XXVIII. AUDITION DE MM. FRANÇOIS PATRIAT, SÉNATEUR, PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL DE BOURGOGNE, YVES DAUDIGNY, SÉNATEUR, PRÉSIDENT DU CONSEIL GÉNÉRAL DE L'AISNE, YVES GOASDOUÉ, PRÉSIDENT DE LA COMMUNAUTÉ D'AGGLOMÉRATION DU PAYS DE FLERS ET BERNARD GRANIÉ, PRÉSIDENT DU SYNDICAT D'AGGLOMÉRATION NOUVELLE OUEST PROVENCE
M. Martial Bourquin , président . - Cette mission combine des auditions et des déplacements au coeur des territoires. Dans le rapport qui sera rendu public en février, nous nous efforcerons de rendre compte de ces réalités de terrain. En effet, si l'économie est l'affaire des entreprises et de l'Etat, elle est aussi celle des pouvoirs locaux. Ces derniers apportent des témoignages très éclairants, tant du point de vue du constat que de l'expérience des politiques mises en oeuvre.
M. Bernard Granié, président du syndicat d'agglomération nouvelle Ouest Provence . - Le syndicat d'agglomération nouvelle (SAN) Ouest Provence est composé de six communes, qui représentent au total 100 000 habitants. Nous bénéficions d'une zone industrielle et portuaire de 10 000 hectares, qui se trouve située sur deux communes : Fos-sur-Mer pour 7 000 hectares et Port-Saint-Louis-du-Rhône pour 3 000 hectares. La perte de 5 000 emplois enregistrée dans cette zone, en particulier dans le secteur sidérurgique, illustre le phénomène de désindustrialisation. L'impact budgétaire de la suppression de la taxe professionnelle constitue l'un des points principaux qui doit être souligné. La perte de ressources fiscales s'élève ainsi en 2010 à 74 % du produit enregistré en 2009. Si la compensation versée par l'Etat permet d'amortir ce choc en 2011, une grande incertitude existe pour les années ultérieures. Les débats au sein du Comité des finances locales (CFL) expriment cette inquiétude des élus locaux face aux perspectives de pertes de recettes.
En relation avec la région et le département, le SAN Ouest Provence réalise des projets d'investissement en faveur du développement industriel local. Cinq projets, totalisant 1,59 milliard d'euros d'investissement et 313 emplois, peuvent ainsi être mentionnés :
- un terminal méthanier, qui représente 750 millions d'euros d'investissement et 80 emplois ;
- un incinérateur de déchets ménagers, pour 450 millions d'euros d'investissement et 25 emplois ;
- un cogénérateur à gaz, pour 300 millions d'euros d'investissement et 58 emplois ;
- une plateforme logistique, pour 66 millions d'euros d'investissement et 120 emplois ;
- et, enfin, un broyeur de laitier, destiné à la fabrication de ciments, pour 28 millions d'euros d'investissement et 80 emplois.
Les réunions de concertation organisées dans le contexte de la réalisation de ces projets montrent que les élus locaux s'interrogent de plus en plus sur l'intérêt de telles implantations. En effet, celles-ci induisent des contraintes, voire des nuisances, tandis que les gains escomptés en termes de recettes fiscales sont très faibles. Ce constat pose le problème du lien entre industrie et territoires.
Par ailleurs, un projet de maillage autoroutier en cours de finalisation dans notre département, pour un coût de 320 millions d'euros, montre que la compétence de l'Etat en matière d'aménagement du territoire est parfois exercée sans grande cohérence. A cet égard, il convient de remarquer que l'Etat est l'unique décideur mais qu'il sollicite le concours financier des collectivités territoriales concernées. De même, il encourage la concentration de sites dangereux, classés Seveso, dans ces collectivités, ce qui accentue les inquiétudes des élus locaux quant à l'intérêt d'une réindustrialisation des sites.
M. Martial Bourquin , président . - Vous soulevez un problème important, surtout pour les territoires en reconversion, dans la mesure où la mobilisation des élus est nécessaire. De plus, vous avez mis en évidence la question spécifique de la baisse des recettes fiscales qui fait suite à la suppression de la taxe professionnelle. Cette contraction est, de surcroît, particulièrement avérée s'agissant des activités industrielles, or nous avons besoin d'un lien fort entre les élus et la dynamique économique.
