Mardi 12 juin 2012
Suite de l'échange de vues

_______

Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois -

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Après avoir effectué une cinquantaine d'auditions, nous poursuivons notre échange de vues. Nous avons déjà trouvé plusieurs points d'accord et il nous reste trois sujets à trancher pour parvenir à une définition commune du harcèlement sexuel.

Mme Catherine Tasca . - Le texte du Gouvernement est-il diffusé ?

M. Jean-Pierre Sueur , président. - Il y a eu des fuites dans la presse mais nous n'en sommes pas encore saisis : il n'a pas même été adopté par le Conseil des ministres. Selon la Constitution, il n'y a pas de hiérarchie entre propositions de loi et projet de loi. Avec les sept propositions de loi et le projet de loi, cela fait huit textes qui nourrissent nos débats. Nous savons bien sûr ce que nous a dit Mme la directrice des affaires criminelles et des grâces sur les grandes lignes du texte gouvernemental ; nous verrons la rédaction qui nous sera soumise.

Nous avons encore à trancher plusieurs points.

Tout d'abord, faut-il préciser la nature exacte des agissements : « propos, acte ou comportement, verbal ou non verbal », « comportement s'exprimant verbalement ou non », « menaces, intimidation ou contrainte » ou « agissements répétés de toute nature » ? Ces actes ou comportements doivent-ils avoir une « connotation sexuelle » ? Souhaitez-vous caractériser les actes constitutifs du harcèlement sexuel comme des actes « intimidants, dégradants, humiliants ou offensants » ? Enfin, ces comportements doivent-ils être « non désirés », être mis en oeuvre « contre le gré » de la personne, ou encore « imposés »?

M. François Pillet . - On ne peut retenir l'expression « non désirés » car le désir est chose éminemment subjective. Imaginons les débats devant les tribunaux ! Les autres formulations me conviennent. « Contre le gré », de même qu' « imposés », ont l'avantage de la clarté.

M. Alain Anziani . - Préciser la nature exacte des agissements ? Oui, bien sûr. La connotation sexuelle doit être mentionnée, sans quoi il ne s'agit plus de « harcèlement sexuel ». Moi aussi je considère « non désirés » comme trop flou et subjectif. Plutôt que « imposés », les associations préfèrent parler de comportements « subis par la personne ». Pour le reste, les formulations me conviennent.

M. Jean-Pierre Godefroy . - Il faut préciser la nature des actes. Les expressions « actes intimidants » et « à connotation sexuelle » me conviennent. En revanche, « non désiré » est trop subjectif. On pourrait aussi parler de comportements « non consentis » ; la notion existe déjà pour le viol. S'il n'y a pas consentement, cela fait une alerte.

Mme Laurence Cohen . - Il est nécessaire de définir la nature des agissements et je suis favorable à la notion de « connotation sexuelle ». Les comportements « imposés » suscitent beaucoup de débats au sein des associations. Dans une loi sur le harcèlement, est-il nécessaire d'utiliser ces termes ? Cela ne va-t-il pas de soi ?

M. Jean-Pierre Sueur , président. - Si tout le monde est d'accord sur la nécessité de préciser la nature des agissements, quels termes devons-nous retenir ? L'expression « à connotation sexuelle » convient-elle à tous ? Sommes-nous d'accord sur la caractérisation des actes comme « intimidants, dégradants, humiliants ou offensants » ? Enfin, ces comportements doivent-ils être dits « non-désirés », mis en oeuvre « contre le gré » de la personne ou encore « imposés » ?

M. Jean-Pierre Michel. - A mon sens, il faut exclure les propos  de la définition : le harcèlement sexuel, ce sont des actes, comportant non pas une connotation sexuelle, mais un but sexuel. Nous entendons des propos à connotation sexuelle tous les jours sans qu'il s'agisse pour autant de harcèlement. Je suis d'accord avec le fait que ces agissements doivent être « dégradants, humiliants et offensants ». En revanche, le terme « imposés » implique à mon sens un lien hiérarchique et renvoie aux circonstances aggravantes. Mieux vaut « non consentis » ou « subis ».

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Nous avons eu un grand débat sur la question de l'intentionnalité la semaine dernière : il est très difficile de prouver le but et l'intention. Avec des faits, on fonde plus facilement la sanction.

