ANNEXE 4 - CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

Arrêt du 29 décembre 1999

Conseil d'État statuant au contentieux

N° 206687 207303

Mentionné dans les tables du recueil Lebon

Cet arrêt a été rendu après que des mortalités massives et récurrentes du cheptel apicole ayant été constatées vers le milieu des années 1990 consécutivement à la floraison des grandes cultures de tournesol, les investigations conduites par les professionnels ont permis de retrouver une concomitance avec l'utilisation pour la première fois à grande échelle sur le territoire français, d'un produit d'enrobage des semences, dénommé Gaucho, fabriqué par la société BAYER, mettant en oeuvre la substance active imidaclopride, un insecticide neurotoxique systémique extrêmement puissant de la famille des néonicotinoïdes.

La profession apicole a alors financé des travaux scientifiques pluriannuels conduits par l'INRA et le CNRS afin de déterminer si ce type de traitement pouvait provoquer la déperdition du cheptel. Les ayant été positives, la profession apicole a sollicité le retrait de la mise sur le marché du Gaucho pour son application sur les tournesols, avec succès, puisque le 22 janvier 1999 le ministre de l'agriculture a retiré provisoirement l'AMM du Gaucho pour le tournesol. Cette décision a été déférée au Conseil d'État par plusieurs sociétés, dont les plus connues sont Bayer et Monsanto.

Les requêtes ont été rejetées le 29 décembre 1999, le Conseil d'Etat a rejeté ces multiples requêtes, en faisant pour la première fois application du principe de précaution en matière de protection de l'environnement, fondement qu'il abandonnera dans la nombreuse succession des arrêts qui ont suivi cette première décision : « en estimant , après avoir eu connaissance des diverses études effectuées en laboratoire et sur le terrain au cours de l'année 1998 concernant les effets de l'insecticide "Gaucho" sur les abeilles, ainsi que des avis exprimés par la commission d'étude de la toxicité des produits antiparasitaires à usage agricole et du comité d'homologation, que l'autorisation de ce produit pour le traitement des semences de tournesol devait être "retirée provisoirement" et la mise en culture de ces semences interdite, le ministre de l'agr iculture et de la pêche, compte tenu des précautions qui s'imposent en matière de protection de l'environnement, n'a pas entaché la décision attaquée d'erreur manifeste d'appréciation ».

Le Conseil d'État ne contrôle que l'erreur manifeste d'appréciation, ce qui peut aller loin quand en l'espèce puisque les annexes de la directive imposent une méthode unique, extrêmement contraignantes en excluant l'AMM dès lors que les résultats ne sont pas tous satisfaisants.

Arrêt du 9 octobre 2002

Conseil d'État statuant au contentieux

N° 233876

Publié au recueil Lebon

L'actualité de cet arrêt tient au distinguo récent entre colza et maïs pour l'interdiction du Cruiser.

En l'occurrence , des agriculteurs ont attaqué le refus d'abroger l' AMM du Gaucho pour le maïs . Le ministère avait estimé que cette culture n'était pas intéressante pour les abeilles . L'actualité de cet arrêt tient au distinguo récent entre colza et maïs pour l'interdiction du Cruiser.

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 253-1 et L. 253-6 du code rural que l'autorisation de mise sur le marché d'un produit phytopharmaceutique à usage agricole ne peut être délivrée qu'après vérification de l'innocuité du produit à l'égard de la santé publique, des utilisateurs, des cultures et des animaux, dans les conditions d'emploi prescrites. Aux termes de l'article 20 du décret du 5 mai 1994 susvisé : « L'autorisation de mise sur le marché d'un produit phytopharmaceutique est retirée : - si les conditions requises pour son obtention ne sont plus remplies (...) ». Il résulte de ces dispositions que l'autorisation donnée à la vente d'un produit phytopharmaceutique doit être abrogée s'il apparaît, au vu d'éléments nouveaux, que ce produit ne satisfait pas à la condition d'innocuité susdéfinie.

Alors que, postérieurement à la suspension, en 1999, de l'autorisation de mise sur le marché du «Gaucho» pour le traitement des semences de maïs, les phénomènes de dépopulation des ruches et la diminution de la production de miel en France se sont poursuivis, le ministre de l'agriculture justifie devant le Conseil d'Etat sa décision de ne pas abroger l'autorisation du Gaucho pour le traitement des semences de maïs par le fait que les abeilles visiteraient davantage le tournesol que le maïs, qui n'est pas mellifère.

