E. UNE POLITIQUE EXTÉRIEURE ACTIVE

La crise de 2001-2002 a induit une reformulation de la politique étrangère argentine, qui s'est fortement recentrée sur l'intégration régionale . L'Argentine accorde ainsi une attention particulière au Mercosur , dont elle est un des membres fondateurs avec le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay. Elle s'est donné pour priorité d'établir des liens de confiance avec ses principaux voisins : force militaire intégrée avec le Chili (« Cruz del Sur », dans le cadre des missions de paix sous mandat de l'ONU) à l'image de la brigade franco-allemande ; avec le Brésil, une coopération privilégiée s'est substituée à la rivalité traditionnelle, notamment dans le nucléaire civil (agence de contrôle et de comptabilisation des matériels nucléaires, créée en 1991). Mme Dilma Roussef a effectué en Argentine son premier déplacement hors de son pays, en février 2011, à l'occasion duquel plusieurs accords de coopération ont été signés. L'un prévoyait le lancement d'études en vue de la création en commun de deux réacteurs de recherche. Après trois ans, le conflit avec l'Uruguay, relatif à des usines de papeteries jugées polluantes installées sur la rive uruguayenne du fleuve frontalier a pris fin.

L'Argentine souhaite en outre oeuvrer en faveur de la stabilité de la région , comme en témoigne son engagement dans la Minustah (600 hommes), sa participation active aux efforts de l'UNASUR en 2008 pour désamorcer la crise interne en Bolivie , l'engagement personnel de la présidente en faveur du président du Honduras renversé par la junte militaire en juillet 2009 ou la convocation d'un sommet de chefs d'État à Bariloche en août 2009 pour apaiser les tensions entre le Venezuela et la Colombie, à la suite de l'installation de bases américaines en Colombie. Buenos Aires s'apprête à accueillir le nouveau Centre d'études stratégiques du Conseil de Défense de l'UNASUR.

Avec les États-Unis - dont l'Argentine était une alliée inconditionnelle sous la présidence de Carlos Menem - le mandat du président Nestor Kirchner s'est distingué par des prises de position particulièrement critiques (sommet des Amériques de Mar del Plata en 2005, où le gouvernement argentin a pris une part active à l'échec du projet de zone de libre-échange des Amériques souhaité par le président Bush. L'élection de Barack Obama (que Cristina Kirchner a rencontré à Washington en avril 2010) a permis de normaliser les relations entre les deux pays. La première tournée de M. Obama en Amérique latine, en mars 2011 (Chili, Salvador, Brésil) n'a pas inclus l'Argentine.

La présidente a montré sa volonté de reprendre des relations bilatérales fortes avec les pays européens , en particulier l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne et la France (où elle a accompli, de manière symbolique, son premier voyage sans son époux, alors qu'elle était encore Première dame, en février 2007). L'Argentine continue de revendiquer les « îles Malouines, Géorgie du sud et Sandwich du sud », inscrites dans le Traité de Lisbonne comme territoires d'outre-mer du Royaume-Uni.

Sur le dossier du Proche-Orient, l'Argentine entretient traditionnellement de bonnes relations avec Israël, mais a reconnu l'État palestinien en décembre 2010. Elle a condamné le programme nucléaire iranien.

Sur le plan multilatéral, l'Argentine est très attachée au respect du droit international et à la défense des droits de l'homme , comme en témoigne l'adoption en 2007 (et la ratification en décembre 2010) de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, qu'elle a promu avec la France. Entre 2002 et 2010, l'Argentine a fortement contesté la légitimité des institutions financières internationales, en particulier le Fonds monétaire international (FMI), et pris des positions de négociations parfois jugées radicales dans certaines enceintes internationales (Organisation mondiale du commerce (OMC) et Food and Agriculture Organization (FAO)). Au G20, l'Argentine souhaite faire entendre sa voix et défendre sa vision particulière des relations économiques internationales (vision sociale de l'économie en s'appuyant davantage sur l'Organisation internationale du travail (OIT), lutte contre les paradis fiscaux ; réforme des Institutions financières internationales (IFIs). Elle préside le G77 en 2011. Dans le cadre de la réforme des Nations unies, elle soutient le groupe « Unis pour le Consensus » emmené par le Royaume-Uni et l'Italie, défavorable à la création de nouveaux membres permanents.

1. Relations avec l'Union européenne

Le dialogue bilatéral Union européenne-Argentine repose sur l'accord cadre de coopération commerciale et économique de 1990. L'Argentine souhaiterait pouvoir bénéficier d'un accord dit « de dernière génération » qui inclurait désormais le dialogue politique et la libéralisation des échanges, mais l'Union européenne le réserve au Mercosur. D'une façon générale, les relations entre l'Union européenne et l'Argentine sont décrites par la Commission comme étant « bonnes, mais en dessous de leur potentiel ».