M. Yves Goasdoué, président de la communauté d'agglomération du Pays de Flers . - La communauté d'agglomération du Pays de Flers se situe sous le seuil des 50 000 habitants mais bénéficie tout de même du statut de communauté d'agglomération. Elle est située dans l'ouest de l'Orne, dans une zone assez rurale de la région Basse-Normandie. Il s'agit tout de même du troisième bassin d'emplois après Caen et Cherbourg. Je souhaite apporter à la mission d'information mon expérience de conduite de projet industriel relative à l'entreprise Faurecia. Spécialisé dans la fabrication d'articulations et de sièges d'automobiles, riche d'une main-d'oeuvre qualifiée et d'une capacité significative en recherche et développement, cet établissement se répartissait sur trois anciens sites proches du centre ville de Flers. Les responsables de l'entreprise et les collectivités concernées, dont la communauté d'agglomération du Pays de Flers, ont fait le choix de réunir ces trois usines en un site unique, en partageant le coût de l'opération. Un syndicat mixte composé de la région, du département et de la communauté d'agglomération a ainsi été créé en 2005. En vue d'articuler cette activité industrielle avec une offre de formation adaptée, un campus universitaire a été installé à proximité immédiate. A côté des 50 millions d'euros dépensés par Faurecia, les collectivités territoriales ont apporté 27 millions d'euros d'investissement (19 millions à la charge de la région, 4 millions pour le département et 4 millions pour la communauté d'agglomération).
De manière générale, le succès d'une telle opération me paraît conditionné par un assentiment des organisations syndicales et par un travail « professionnel » des élus locaux auprès des grands groupes : ces derniers doivent, en effet, être traités avec respect mais sans angélisme, de manière à ce que leurs investissements soient toujours supérieurs aux investissements publics.
Le produit fiscal pour la communauté d'agglomération est de l'ordre de 8,2 millions d'euros par an, ce qui témoigne de l'intérêt somme toute limité de l'opération, surtout que Faurecia a supprimé une part significative de ses emplois sur le site depuis 2005. Des 1 800 emplois recensés il y a cinq ans, il ne reste ainsi que 1 400 emplois aujourd'hui. Ces réalités de terrain n'incitent pas les élus locaux à participer au développement industriel, pire, une vision strictement comptable les encouragerait même à se concentrer sur la promotion de l'habitat au détriment de la promotion de l'activité économique. Le Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) amortit le choc résultant de la suppression de la taxe professionnelle, mais l'absence de dynamisme des bases fiscales constitue un obstacle à la mobilisation des collectivités territoriales.
M. Martial Bourquin , président . - Ce témoignage nous confirme qu'il existe un problème réel de moyens financiers pour les collectivités territoriales. Et le manque de dynamisme de leurs ressources fiscales est préoccupant.
M. Alain Chatillon , rapporteur . - J'observe que la taxe foncière sur les entreprises (TFE) n'a pas été réévaluée depuis 1970. Il est urgent de réévaluer les bases d'au moins 10 ou 15 points. De même, les simulations relatives au produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) demeurent insuffisantes. Nous attendons beaucoup de la deuxième clause de revoyure prévue en juin 2011. Elle devra permettre la mise en place de dispositifs efficaces de péréquation horizontale.
M. Martial Bourquin , président . - Je souligne que ces préoccupations seront relayées dans les comptes rendus annexés au rapport de la mission d'information. Une attention particulière sera portée aux ressources des collectivités situées dans des régions industrielles ou en difficulté.
M. Alain Chatillon , rapporteur . - Les simulations disponibles montrent que les zones sinistrées par la désindustrialisation sont particulièrement frappées par la suppression de la taxe professionnelle. Comme le montre le rapport de la mission présidée par Bruno Durieux, cette réforme devrait être remise à plat. François Mitterrand lui-même avait qualifié la taxe professionnelle d'« impôt imbécile », car il pénalisait l'investissement.
M. François Patriat , président du conseil régional de Bourgogne . - Certes, François Mitterrand a critiqué la taxe professionnelle, mais c'est Jacques Chirac qui l'a créée en 1976 !