Mme Michelle Meunier . - Je ne partage absolument pas l'analyse de Jean-Pierre Michel. Le harcèlement ne réside pas seulement dans les actes, il inclut également les propos. Les « menaces et intimidations » viennent dans un second temps. Quant à la notion de « connotation » sexuelle, elle est nécessaire, car le but du harcèlement n'est pas forcément d'aboutir à une relation sexuelle. Quand à l'expression « non désirés », je propose qu'on la remplace par « non consentis » : la notion de consentement est plus claire.

M. Jean-Pierre Michel . - Je prends un cas concret, celui d'un petit chef qui demande à l'employée venue demander un congé : « c'est encore pour une partie de jambes en l'air ? ». Croyez vous vraiment qu'il faut y voir du harcèlement sexuel ? Et pourtant, ce sont bien des propos à connotation sexuelle !

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Je suggère que nous revenions aux points que nous avons à trancher aujourd'hui.

Mme Catherine Tasca . - Il est indispensable de préciser la nature des agressions et l'énumération proposée me convient parfaitement. On ne peut à mon sens écarter les propos. J'approuve la mention d'actes ayant une « connotation sexuelle », la formulation a l'avantage d'être englobante. J'ai été sensible à ce que nous ont dit les représentants des gays, lesbiennes et trans : ce qui leur rend la vie infernale, ce sont précisément des propos, des attitudes, des gestes qui mettent en cause leur identité sexuelle. Il est également très important de mentionner les actes « intimidants, dégradants, humiliants ou offensants ». L'entourage fait souvent montre de lâcheté et ces termes visent aussi le milieu qui entoure la victime.

Je me rallie à l'expression de comportements « imposés », qui cible l'auteur du harcèlement, à la différence de « subis », « non désirés » ou « non consentis », qui renvoient au comportement de la victime. Je suis favorable à ce terme très objectif.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin , présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes . - Un propos peut constituer du harcèlement et, comme Mme Tasca, je pense qu'un harceleur n'a pas nécessairement pour but d'obtenir un acte sexuel. Les termes de « non désirés» ou « non consentis » m'inspirent une inquiétude : ne va-t-on pas demander à la victime d'apporter cette preuve de plus ? Or on connaît le climat latent de peur qui peut l'empêcher de manifester son refus.

M. François Pillet . - Dès lors que nous considérons que le harcèlement sexuel « de premier niveau » peut être constitué de propos, il n'est pas utile d'alourdir le texte en précisant qu'il s'agit d'un comportement « verbal ou non-verbal ». L'expression « non consentis » risque de soulever des problèmes délicats car, outre sa dimension psychologique, il est toujours difficile d'apporter une preuve négative. Dans ces conditions, « imposés » me paraît plus sûr juridiquement et je ne crois pas qu'il présuppose nécessairement l'existence d'une relation de subordination.

La directrice des affaires criminelles et des grâces nous a expliqué que l'avant-projet de loi prévoyait une répression par « niveau » de harcèlement : on peut envisager des gradations de peine, ce qui est juridiquement séduisant.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Le harcèlement est distinct de l'agression qui est déjà réprimée par le code pénal. Si ce n'est pas verbal, on tombe très vite dans l'agression. Le harcèlement, ce peut être quelqu'un qui téléphone 75 fois pour faire la même proposition. Sommes-nous d'accord pour retenir « propos, acte ou comportement » ? On pourrait supprimer « verbal ou non verbal » qui est peut-être redondant.

Mme Michelle Meunier . - Non, car cela concerne le regard que l'on porte sur l'autre. Un exemple : une personne est sifflée tous les jours par un collègue de travail. C'est dégradant !

M. Jean-Pierre Sueur , président . - La formule « propos, acte ou comportements » intègre ce type de situation.

Mme Michelle Meunier . - J'ai travaillé dans le secteur social et cela m'influence peut-être. On y parle de « comportement verbal ou non verbal » pour désigner par exemple des gestes qui démentent les mots prononcés.

M. Alain Anziani . - N'est-ce pas au tribunal de trancher ? À nous de lui fournir les éléments : « propos, acte ou comportement » me semble suffisant.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Je constate que telle est notre position majoritaire.