Les relations commerciales ont souffert du « défaut sélectif » argentin vis-à-vis de ses créanciers et du non-respect des décisions du Centre international de règlement des différends sur les investissements (CIRDI). L'Argentine s'est félicitée de la réouverture des négociations sur l'accord d'association Union européenne-Mercosur, décidée au sommet de Madrid.

Au plan de l'assistance financière, la Commission européenne a engagé sur la période 2007-2013 un total de 65 millions d'euros, dans les domaines suivants : éducation (32,9 %) ; amélioration de la compétitivité économique (35 %) ; renforcement des relations Union européenne-Argentine (32,1 %). En outre, l'Argentine bénéficie du programme communautaire de coopération avec le Mercosur (48 millions d'euros pour la période 2002-2006 et 50 millions d'euros pour 2007-2013), dont elle est l'un des quatre membres fondateurs.

2. La France et l'Argentine
a) Relations économiques et commerciales

Nos entreprises ont été affectées par la crise de 2001-2002 : la dévaluation et le gel des tarifs ont remis en cause des plans d'investissement ambitieux de long terme qui avaient été décidés avant la crise, dans un cadre monétaire stable (parité peso/dollar). Après avoir envisagé de renégocier leurs contrats, plusieurs groupes ont sollicité l'arbitrage international (l'Argentine a été définitivement condamnée par le CIRDI à verser 200 millions d'euros à Vivendi en août 2010 et une dizaine de contentieux sont en instance. Dans certains cas peu nombreux, nos entreprises ont cessé leurs activités en Argentine (groupes bancaires ; Suez).

La France demeure un des premiers investisseurs étrangers en Argentine, quelque 200 groupes français sont implantés ou représentés. La présence française est significative dans plusieurs secteurs : l'agroalimentaire (Danone, Lesaffre, Louis Dreyfus), l'automobile (PSA Peugeot Citroën, Renault), la production d'hydrocarbures (Total), la distribution (Carrefour, Casino), le tourisme et l'hôtellerie (Accor), la santé (Sanofi Aventis, Servier...), les cosmétiques (L'Oréal, Pierre Fabre), les transports (Alstom). Elle représente 65 000 emplois directs. La résolution en cours des dettes privées (« hold outs ») et publique (Club de Paris) devraient rétablir l'accès au crédit pour l'Argentine et entraîner une reprise de nos investissements.

Quatrième débouché pour nos exportations en Amérique latine en 2009, l'Argentine a absorbé 8,7 % de nos ventes dans cette région, derrière le Brésil (32,4 %), le Mexique (17,2) et la Colombie (11,1 %). Elle est notre quatrième partenaire commercial en Amérique latine et contribue à 7,9 % de notre courant d'échanges avec cette zone . La France est le deuxième fournisseur européen de l'Argentine, derrière l'Allemagne, et elle conserve un solde excédentaire dans ses échanges avec ce pays.

b) La coopération scientifique

L'Argentine dispose de 43 000 chercheurs de qualité dans des domaines tels que la médecine, la physique (dont la physique nucléaire), la biologie, les mathématiques, les sciences humaines et sociales.

La coopération scientifique a connu une forte accélération qui fait de la France le premier partenaire institutionnel de l'Argentine. Elle s'est structurée autour de partenariats solides, notamment avec les grands organismes de recherche français , très intéressés par une collaboration forte avec ce pays.

(1) Le centre franco-argentin des hautes études de l'université de Buenos Aires (CFA)

Créé en 1997 et implanté au sein de l'université de Buenos Aires (UBA), le CFA est le principal outil de coopération dans le domaine des sciences humaines et sociales dans le cône sud. Aujourd'hui, le CFA est aussi implanté en province, à l'Université de Cordoba et de Mendoza.

L'institut a principalement vocation à former des doctorants à travers la mise en place d'un programme de coopération académique et scientifique (19 écoles doctorales, 9 conduites par le CFA de Buenos Aires en partenariat avec l'École des Hautes études en sciences sociales, 5 par le CFA de Cordoba et 5 par celui de Mendoza : séminaires, cotutelles de thèses de doctorat, conférences, colloques, publications, ...).

Sur le plan opérationnel, le CFA est géré par une coprésidence (Recteur de l'UBA et Ambassadeur) et des comités spécialisés. Il dispose de deux codirecteurs français et argentin.

Sur le plan budgétaire, le CFA reçoit du département une subvention de fonctionnement (en 2011 : 28 500 euros pour les trois CFA) ainsi que des billets d'avion. L'UBA met à sa disposition des locaux et une secrétaire permanente. L'EHESS finance les voyages de ses intervenants et l'accueil de chercheurs argentins pour une durée de deux mois en France.

