C. LES RAPPORTS DU CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES ET DE LA COUR DES COMPTES FAITS POUR LE PARLEMENT
1. Le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires fait pour le Sénat sur la base de l'article L. 351-3 du code des juridictions financières (octobre 2009)
Le 2 octobre 2009, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) a transmis à la commission des finances du Sénat un rapport, Les prélèvements obligatoires des entreprises dans une économie globalisée , que celle-ci lui avait demandé, sur la base de l'article L. 351-3 du code des juridictions financières.
Ce rapport est très critique sur la réforme du CIR de 2008, comme le montre l'encadré ci-après.
Le rapport du conseil des prélèvements obligatoires fait en 2009 pour la commission des finances du Sénat : principaux passages relatifs au CIR « Le coût budgétaire du CIR représentera à terme l'équivalent d'une baisse de 2 à 3 points du taux d'IS, et peut s'assimiler à une baisse déguisée de taux normal de l'IS, au profit essentiellement des grandes entreprises. Cette montée en puissance du CIR, permise par le taux élevé de l'IS, a été préférée à une baisse de ce dernier, qui aurait pourtant ramené la France dans la moyenne européenne. L'appréciation de son efficacité n'en est que plus impérative. « (...) « La LF pour 2008 a réorienté fortement ce crédit d'impôt, tourné jusqu'ici vers les PME, sur les grandes entreprises. A terme, plus de 80 % du CIR devrait être versé aux entreprises de plus de 250 salariés, notamment les grands groupes. « (...) « En effet, les grandes entreprises sont celles qui réalisent les dépenses les plus importantes en matière de R&D. Elles bénéficient donc à plein de la suppression de la part en accroissement, au profit du calcul du CIR en volume. « (...) « Comme le souligne également un récent rapport d'information de la commission des finances de l'Assemblée nationale 70 ( * ) , le CIR favorise davantage le secteur tertiaire, que l'industrie. Il est vrai cependant que le secteur du conseil et de l'assistance aux entreprises rassemble notamment l'ensemble des sociétés mères de groupe, sans lien avec le secteur d'activité de ces groupes. « Au final, le CIR n'apparaît donc pas suffisamment ciblé sur les enjeux de compétitivité, notamment de l'industrie, mais avantage plutôt le secteur des services. « (...) « Le choix d'utiliser le levier fiscal pour attirer les centres de recherche pourrait ne pas être le plus pertinent en termes d'attractivité, (...). « (...) « L'effet du CIR sur les dépenses de R&D des entreprises est discuté. (...) « Des évaluations concluent à un effet de levier sur les dépenses de R&D des entreprises : le MESR a ainsi calculé qu'un euro d'allègement fiscal via le CIR, générait une dépense de R&D de 2,4 euros sur la période 2003-2005. Cette évaluation a toutefois été menée sur l'ancien CIR, calculé en accroissement et avec un plafond. « A l'inverse, l'OCDE sur la base d'études empiriques juge que les CIR ont un impact faible sur le niveau des dépenses de R&D et la productivité globale des facteurs, même si cet effet est plus important que dans le cas des aides directes 71 ( * ) . « Une approche macroéconomique viendrait confirmer cette analyse. En effet, alors qu'entre 2002 et 2006, le montant du crédit impôt recherche a doublé en France, passant d'un coût moyen de 465 M€ en 2002, à 982 M€ en 2006, la part du financement privé de la R&D dans le PIB a fortement baissé en France (54,2% en 2002 contre 52,22% en 2006), alors même que cette part est déjà inférieure de 10 points, en France, à la moyenne de l'OCDE. « (...) Une évaluation ex post du nouveau CIR reste (...) à mener, dans les prochaines années, pour confirmer le fort effet de levier du nouveau CIR anticipé par la DGTPE 72 ( * ) . » Source : Conseil des prélèvements obligatoires, « Les prélèvements obligatoires des entreprises dans une économie globalisée », rapport fait pour la commission des finances du Sénat sur la base de l'article L. 351-3 du code des juridictions financières, 2 octobre 2009. |
Les interrogations du rapport du CPO, légitimes si l'on prend en compte les données alors disponibles, appellent toutefois certaines précisions.
Tout d'abord, l'idée que la réforme du CIR de 2008 aurait été réalisée « au profit essentiellement des grandes entreprises », et aurait « réorienté fortement ce crédit d'impôt, tourné jusqu'ici vers les PME, sur les grandes entreprises », n'est pas confirmée par les données aujourd'hui disponibles 73 ( * ) . En particulier, le fait qu'« à terme, plus de 80 % du CIR devrait être versé aux entreprises de plus de 250 salariés, notamment les grands groupes » résulte simplement du fait que, les entreprises de plus de 250 salariés effectuant les trois quarts des dépenses de R&D, il n'est pas anormal qu'elles bénéficient d'une part analogue du CIR. On peut par ailleurs rappeler qu'au sens de la loi de modernisation de l'économie, une entreprise doit avoir au moins 5 000 salariés pour être considérée comme une grande entreprise (les bénéficiaires d'au moins 5 000 salariés ayant perçu quant à eux « seulement » 31,1 % du CIR en 2008) : englober les entreprises de plus de 250 salariés dans une catégorie unique peut donc être source de confusion.
Le CPO reprend la critique formulée par le rapport d'information précité 74 ( * ) de 2009 de notre collègue député Gilles Carrez, selon laquelle le CIR serait trop orienté vers les services. Toutefois, dès lors que les services représentent un tiers des dépenses de R&D, il n'est pas anormal qu'ils bénéficient d'un tiers du CIR. Il faut également prendre en compte le fait qu'une grande partie des services concernés correspond en réalité à des dépenses externalisées par l'industrie.
De manière générale, le CPO tend à juger la réforme de 2008 en fonction d'objectifs qui n'étaient pas nécessairement les siens. En effet, les dispositifs fiscaux d'incitation à la R&D sont habituellement considérés comme des moyens d'augmenter le PIB structurel d'une économie. Tel est d'ailleurs l'angle sous lequel l'étude de 2009 du Trésor 75 ( * ) envisage la réforme de 2008. Or, le CPO juge le CIR en fonction d'autres critères :
- il lui reproche, au nom de la politique de compétitivité, de ne pas être concentrée sur l'industrie (argument qui, on l'a vu, doit être relativisé) ;
- il lui reproche d'avoir un effet incertain sur la localisation des centres de recherche des entreprises multinationales étrangères.
Enfin, la présentation des études macroéconomiques ne traduit pas la richesse des travaux disponibles.
* 70 Rapport d'information sur l'application des mesures fiscales contenues dans les lois de finances et la loi TEPA, Gilles Carrez, rapporteur général, juillet 2009.
* 71 Organisation de coopération et de développement économique, études économiques, France, 2009.
* 72 Les effets économiques de la réforme du CIR, Trésor-éco n°50, janvier 2009.
* 73 Selon le rapport de l'inspection générale des finances sur le CIR de septembre 2010, « entre 2007 et 2008 la part des PME indépendantes dans le total des créances du CIR est passée de 23,8 % à 20,3 %. Parallèlement, les 50 plus gros bénéficiaires du CIR voyaient leur part passer de 24 % à 31 % du total (soit une progression de 872 M€ des créances) ».
* 74 Rapport d'information n° 1794 (XIIIe législature), Assemblée nationale, 2 juillet 2009.
* 75 Paul Cahu, Lilas Demmou, Emmanuel Massé, « Les effets économiques de la réforme du crédit d'impôt recherche de 2008 », Trésor-éco n° 50, janvier 2009.