Mme Gisèle Printz . - Les mails sont-ils considérés comme des « propos » ?

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Ajouter « écrits » ne me choquerait pas. Dans la langue française, « propos » fait référence à l'oralité.

Mme Catherine Tasca . - Le mot « propos » s'applique à tout ce qui est exprimé de manière intelligible.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Il est facile en effet de trouver dans la littérature une expression comme « Votre propos m'a touché », s'agissant d'une lettre. Nous pouvons expliciter notre conception des « propos » dans le rapport, et le mentionner à la tribune.

Devons-nous maintenir comme agissements les « menaces, intimidations, contraintes » ?

Mme Annie David , présidente de la commission des affaires sociales . - Ce sont, à mon sens, des circonstances aggravantes.

M. Jean-Pierre Godefroy . - En retirant les « menaces, intimidations et contraintes », est-ce qu'on n'affaiblit pas le texte ?

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Nous avons opté pour un texte en deux parties, la première sur le harcèlement, par nature répétitif, la seconde sur l'acte unique, s'inspirant des textes qui existent sur le chantage et la corruption. Les menaces, intimidations et contraintes relèvent de cette deuxième partie. La question de l'aggravation concerne, elle, les deux parties.

Mme Catherine Tasca . - Il faut conserver la qualification d'actes « intimidants, dégradants, humiliants ou offensants », car ils sont constitutifs du harcèlement.

M. Jean-Pierre Sueur , président. - Je propose la synthèse suivante : « propos, acte ou comportement ayant un caractère intimidant, dégradant, humiliant ou offensant ». Quid de l'environnement, mentionné par la directive ?

M. Alain Anziani . - La notion d'environnement, il faut la distinguer de l'acte. Prendre quelqu'un par le col, ce n'est pas la même chose que de lui faire subir une ambiance.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Comment demander au tribunal de juger d'une ambiance ? Il faut une personne coupable d'un acte précis.

M. Philippe Kaltenbach . - Il faut distinguer le harcèlement, avec atteinte à la dignité de la personne, de cet environnement que l'on peut faire régner avec des mots, des actes. Certains harceleurs savent créer une ambiance. Peu importe le mot retenu mais retirer la notion d'environnement ferait perdre de la force au texte.

Mme Laurence Cohen . - Par un environnement de travail, on peut dissuader les collègues de témoigner en faveur de la victime et créer une pression paralysante.

M. Alain Gournac . - Ecoutons les magistrats, qui nous dissuadent d'introduire des notions difficilement mesurables. Avec de bonnes intentions, on peut nuire à la victime, car le juge n'aura pas les éléments pour juger d'une ambiance. Le harceleur prétendra que, s'il a baissé la lumière et fermé les rideaux, c'était sans intention sexuelle.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin , présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes . - Les juges et le Conseil constitutionnel nous demandent d'être précis. J'estime que la question de l'environnement a son importance. Des propos répétés tous les jours visant une personne ou une communauté peuvent créer une pression qui va s'exercer sur l'ensemble du groupe et dissuader ses membres de porter plainte. Les représentants des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres nous l'ont bien montré.

Mme Catherine Tasca . - Méfions-nous : la définition comporte déjà une longue énumération quand la loi doit être économe. Nos travaux préparatoires l'éclaireront. Mieux vaut éviter le terme d'environnement ou celui de contexte.

M. Alain Gournac . - Tout à fait !

M. Alain Anziani . - Quel est l'objectif ? D'élargir les poursuites, qui étaient peu nombreuses, et les condamnations encore plus rares, tout en respectant les droits de la défense. Je m'interroge : la définition proposée couvre-t-elle les actes indirects ? Par exemple, ceux où le harceleur se débrouille pour imposer à l'entourage de ne pas parler avec la victime.

