QUATRIÈME PARTIE : CONTRIBUTIONS
CONTRIBUTION DE MME CORINNE BOUCHOUX
Alors que notre pays traverse avec l'Europe une crise sans précédent il n'est plus possible de faire l'impasse sur les sommes qui échappent au bien commun via la fraude fiscale. Le rapport « Evasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales » comporte deux parties : le diagnostic sur l'ampleur, les mécanismes et les différentes définitions de la fraude et l'évasion fiscale, puis dans un second volet cinquante-neuf propositions extrêmement variées, riches, inventives pour certaines d'entre elles que, faute de temps, le rapport n'a pas hiérarchisé es (en termes d'ordre de priorité ou de chronologie à une échelle de 1, 3 et 5 ans). Pour l'essentiel, nous adhérons pleinement à l'état des lieux foisonnant dressé par le rapporteur et la commission, qui n'a écarté aucune piste (intégrant par exemple la délicate question des oeuvres d'art), et a tenté de décrypter l'arsenal multiforme et parfois très illisible de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale dans la France d'aujourd'hui.
Nous aimerions attirer l'attention du rapporteur et de la commission sur quelques points :
Selon nous, il convient d'insister dans l'immédiat tout particulièrement, concernant les entreprises, sur la proposition 6 (intégration du civisme fiscal dans le champ de la RSE), la proposition 7 (renforcer les prérogatives des institutions représentatives du personnel en matière de prévention de la fraude) et 8 (responsabiliser aussi les administrateurs, dont il faut impérativement limiter le cumul et limiter la cooptation pour une plus grande diversité ) ; concernant la comptabilité des entreprises, nous soutenons urgemment les 25, 26 et 27èmes propositions ; concernant les trusts, nous soutenons la proposition 43 et suggérons d'enregistrer automatiquement les bénéficiaires finaux d'un trust ; bien sûr nous ne pouvons que recommander les propositions 44 et 45 ;
Concernant les moyens de lutter contre la fraude, nous soutenons dans l'urgence la proposition 10 (demande à l'APE d'un audit et en discuter les conclusions au Parlement) ; bien évidemment, l'État se doit d'être exemplaire tout comme les acteurs de la vie publique (urgemment donc, la proposition 11) ;
Mais en réalité, ce qui s'avère structurant dans ce domaine est d'avoir une politique pénale énergique, lisible, permettant une sanction efficace et dissuasive du délit de fraude fiscale (proposition 39) ;
Concernant le rôle de l'Europe, nous avons une position plus nuancée que le rapporteur, pensant que l'Europe ne peut être accusée de tous les maux. Pour autant, nous partageons les objectifs 50, 51 et 53. Par ailleurs, nous gagnerions à distinguer les pays de la zone euro et les pays non membres de la zone euro, la marge d'action pouvant être différente. Nous souhaitons voir mise en place une taxe sur les transactions financières par la voie de la coopération renforcée, telle qu'actuellement étudiée et préconisée par la proposition 54. Nous insistons également sur la nécessité que la France s'oppose aux accords rubik qui s'apparentent à des amnisties. Nous souhaitons approfondir la réflexion sur la création d'un parquet européen chargé de la bonne transparence et utilisation des fonds au niveau de l'Union. Enfin nous ne pouvons que déplorer que le civisme s'applique mieux à certaines professions qu'à d'autres, d'ailleurs certaines ne font que très peu de déclarations à TRACFIN... Nous regrettons que, dans un cas précis, un responsable d'une grande banque nous ait décrit un tableau qui ne correspond pas aux informations qui nous sont parvenues. Nous regrettons enfin que n'aient pas assez été abordées les questions de corruption, celle-ci faisant partie du processus de la fraude et de l'évasion à certains égards.
Nous voterons favorablement à la publication de ce rapport.