CONTRIBUTION DE M. DANIEL PAUL, DÉPUTÉ

Nucléaire : redonner confiance.

Fukushima a provoqué une immense émotion. Elle est légitime. Il nous faut donc tirer tous les enseignements de ce qui s'est passé au Japon, comprendre les conséquences d'un enchaînement d'évènements majeurs et mettre en oeuvre les réponses appropriées ici, en France. Il nous faut même sans doute aller plus loin, car le poids de notre filière nucléaire dans la production de notre électricité, comme dans notre industrie, exige de notre pays des assurances fortes, propres à améliorer encore les conditions de fonctionnement de nos sites nucléaires et en particulier des centrales et à redonner à nos concitoyens une confiance qui, à l'évidence, s'est émoussée.

Cela passe sans doute par un large débat public qui donne à voir l'ensemble des éléments constitutifs d'une politique énergétique, dont les objectifs sont de fournir de l'énergie pour répondre aux besoins économiques et sociaux, à un coût abordable, tout en réduisant de manière drastique nos émissions de C02. Et cela, dans un contexte qui a beaucoup évolué depuis les années 70.

Comment ignorer l'exigence de transparence et de concertation ? L'expérience accumulée par les CLI et les CLIS montre pourtant combien on gagnerait à diffuser largement les éléments d'information propres à permettre une réflexion responsable. De même, on gagnerait à associer les salariés aux décisions qui les concernent.

Comment sous-estimer les effets de la libéralisation du secteur énergétique, l'ouverture à la concurrence et les objectifs de rentabilité financière d'un ancien opérateur historique, devenu un groupe mondialisé, « membre » du CAC 40 ? Il y a une vraie contradiction entre la recherche de réduction des coûts pour augmenter les dividendes des actionnaires et la mise en oeuvre d'une politique industrielle de long terme, au service de l'intérêt général, garantissant un haut niveau de sécurité pour les salariés et les citoyens.

C'est pourquoi les députés communistes se sont totalement opposés aux politiques qui ont mené à la libéralisation du secteur de l'énergie, à la privatisation de GDF et à son absorption par Suez, à l'ouverture du capital d'EDF, à la loi NOME. Autant de décisions qui, avec celles qui affectent Areva, autre acteur majeur du nucléaire, n'ont pas contribué à raffermir, dans l'opinion publique, l'idée que le nucléaire français échappait totalement à l'emprise de la rentabilité financière. Et pourtant, c'est là un des piliers du soutien de nos concitoyens à la filière nucléaire.

Il convient, évidemment, d'apprécier le souhait, inscrit dans le rapport, que l'Etat ait une maîtrise complète des entreprises de la filière nucléaire et que cette dernière soit dégagée de l'exigence de concurrence imposée dans le secteur de l'énergie par les traités. Pour autant, les députés communistes sont attachés à l'idée, non seulement d'une maîtrise publique de l'énergie , avec la constitution d'un pôle public, autour d'EDF à 100% publique et l 'engagement que le nucléaire ne sera jamais ouvert à la concurrence dans notre pays . Nous proposons aussi que la France porte ces mêmes exigences au niveau européen, tant les mêmes garanties sont justifiées à l'échelle de notre continent.

Le rapport met fort justement en évidence l'attention à apporter aux cumuls de difficultés, telles qu'apparues à Fukushima, à l'effet domino dans le cas de centrales proches de sites industriels, à la disponibilité des dispositifs de secours et d'alimentation électrique pour les centrales situées en bord de mer. A cet égard, il serait sans doute souhaitable d' examiner les conséquences de pollutions marines, de type marée noire ... Il souligne aussi la nécessité de prendre en compte l'hypothèse d'accidents et de rejets sur une longue durée dans la gestion de la crise. Je partage aussi l'importance accordée à la recherche universitaire, à la formation des personnels, comme la demande de mise en place d'une « force de réaction rapide » disposant en permanence de moyens et capable d'intervenir partout dans des délais de quelques heures...

Tous les syndicats ont mis en avant la question de la sous-traitance. Le rapport en fait une question importante en souhaitant, en tête de ses conclusions, que « les conditions de la sous-traitance soient gérées de façon plus sûre ».

C'est une question centrale. Son développement actuel, conséquence de la libéralisation du secteur, nourrit l'idée que, finalement, le nucléaire est une activité comme les autres ! On peut y voir, comme ailleurs, la sous-traitance en cascade, des incidents non déclarés, des responsabilités difficiles à déterminer,... Les reportages sur les « nomades » du nucléaire et les témoignages recueillis lors des visites de centrales et d'un site comme « la Hague » sont éloquents.

Il ne saurait être question de laisser se développer ce recours à la sous-traitance. Le rapport propo se de  systématiser le mieux-disant en France comme en Europe. Cette préconisation serait sans doute un progrès, mais elle n'en serait pas moins insuffisante. Elle laisserait en effet entière la possibilité de voir se développer un système qui ne garantirait pas suffisamment, pour chaque intervenant, la connaissance et l'expérience de chaque installation, alors que de nombreux acteurs nous ont dit l'importance de ces éléments.

Les métiers du nucléaire ne sont pas des métiers comme les autres. Les sites d'intervention justifient une connaissance de la part de tous les intervenants, dont on nous a dit qu'ils sont tous co-responsables de la sécurité. Alors, ne permettons pas au coût du travail de peser sur la sécurité : « on ne négocie pas avec la sécurité d'une centrale ». L'Etat doit, à ce sujet, favoriser l'ouverture de négociations avec les organisations syndicales.

Après ce 1 er rapport, la réflexion va se poursuivre. Mon abstention, à l'issue de cette 1 ère étape, a pour but de nourrir cette réflexion et les débats nécessaires, afin que soient prises les décisions permettant à la filière nucléaire de regagner la confiance dont elle a besoin.

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