M. François Pillet . - Je rejoins totalement Mme Tasca : à force de vouloir trop bien faire...

M. Alain Gournac . - ... nous allons mettre les femmes en difficulté !

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Au reste, c'est toujours un « acte » indirect, pour reprendre les mots de M. Anziani, ou un « propos » qui crée cet « environnement ». Dès lors qu'il y a acte ou propos, on peut désigner une responsabilité. Je suggère donc d'écrire : « des actes, des propos, des comportements qui, du fait de leur répétition, ont un caractère intimidant, dégradant, humiliant ou offensant. »

M. François Pillet . - Cela résout bien l'équation !

M. Alain Anziani . - Manquent l'atteinte à la dignité et, surtout, le cas de l'acte indirect.

M. Philippe Kaltenbach . - La formule « du fait de » prête à confusion, mieux vaut la supprimer.

Mme Catherine Tasca . - Pourquoi ne pas dire, simplement, que ces actes sont intimidants, dégradants, humiliants ou offensants ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin , présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes . - La notion de « caractère » donne satisfaction...

M. Jean-Pierre Sueur , président . - ...aux partisans du terme « environnement ».

M. Philippe Kaltenbach . - Il faudrait ajouter que ces actes, propos et comportements sont à connotation sexuelle, sans quoi on en reste au harcèlement moral.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Pourquoi pas ? Cela dit, je reviens sur la « connotation », que les linguistes distinguent de la « dénotation ». La connotation, c'est tout ce qui est autour. On est dans le vague ; or la dimension sexuelle de l'affaire est souvent plus que suggérée.

Mme Annie David , présidente de la commission des affaires sociales . - Le mot « connotation » convient au procureur de la République de Paris.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Certes. Pour rasséréner tous les intervenants, je propose : « des actes, des propos, des comportements répétés à connotation sexuelle qui, directement ou indirectement, ont un caractère intimidant, dégradant, humiliant ou offensant ou qui portent atteinte à la dignité de la personne. »

Mme Christiane Demontès . - Ce qui est « intimidant, dégradant, humiliant ou offensant », par définition, porte atteinte à la dignité de la personne. Attention à la redondance, nous ont dit les magistrats.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - J'ai entendu, moi aussi, les magistrats. Cependant, le terme de dignité est fort ; il est plus fort que les autres. Regardez les procès : les victimes ont véritablement le sentiment que l'on a attenté à leur dignité.

Mme Christiane Demontès . - Dans ce cas, passons-nous des qualificatifs.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - La directive les mentionne, il est préférable de les retenir.

Mme Françoise Cartron . - D'autant que ce n'est pas redondant : l'atteinte à la dignité est la conséquence de l'acte, du propos ou du comportement.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Donc nous serions d'accord pour la formulation : « des actes, des propos, des comportements répétés à connotation sexuelle qui, directement ou indirectement, ont un caractère intimidant, dégradant, humiliant ou offensant ou qui portent atteinte à la dignité de la personne ».

Faut-il qualifier le refus de la victime ? Le groupe refuse la formule « comportements non désirés », présente dans le texte de la directive du fait d'une traduction inadaptée, considérant qu'elle nous place sur un terrain beaucoup trop subjectif. Que choisir : « mis en oeuvre contre le gré », « imposés », « non consentis » ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin , présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes . - Ne risque-t-on pas d'obliger la victime à démontrer qu'elle a expressément manifesté son refus ? Une telle preuve sera souvent très difficile à apporter.

Mme Marie-Thérèse Bruguière . - Je préfère parler de comportements « imposés ». C'est la formulation la plus objective, grâce à laquelle la victime n'aura pas à prouver son refus.

M. Jean-Pierre Godefroy . - Je n'y suis pas opposé mais je préfère l'expression « non consentis ». Elle a l'avantage d'être utilisée dans le code pénal, notamment pour le viol. Et puis, les personnes pourront déclencher une procédure dès lors qu'elles n'ont pas consenti à l'acte. Ce texte deviendra une arme pour les victimes.

M. Alain Anziani . - Ce débat sémantique est essentiel : attention de ne pas obliger à prouver le refus. Les victimes préfèrent, elles, parler de comportements « subis ».

Mme Catherine Tasca . - Dans tous les cas, le juge devra apprécier les faits. Il est donc préférable de renvoyer au comportement de l'auteur en choisissant l'adjectif « imposés ».

Mme Michelle Meunier . - Le harcèlement sexuel constitue le premier palier dans le continuum des violences faites aux femmes. Il serait plus adapté d'écrire que ces comportements sont « non consentis ».

