II. L'EXEMPLE HEUREUX D'UNE LOI QUI A PLEINEMENT SATISFAIT SON OBJECTIF
A. L'AMÉLIORATION DE LA SITUATION DES CONJOINTS SURVIVANTS
1. Un constat unanime
Appréhender l'impact de la réforme intervenue en 2001 n'est pas chose aisée. La matière successorale se prête mal aux statistiques : chaque succession est un cas particulier qui ne s'agrège pas aux autres.
Ni le conseil supérieur du notariat (CSN), ni la direction des affaires civiles et du Sceau (DACS) du ministère de la justice n'ont pu fournir à vos rapporteurs de données statistiques agrégées sur la situation des conjoints survivants après la succession ou sur la pratique suivie en matière d'organisation de successions incluant un conjoint survivant. On ne connaît ainsi pas le nombre de successions ab intestat ou avec testament, incluant ou non des enfants d'un autre lit, ni la part des conjoints survivants optant pour l'usufruit ou la pleine propriété lorsque l'option leur est offerte, ni encore la pratique des donations entre époux, etc.
À l'inverse, l'absence d'alerte ou de contestation semble indiquer que la loi ne suscite ni mécontentement ni contentieux particulier. M. Laurent Vallée, directeur des affaires civiles et du Sceau, a ainsi indiqué à vos rapporteurs que ses services n'avaient été destinataires d'aucune plainte particulière ni reçu aucune alerte sur l'application de la loi du 3 décembre 2001, laquelle n'avait, en dehors de la question de l'imputation des libéralités consenties au conjoint, posé que très peu de difficulté aux tribunaux. Il a aussi noté qu'aucun parlementaire n'avait saisi le ministre de problèmes ou de difficultés liées à la mise en oeuvre de la loi précitée.
À défaut d'une appréhension statistique du phénomène, vos rapporteurs ont interrogé les professionnels et les représentants des intérêts des familles, afin qu'ils leur indiquent quelle appréciation ils portaient sur cette législation.
Or, et le point est assez rare pour s'en féliciter, l'avis rendu par tous a été unanime : cette loi a été une bonne loi .
Pour reprendre les termes employés par les représentants du CSN, la loi de 2001 a été selon eux, bien conçue et favorable au conjoint survivant. Le texte a « bien collé à la pratique » et il n'a pas présenté de vices majeurs.
Mme Andrée Mengin, présidente de la fédération des associations de conjoints survivants (FAVEC) a dressé le même constat, regrettant toutefois que l'information relative aux droits de chacun ainsi qu'aux possibilités qu'ont les époux de préparer leur succession notamment par des donations au dernier vif ne fasse pas l'objet d'une diffusion plus importante.
M. le professeur Pierre Catala qui a joué un rôle éminent dans la préparation universitaire de la réforme des successions a observé que le conjoint survivant français était très bien défendu, puisqu'il bénéficie à la fois des droits successoraux étendus et des droits sur le logement que la loi du 3 décembre 2001 lui a reconnus et de transferts sociaux importants (pension de réversion, allocation vieillesse) 17 ( * ) . Il a estimé qu'un équilibre satisfaisant avait été atteint, compte tenu par ailleurs des options offertes par les régimes matrimoniaux.
Il a en particulier considéré que la situation du conjoint âgé et dépendant sans ressource avait été améliorée lorsqu'on lui a ouvert le droit de louer le logement dont il a l'usufruit pour financer son accueil dans des institutions.
Il a enfin noté que la loi avait été une « loi paisible » qui n'avait pas suscité beaucoup de contentieux, à l'exception de celui tranché par la loi du 23 juin 2006, relatif à l'imputation des libéralités faites au conjoint, ce que Mmes Dominique Bignon et Nathalie Auroy, conseillers à la Cour de cassation ont confirmé. La loi du 3 décembre 2001 ne lui a pas paru nécessiter d'autres modifications que des ajustements mineurs 18 ( * ) .
Ces auditions fournissent, à défaut d'une évaluation statistique, une évaluation qualitative très favorable de la loi relative aux droits du conjoint survivant. Vos rapporteurs constatent par ailleurs que la loi n'a suscité ni reproches ni critiques majeures de la part de la doctrine, des professionnels ou des représentants des familles. Les services de l'État n'ont pas été saisis de plaintes particulières, pas plus que les parlementaires. Interprétant ce silence paisible à la lumière de la satisfaction exprimée par ceux qui pratiquent quotidiennement le droit des successions, vos rapporteurs en concluent, pour s'en féliciter, que la loi du 3 décembre 2001 a su parfaitement remplir l'objectif qui lui était assigné et que les équilibres qu'elle a dessinés ont été bien adaptés à la vie et aux demandes des familles .
* 17 À quoi s'ajoute aujourd'hui l'exonération totale de droits de succession pour le conjoint ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité survivant, adoptée dans la loi dite TEPA (n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat).
* 18 Cf. infra.