B. DE RARES DIFFICULTÉS JURIDIQUES, LEVÉES EN 2006
1. L'imputation, sur sa part successorale, des libéralités antérieurement consentie au conjoint
Cette question n'a fait l'objet d'aucune disposition spécifique en 2001, alors qu'antérieurement, la règle était celle de l'imputation sur sa part successorale des libéralités reçues par le conjoint survivant. Ce qu'il avait reçu de son vivant venait ainsi en diminution de ce qu'il était appelé à recevoir au décès de son conjoint. Cette règle préservait la réserve des enfants, puisque le conjoint survivant ne pouvait ainsi cumuler la part qui lui revenait au titre de sa vocation successorale légale avec des libéralités antérieures, si le montant total dépassait ce dont le défunt aurait pu disposer, en dehors de la réserve.
Dans le silence de la loi, la doctrine a été divisée, et le législateur est intervenu dans la loi du 23 juin 2006 pour rétablir cette règle antérieure à l'article 758-6 du code civil, ce qui correspondait à l'interprétation dominante de la doctrine.
La Cour de cassation a tiré de ce rétablissement la conséquence qu'entre la date de prise d'effet de la loi du 3 décembre 2001 et celle de la loi du 23 juin 2006, le législateur avait implicitement entendu supprimer la règle de l'imputation des libéralités reçues par le conjoint sur ses droits successoraux 19 ( * ) . Les successions ouvertes dans cette période sont ainsi réputées ne pas être soumises à cette règle, qui s'applique en revanche pour les successions ouvertes avant ou après. En revanche, lorsque la libéralité consentie remonte à une période antérieure à 2001, la Cour de cassation estime que le juge du fond doit apprécier au cas par cas si le testateur a entendu ou non soumettre sa donation au régime de la loi nouvelle 20 ( * ) . Il en résulte un désordre juridique limité, qui constitue la seule véritable difficulté créée par la loi de 2001.
2. Le cantonnement
La pratique a montré que la rigidité de la triple option ouverte au défunt pour doter spécialement son conjoint aboutissait parfois à des résultats inopportuns.
Aux termes de l'article 1094-1 du code civil, en présence de descendants, l'époux peut disposer en faveur de son conjoint soit de la quotité disponible, soit d'un quart de ses biens en propriété et des trois quarts en usufruit, soit de la totalité de ses biens en usufruit (il s'agit là d'une dévolution successorale testamentaire et non de la dévolution légale).
Or, notamment lorsque les enfants sont communs, il arrive que le choix, par exemple de la totalité en usufruit soit plus contraignant qu'opportun parce que cet usufruit dépasse très largement les besoins du conjoint, qui souhaiterait plutôt que ses enfants soient dotés d'une pleine propriété. Il ne peut être remédié à cette solution de manière neutre par une donation d'usufruit, puisque celle-ci est fiscalement imposable.
C'est pourquoi, la loi de 2006 a prévu la possibilité pour le conjoint de cantonner son émolument (c'est-à-dire ce qu'il reçoit de la succession) à ce qui lui semble nécessaire, au bénéfice des autres successibles. Ainsi, plutôt que de recevoir une masse de bien équivalente à la quotité disponible, à un quart en propriété et le reste en usufruit ou à la totalité de l'usufruit, il peut choisir de n'en recevoir qu'une portion. Il s'agit là, pour Me Jacques Combret, représentant du CSN, d'une disposition heureuse qui permet au parent survivant d'aider les enfants du couple.
* 19 Avis de la Cour de cassation du 26 septembre 2006 (n° 00-60.009, Bull. n° 8).
* 20 Civ. 1 ère , 4 juin 2009, n° 08-15.799, Bull. civ. I , n° 122.