En ne prenant pas en compte la fréquentation du maïs par les abeilles aux fins d'y prélever le pollen, que cette plante produit en abondance , et en ne recherchant ni l'ampleur exacte du prélèvement du pollen de maïs par les abeilles, ni la nature et l'intensité des éventuels effets directs ou indirects du contact des abeilles avec du pollen contaminé par l'imidaclopride, le ministre n'a pas examiné l'intégralité des éléments nécessaires à l'appréciation de l'innocuité du produit. Sa décision, en tant qu'elle concerne le maïs, doit par suite être regardée comme entachée d'une erreur de droit .

Arrêt du 31 mars 2004

Conseil d'État statuant au contentieux

N° 254637

Mentionné dans les tables du recueil Lebon

Le Conseil d'État a rappelé qu'en vertu des articles 12, 14, 20 et 21 du décret du 5 mai 1994 relatif au contrôle des produits phytopharmaceutiques, les produits tels que le Gaucho ne peuvent être mis sur le marché qu'après une autorisation préalable, délivrée pour dix ans par le ministre de l'agriculture, sur avis de la commission d'étude des produits antiparasitaires à usage agricole et sur proposition du comité d'homologation des produits antiparasitaires à usage agricole, et au vu d'un dossier établissant que le produit satisfait aux exigences de sélectivité, d'efficacité et d'innocuité. L'autorisation peut être renouvelée à l'expiration du délai de dix ans si les conditions requises pour son obtention sont toujours remplies mais peut être retirée à tout moment dans le cas contraire. Il en résulte que le ministre n'est pas tenu de saisir les deux instances consultatives susmentionnées avant de rejeter une demande tendant à un tel retrait .

S'il décide néanmoins de procéder à ces consultations, il doit alors seulement respecter les conditions formelles prévues pour cette procédure , sans qu'il soit nécessaire de faire procéder aux évaluations de sélectivité, efficacité et innocuité exigées pour l'autorisation de mise sur le marché ou son renouvellement. Il ne peut cependant rejeter légalement une telle demande de retrait que s'il établit que lesdites évaluations ont été faites lors de la dernière décision d'autorisation de mise sur le marché ou de renouvellement .

Les dispositions dérogatoires inscrites à l'article 8 de la directive n° 91/414/CEE du 15 juillet 1991 n'ayant pas été reprises dans l'arrêté du 6 septembre 1994, les substances actives ayant fait l'objet d'une première mise sur le marché avant le 25 juillet 1993 doivent être évaluées selon les règles de droit commun .

Arrêt du 28 avril 2006

Conseil d'État statuant au contentieux

N° 269103

Inédit au recueil Lebon

Cette fois, les maïsiculteurs qui ont attaqué l'abrogation de l'AMM pour le Gaucho sur le maïs.

En l'occurrence, le ministre avait bien appliqué la méthode imposée par les textes. Il apparaissait ainsi que le quotient de danger par ingestion atteignait 18 900 au lieu de 50 et que le quotient de danger par contact culminait à 11 283, toujours au lieu de 50.

La preuve de l'innocuité réglementaire n'étant pas apportée, le ministre était tenu de mettre fin à l'autorisation en cause.

Arrêt du 16 février 2011

Conseil d'État

N° 314016

Mentionné dans les tables du recueil Lebon

C'est le premier arrêt portant sur le Cruiser, produit la société Syngenta Agro SAS.

Pour évaluer l'ampleur du risque à court et à long terme auquel les abeilles communes pourraient être exposées après l'application d'un produit phytosanitaire, les dispositions de l'arrêté du 6 septembre 1994, prises pour transposer la directive 91/414/CEE du Conseil du 15 juillet 1991, prescrivent l'utilisation de la méthode des quotients de danger, y compris pour les produits systémiques . A défaut, la décision d'accorder l'autorisation de mise sur le marché est entachée d'une erreur de droit.

Arrêt du 3 octobre 2011

Le Conseil d'État statuant au contentieux

Séance du 14 septembre 2011, Lecture du 3 octobre 2011

Union nationale de l'apiculture française

N°336647

Le ministère de l'agriculture avait pris le pli de délivrer des AMM annuelles au Cruiser 350, utilisé pour le traitement des semences de maïs, l'Union nationale de l'apiculture française a saisi le Conseil d'État pour obtenir l'annulation de l'AMM relative à l'année 2010.

Lorsque le ministre n'a pas de doute quant à l'efficacité et l'innocuité d'un produit phytopharmaceutique, il peut délivrer une autorisation de mises sur le marché . Dans ce cas, la durée est nécessairement de 10 ans, aux seules exceptions près figurant aux articles R. 253-44, R.253-49 et R. 253-50 du code rural.