Le CFA doit désormais mieux s'insérer dans le réseau des instituts français de recherche à l'étranger, en Amérique latine, et dans le tissu social des sciences humaines et sociales (SHS) dans les pays du cône sud.

(2) Le programme « Évaluation Orientation de la Coopération scientifique » (ECOS)

Créé en 1997 dans le cadre d'un arrangement issu de l'accord de coopération technique et scientifique du 3 octobre 1964, le programme ECOS permet de financer chaque année une cinquantaine de projets de recherche d'une durée de trois ans. Un comité mixte se réunit annuellement afin de sélectionner les meilleurs projets recueillis à l'issue d'un appel à propositions, ouvert à toutes les disciplines. La qualité scientifique des projets, leur intérêt et leur caractère innovant sont des critères de sélection. La participation de jeunes chercheurs aux équipes de recherche est devenue déterminante.

En 2010, 75 missions de chercheurs français en Argentine et 83 missions de chercheurs argentins en France ont été réalisées .

Depuis l'origine, 1 092 projets ont été soumis par des équipes de recherche françaises et argentines et 241 projets financés . L'ensemble des universités argentines y participent.

Des projets tripartites peuvent être retenus. Deux projets France-Argentine-Chili, l'un en sciences de l'univers, l'autre en sciences exactes ont été réalisés. Dans le domaine des sciences humaines et sociales, deux projets sont en cours, l'un avec l'Uruguay, l'autre avec le Mexique.

Le dernier comité s'est tenu en septembre 2010 à Paris. 17 nouveaux projets ont été sélectionnés.

Le programme ECOS Nord et Sud a été évalué en 2007. Sa pertinence et son efficacité en ont fait un label de qualité. Les crédits affectés à ce programme représentent un budget de 200 000 € dans l'enveloppe du poste.

(3) Les programmes régionaux

Le programme régional « STIC-AMSUD » est une initiative française visant à renforcer la coopération régionale dans le domaine des sciences et technologies de l'information et de la communication avec l'Amérique latine. L'Argentine, le Brésil, le Chili, l'Uruguay, le Paraguay et le Pérou y participent. Des laboratoires d'au moins deux pays sud-américains doivent être intégrés aux projets de recherche cofinancés du côté français par le CNRS, l'INRIA, l'Institut Telecom. 5 sur 16 font intervenir des équipes argentines.

Un programme similaire dans le domaine des mathématiques « MathsAmsud » a été lancé en 2007. Sur 9 projets en cours, 5 impliquent des équipes argentines.

(4) Les grands organismes de recherche

Tous les grands organismes de recherche français, CNRS, INRIA, INSERM, CEA et CNES ont signé des accords de coopération avec leurs homologues argentins. Leur présence tend à se renforcer.

Dans le cadre de l'accord signé entre le CNRS et le Conseil national de recherche scientifique et technique (CONICET), renouvelé en 2007, une quinzaine de projets conjoints sont cofinancés. Ils permettent la réalisation d'environ 225 missions de chercheurs français en Argentine chaque année.

62 doctorants et 22 post-doctorants argentins sont accueillis dans des laboratoires du CNRS.

L'inauguration en novembre 2005 de l'Observatoire Pierre Auger, groupement de recherche international (GDRI) sur l'étude des rayons cosmiques (au sud de la province de Mendoza) a marqué une étape importante de la coopération. L'Argentine participe également au réseau « Gouvernance et accès à l'eau dans les Amériques ».

D'importants projets ont abouti :

- laboratoire international associé en nanosciences,

- laboratoire international associé en physique et mécanique des fluides,

- laboratoire international associé pour le développement des vecteurs,

- laboratoire international associé de neurotropes pour l'étude de la neuroplasticité et de la mémoire,

- unité mixte internationale dans le domaine de l'étude du climat et de ses impacts.

Par ailleurs, un projet de centre franco-argentin de modélisation et de simulation situé dans le nouveau pôle scientifique et technologique de Palermo (quartier de Buenos Aires) est en cours de négociation.

Un programme de mobilité de jeunes chercheurs « Bernardo Houssay » destiné aux post-doctorants des deux pays a été lancé en 2009. Il vise à renforcer les partenariats entre les deux pays.

À l'issue du dernier sommet réunissant l'Union européenne et l'Amérique latine et les Caraïbes (Madrid 18 mai 2010), l'Argentine s'est ainsi naturellement positionnée comme chef de file de la composante « science et innovation » du « Plan d'action de Madrid » .

