CONTRIBUTIONS
CONTRIBUTION DE MME MARIE-CHRISTINE BLANDIN, SÉNATRICE
L'OPECST est au coeur de son rôle dans cette mission d'évaluation de la sécurité d'une filière technologique. Et le travail a été conséquent. Cependant les rapporteurs ont préempté la seconde partie du rapport (l'avenir de la filière) en proposant de la conforter par des aménagements, ainsi que d'y investir massivement (sécurité et recherche).
Le document de recommandations remis sur table s'inscrit dans cette logique. Il appelle quelques remarques :
- demander une « étude » sur la sous-traitance est trop peu ambitieux (l'étude sur une instance de garantie de l'expertise, votée en Grenelle I, par exemple, n'a toujours pas vu le jour) ;
- demander un correspondant référent de la médecine du travail est une bonne chose... mais un amendement le demandant dans un débat législatif a été repoussé par le Gouvernement ;
- permettre aux CLIS de recevoir le financement prévu par la loi et leur donner accès aux moyens de l'ANR, comme l'a dit Christian Bataille est juste... mais ne figure pas dans le rapport (p. 107).
Le rapport lui-même mérite les remarques suivantes :
L'investigation menée par les rapporteurs au travers de nombreuses visites et auditions publiques se traduit par des constats et recommandations qui montrent des failles dans la sécurité du parc nucléaire. Pour exemples :
- la recommandation de monter d'un cran la sécurité est vertueuse... mais elle donne acte de l'insuffisance actuelle ;
- la demande de transparence d'EDF et de l'ASN est louable (radier de Fessenheim, p. 21), mais elle donne acte de l'opacité actuelle ;
Des problèmes sont bien repérés :
- Comurhex 1 ne résiste pas à un séisme de 5,5 (p. 21) ;
- Gravelines n'a pas anticipé un tsunami consécutif à un glissement de terrain (p. 25) ;
- le radier de Fessenheim est trop fin (p. 21) ;
- les dérives de la sous-traitance (en cascade et suivi médical trop aléatoire) ;
- les périmètres insuffisants des PPI (Plans Particuliers d'Intervention) (p. 93) ;
- les problèmes des effets cumulés ;
- le laxisme dans l'urbanisation périphérique (p. 92) ;
- la mobilisation insuffisamment orchestrée des secours mobiles (p. 80) ;
- les dispositifs de secours en bord de mer (p. 25) ;
- s'il y a alerte sismique, cela ne déclenche pas l'arrêt automatique (p. 31) ;
Des points sont insuffisamment développés :
- les problèmes spécifiques aux piscines (audition des experts du 29/07/2011) ;
- oubli du « cas » Superphenix ;
- sous dimensionnement du dispositif anti marée noire de Gravelines ;
- modélisation inexistante des effets de crues et des contournements de fin de digue.
Enfin, des risques majeurs liés à la filière hors des centrales ne sont pas abordés :
- transport en mer ;
- transports terrestres ;
- circuit du minerai aux déchets, ou à l'export ;
- effets dans la durée sur l'environnement devenu incompatible avec les activités humaines ;
- gestion de crise à une semaine + n.
Face à ces manques, certaines considérations semblent trop optimistes :
- p. 123 : une France qui serait «la plus transparente» alors que ni le PNGMDR ni l'ASN n'avaient mentionné les tonnes d'uranium stockées en Sibérie ;
- p. 15, ligne 4 : « une gestion parfaitement rigoureuse » alors que la presse fait état de fuites alarmantes (Penly et Paluel) ;
- p. 15 dernier § : « l'existence de risques majeurs est prise en compte dès le choix d'implantation » est une phrase abusive quand on voit :
? le niveau de Gravelines, par rapport à celui de la mer ;
? Tricastin en plaine alluviale inondable... au point que Georges Besse 2 a été surélevé ;
- p.49 : « les progrès continus de la transparence » alors qu'il a fallu sortir une carte IGN pour faire dire à Areva les cotes comparées du canal d'alimentation et des installations (Tricastin) ; alors qu'il a fallu questionner avec insistance pour découvrir le projet de 80cm de béton pour épaissir le radier de Fessenheim.
En conséquence, ce rapport apparaît non exhaustif et d'un parti-pris indulgent. En plus des points ci-dessus évoqués, il aurait été souhaitable que le rapport préconise :
- une position plus radicale sur la sous-traitance : interdiction sauf dérogation ;
- une exigence de scénarios de gestion de crise dépassant les premiers jours.
Aussi, je ne peux le voter.