En cas de doute, l'autorisation ne doit pas être accordée.

Ces deux principes figurent explicitement dans deux considérants :

« Considérant, d'une part, qu'il est constant que la décision attaquée ne relève d'aucune des hypothèses dans lesquelles les dispositions des articles R. 253-44, R. 253-49 et R. 253-50 du code rural permettent de déroger à la durée de dix ans prévue par l'article R. 253-38 du même code »

« Considérant, d'autre part, que le ministre doit , à l'issue de l'instruction d'une demande d'autorisation de mise sur le marché d'un produit phytopharmaceutique, tirer les conséquences de l'ensemble des éléments d'appréciation dont il dispose , notamment de l'avis de l'AFSSA, qui ne le lie pas ; qu' il n'a alors le choix qu'entre une décision de refus , s'il estime que l'innocuité et l'efficacité du produit ne sont pas suffisamment établies et , dans le cas contraire, en dehors des cas prévus aux articles R. 253-44, R. 253-49 et R. 253-50 du code rural, une décision d'autorisation pour dix ans ; »

Arrêt du 7 mars 2012

Conseil d'État

N° 332805

Publié au recueil Lebon

Un corps chimique inscrit à l'annexe I des substances actives autorisées au niveau communautaire doit être considéré comme tel, sauf pour le ministre de l'agriculture à démontrer que ce corps ne joue pas ce rôle dans le cas d'espèce. A défaut d'une telle démonstration, l'autorisation délivrée sans prise en compte de cette substance est entachée d'une erreur de droit .

Deux considérants de cet arrêt méritent d'être entièrement cités :

« Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu' une substance qui n'exerce dans une préparation phytopharmaceutique donnée, eu égard notamment à ses caractéristiques propres et à son degré de concentration dans ce produit, aucune des fonctions qui caractérisent une action générale ou spécifique sur des végétaux ou organismes cibles , mais permet seulement d'obtenir, en remplissant l'une des fonctions énumérées au point 1.4.4 de l'annexe III à la directive 91/414/CEE transposé au point 1.4.4 de l'annexe II à l'arrêté du 6 septembre 1994, une certaine forme de cette préparation, par exemple un simple agent mouillant , ne constitue pas une substance active de cette préparation au sens de l'article L. 253-1 du code rural ; que le ministre soutient que l'acide pélargonique, alors même qu'il est inscrit sur la liste des substances actives autorisées figurant à l'annexe I de la directive 91/414/CEE du Conseil du 15 juillet 1991 et qu'il doit donc en principe être regardé comme une substance active, ne devrait pas, compte tenu de son degré de concentration dans la préparation Roundup Express, être considéré comme une substance active de cette préparation au sens des dispositions précitées ; qu' il incombe en tout état de cause au ministre, dans l'hypothèse où il estime qu'une substance inscrite sur la liste des substances actives autorisées qui constitue l'un des composants d'une préparation ne remplit pas, dans cette préparation, l'une des fonctions qui caractérisent une des actions générales ou spécifiques mentionnées ci-dessus et qu'elle n'y est donc pas active, de l'établir ; qu' à défaut, sa décision est entachée d'erreur de droit ».

Référé du 18 mai 2012

Conseil d'État

N° 358614

Inédit au recueil Lebon

L'importance de cet arrêt apparaît à la lumière du décret n° 2010-164 du 22 février 2010 relatif aux compétences et au fonctionnement des juridictions administratives, qui a modifié l'article R. 311-1 du code des juridictions administratives pour soustraire les « recours dirigés contre les actes administratifs dont le champ d'application s'étend au-delà du ressort d'un seul tribunal administratif » au contentieux dont le Conseil d'État est compétent pour connaître en premier et dernier ressort.

Les autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques étant des actes administratifs dont le champ d'application s'étend au-delà du ressort d'un seul tribunal administratif, le Conseil d'État n'est plus compétent pour en connaître en premier et dernier ressort. Est-il pour autant exclu de toute intervention avant le dernier ressort ? Le référé du 18 mai 2012 semble répondre par la négative, du moins lorsque « la demande de suspension présentée à son encontre n'est pas manifestement insusceptible de se rattacher à un litige dont il appartient au Conseil d'Etat de connaître en premier et dernier ressort ».

Ce critère assez large permet d'envisager que le Conseil d'É t at intervienne en référé, alors même que le contentieux au fond serait soumis à un tribunal administratif.

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