M. Philippe Kaltenbach . - Mme Tasca a raison : il faut qualifier le comportement du harceleur, pas celui de la victime.

Mme Laurence Cohen . - Dans certains cas, les comportements ne sont ni subis ni imposés. Lorsqu'un calendrier avec des photomontages pornographiques est exposé, la victime est mise devant le fait accompli. On n'est jamais harcelé de son plein gré...

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Mes chers collègues, je crois que sur ce point, à part pour rejeter le terme « comportements non désirés », nous ne parviendrons pas à conclure aujourd'hui. Constatons que certains préfèreraient ne rien mettre dans le texte sur ce point et que les autres se partagent entre « imposés », « subis », « contre son gré », « non consentis ».

Nous en venons aux circonstances aggravantes : nous serons je crois tous d'accord sur l'abus d'autorité, le harcèlement en groupe, l'état de particulière vulnérabilité de la victime et le cas où la victime est mineure. Peut en revanche paraître plus problématique le cas, mentionné dans une proposition de loi, où le harcèlement sexuel est commis « sous la menace d'une arme ou d'un animal ».

Mme Annie David , présidente de la commission des affaires sociales . - Ce dernier cas relève clairement de l'agression sexuelle.

M. Philippe Kaltenbach . - L'idée est d'englober les affaires comme celle du restaurateur qui se promenait avec son molosse en faisant des plaisanteries salaces devant son personnel de service.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - La jurisprudence est assez large pour l'agression sexuelle. Restons-en aux quatre premières sur lesquelles l'accord est total.

Enfin, l'échelle des peines. Pour le harcèlement « simple », les auteurs des propositions de loi préconisent d'en rester au statu quo, soit un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende. Pour le harcèlement sexuel aggravé, tous proposent, comme l'AVFT le souhaite dès le harcèlement « simple », porter la peine à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende, soit le niveau du vol de portable.

M. Philippe Kaltenbach . - Cela suffit. Les peines de prison ferme sont rarement prononcées, le plus souvent l'amende est de 2 à 3 000 euros.

M. Alain Anziani . - De toute façon, on ne parle là que de peines plafond qui ne seront jamais prononcées. Le niveau auquel nous les fixons doit être considéré pour sa portée symbolique.

M. Jean-Pierre Sueur, président . - Donc nous serions d'accord pour en rester au statu quo s'agissant du harcèlement sexuel « simple » et pour porter la peine à trois ans de prison et 45 000 euros d'amende pour le harcèlement sexuel aggravé.

Mme Gisèle Printz . - Une dernière question : que peut-on faire pour les femmes qui n'ont pas vu leur plainte aboutir à cause de la décision du Conseil constitutionnel ?

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Leur avocat peut demander à requalifier les faits ; au tribunal de statuer ensuite. De notre côté, nous pouvons travailler vite et bien pour adopter la loi dès le début du mois de juillet afin que les nouvelles victimes puissent déposer plainte.

M. Philippe Kaltenbach . - Pour les anciennes, il ne faut pas dépasser le délai de prescription, qui est de trois ans.

M. Alain Anziani . - Pour la procédure parlementaire d'examen de ce texte, il faudrait une procédure accélérée.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - J'ai indiqué y être favorable à titre personnel. J'ai demandé et obtenu que nous entendions la ministre de la justice et la ministre des droits des femmes dès le 26 juin. La commission des lois désignera son rapporteur demain matin. Nous pourrions déclarer être prêts à délibérer sitôt faite la déclaration de politique générale. Dans ce cas précis, la procédure accélérée, à laquelle nous sommes habituellement opposés, se justifie : il y a vraiment urgence à adopter un texte et nous avons d'ores et déjà mené un travail approfondi. Nous pouvons faire savoir que le groupe de travail y est favorable.

Mme Laurence Cohen . - Est-il possible, juridiquement, d'allonger le délai de prescription d'un an à titre exceptionnel ?

M. Alain Anziani . - Cela paraît difficile. Une loi pénale plus dure ne saurait être appliquée de manière rétroactive, c'est un principe constant de notre droit pénal sur lequel veillent la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel. Pour ce qui est des faits commis jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, les victimes peuvent emprunter la voie civile : à défaut de sanction pénale, la responsabilité du harceleur pourra être établie et des dommages et intérêts être obtenus.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page