(5) Formation des futures élites et accompagnement du développement scientifique

Des partenariats importants et anciens ont été noués avec l'Argentine : création, en 2008, d'un Centre pour les études en France (CEF) ; présence de 750 étudiants argentins dans les établissements d'enseignement supérieurs français (3 e pays d'accueil) ; présence de nombreux chercheurs français détachés (IRD, INSERM, CIRAD, CNRS) ; création en 2008 du programme ARFITEC (Argentine France Ingénierie Technologie) destiné à développer les échanges d'étudiants ingénieurs (200 étudiants en 2 ans); appui à l'élargissement de réseaux transdisciplinaires et transnationaux en harmonie avec l'action de la coopération régionale (programmes STIC-AMSUD, MATH-AMSUD, PREFALC, ECOS) ; création en 1997 du Centre franco-argentin (CFA) de l'Université de Buenos Aires (créé pour développer la présence et l'influence des sciences humaines et sociales françaises) et ouverture en 2008/2009 de deux autres centres équivalents au sein des universités de Cordoba et de Mendoza ; création en 2009 d'un nouveau programme de bourses cofinancées de niveau post-doc ; création en 2010 d'un « centre sur le Climat », en partenariat avec le CNRS, et de trois LIA (en nanosciences ; physique et mécanique des fluides).

(6) Appui à la Gouvernance et au développement durable

De nombreuses actions sont développées relatives à la formation des cadres de la fonction publique et des personnels de la police et des douanes ; au domaine de l'éducation et de la santé (en liaison avec le programme communautaire EUROSOCIAL) et au domaine de l'environnement (en coordination avec le Fonds français pour l'environnement mondial).

Notre coopération s'oriente autour de cinq axes :

Le programme institutionnel

Le suivi du dialogue institutionnel vise, d'une part, à répondre aux demandes d'expertise de la partie argentine et, d'autre part, à poursuivre le rapprochement et la coopération entre les différentes conférences : CPU et CDEFI françaises, CIN (Conseil interuniversitaire national) et CONFEDI (Conférence des doyens des facultés d'ingénierie). Concrètement, ce dialogue s'est poursuivi dans le cadre de la manifestation EUROPOSGRADOS organisée à Buenos Aires les 14 et 15 avril 2011 avec nos principaux partenaires européens (Espagne, Allemagne, Italie, Royaume-Uni) et la Délégation de l'Union européenne en Argentine. Au-delà d'un salon universitaire traditionnel et d'une tournée en province, cette manifestation se veut lieu de rencontres et de dialogue entre les autorités institutionnelles et académiques du monde universitaire européen et argentin.

Les programmes de bourses

Au total, ce sont une centaine de boursiers argentins qui étudient en France en 2010-2011 au niveau Licence-Master-Doctorat-Post-doctorat.

CampusFrance Argentine

Depuis 2008, le poste diplomatique dispose d'un outil supplémentaire avec l'ouverture de CampusFrance Argentine dans les locaux du SCAC.

Le programme de formation d'ingénieurs (ARFITEC)

Le programme ARFITEC (Argentine-France Ingénierie-Technologie), programme phare de la coopération universitaire franco-argentine, a pour vocation de créer et de consolider des partenariats durables entre les établissements d'enseignement supérieur français et argentins responsables de la formation des ingénieurs. 12 programmes étaient en fonctionnement depuis 2008 et 19 projets liant des réseaux argentins d'universités et des réseaux d'écoles d'ingénieur françaises ont été sélectionnés pour les années 2011-2012. La mobilité est d'environ 75 étudiants et enseignants par année dans chaque direction.

La coopération en sciences humaines et sociales

Le Centre franco-argentin (CFA) de l'Université de Buenos Aires (UBA) est devenu en 10 ans un pôle régional de référence pour les sciences humaines et sociales. Véritable outil de coopération, codirigé par un directeur argentin et un directeur français, il remplit plusieurs fonctions :

- participer à la formation des étudiants en master et doctorat (organisation de séminaires, cotutelles) ;

- favoriser le débat d'idées entre la France et l'Argentine ;

- assurer la promotion de la recherche française en sciences humaines et sociales ;

- et devenir progressivement la tête d'un réseau franco-sud américain en sciences humaines et sociales.

Au CFA de l'UBA viennent s'ajouter le Centre franco-argentin de l'Université nationale de Cordoba, et l'Institut franco-argentin de l'Université nationale de Cuyo créés par des accords entre l'Ambassade de France en Argentine et ces deux universités nationales prestigieuses implantées dans deux des régions les plus dynamiques de la province argentine (Córdoba et Mendoza). L'objectif principal est de renforcer la coopération universitaire et scientifique avec le système universitaire français, principalement au travers de la participation de professeurs invités dans des activités d'enseignement et de recherche.

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