui correspond à un taux de sondage jamais atteint par aucune enquête nationale de ce type. J'ajoute qu'à ce jour aucune région métropolitaine ne dispose d'une étude équivalente. Concernant les inégalités, l'habitude était de procéder à des comparaisons globales entre la métropole et les DOM. Notre enquête a innové sur ce point, avec une double mise en perspective (diachronique et synchronique) des résultats obtenus, en vue de souligner les spécificités de chacun des DOM en les comparant les uns par rapport aux autres, d'étudier leurs évolutions internes (avec les changements observés d'une génération à l'autre), mais aussi les dynamiques propres aux groupes sociaux qui les composent (hommes et femmes, jeunes et plus âgés, natifs et immigrants, etc.)
Concernant les îles du Sud, il s'est posé un double problème de coût et de taille d'échantillon. Les englober dans l'ensemble guadeloupéen n'aurait pas permis de saisir de manière statistiquement pertinente leurs réalités. Pour y parvenir, il faudrait conduire des études spécifiques à ces territoires.
S'agissant de la Guyane, je dois préciser que nous avons essentiellement travaillé sur la bande littorale et volontairement ignoré les territoires de l'intérieur, et en particulier les populations du fleuve. Là encore, ce choix s'est imposé pour des raisons de pertinence méthodologique et de coût des opérations. Il y a donc là incontestablement un manque à combler, d'autant plus que ces territoires sont soumis à des dynamiques particulières, différentes de celles observées à Cayenne ou à Kourou, et associées à une forte croissance démographique. Ce travail reste à faire.
Il en va de même pour Mayotte. J'ajouterai que, dans ce cas, il conviendrait pour mener une enquête du même type d'être particulièrement attentif aux réalités historiques, culturelles et cultuelles de l'île, et tout particulièrement pour l'étude des questions relatives aux migrations autant que celles traitant des normes familiales et de leurs évolutions, très différentes de celles étudiées dans les autres DOM.