M. Yves Daudigny , président du conseil général de l'Aisne . - Le département de l'Aisne compte 550 000 habitants et 816 communes. Il se caractérise par la prédominance des activités agricoles avec les grandes plaines céréalières et la culture de la betterave auxquelles est naturellement associée la présence des industries agro-alimentaires (IAA). On note par ailleurs la présence d'industries lourdes telles que la métallurgie, la plasturgie, le textile ou encore l'industrie automobile plus récemment et les parfums.
L'industrie représente 18 % de l'emploi total, soit un pourcentage supérieur à la moyenne de l'ensemble des départements, ce qui explique que le taux de chômage soit particulièrement élevé, 14 %, soit trois points au-dessus de la moyenne nationale. En effet, avec 2 291 établissements industriels et 31 700 salariés, l'Aisne a été particulièrement touchée par la crise en 2009, notamment les entreprises de taille modeste mais aussi les plus grands groupes qui ont fortement recouru au chômage partiel. Les pertes d'emplois dans le secteur marchand ont touché 6 400 salariés, en particulier dans le secteur des biens intermédiaires, de la plasturgie et de l'automobile.
Pour faire face à la crise, nous avons mis en place un fonds de revitalisation ainsi que le prévoit la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, avec pour objectif de créer près de 1 500 emplois grâce à la signature de conventions assorties d'un financement d'environ 7 millions d'euros. Plusieurs entreprises sont concernées : Zehnder Group Vaux Andigny, Tereos, Nexans ou encore Saint-Louis Sucre. Parallèlement, nous avons mis en place en 2008 un fonds mutualisé alimenté à hauteur de 20 % par les apports des fonds de revitalisation, mais aussi par la contribution d'entreprises volontaires et par le remboursement des prêts et produits financiers générés par ce fonds. Il peut intervenir hors des bassins d'emploi couverts par les conventions de revitalisation, ce qui permet d'optimiser les financements mobilisés.
La Picardie a été également très touchée par le plan de restructuration de l'industrie sucrière puisque trois usines qui employaient 261 salariés permanents et 204 saisonniers ont fermé leurs portes, entraînant dans le même temps des pertes d'activité pour les agriculteurs spécialisés dans la culture de la betterave.
Pour faire face à cette situation, nous avons engagé plusieurs types d'actions au cours de l'année 2010, qui se poursuivront en 2011 :
- stimulation de l'innovation à travers le soutien accru des pôles de compétitivité (I-Trans dans le domaine de la recherche sur les métaux, les structures automobiles, la sécurité et l'informatique embarquée ; Up-Tex dans le domaine des textiles innovants et Industrie Agro-ressources, qui travaille sur les nouvelles molécules dans le domaine de la chimie, de la pharmacie et des cosmétiques mais aussi sur les bioénergies et les para-alimentaires, etc.) ;
- accompagnement des industries dans les marchés de niche (mécanique de précision, diversification industrielle) ;
- accélération de la transition de l'industrie vers l'éco-conception et l'éco-production ;
- amélioration de l'image de l'industrie pour attirer des jeunes et des cadres vers les nouveaux métiers ;
- accompagnement des nouvelles formes d'entreprenariat au travers des sociétés coopératives de production (Scop).
Aujourd'hui, notre souci est double : comment accompagner la mutation économique du département et surmonter les deux principaux obstacles que sont l'enclavement de notre département et l'absence de lien entre l'université, la recherche et les entreprises ?
S'agissant des transports, l'Aisne est trop longtemps restée à l'écart du développement des grands axes routiers et ferrés qui se sont créés. Nous avons un besoin urgent d'une liaison moderne avec la région parisienne et l'aéroport de Roissy. Il nous faut passer de l'ère de la diligence à celle des transports modernes sans quoi nous ne pourrons pas rivaliser avec l'Île-de-France pour attirer les entreprises dans nos territoires. Cette question est essentielle pour les territoires et je souhaite qu'elle soit largement abordée dans votre rapport.
M. François Patriat , président du conseil régional de Bourgogne . - En écoutant mes collègues, je me demande comment trouver la voie moyenne entre le désespoir et la béatitude. A première vue, la Bourgogne semble être une région privilégiée avec ses ressources viticoles et son patrimoine historique et naturel. Elle a également bénéficié du premier TGV de France qui assure toujours la liaison entre Montbard et Paris en moins d'une heure ; elle est également dotée d'un réseau autoroutier qui dessert très largement la Saône-et-Loire, la Côte-d'Or et la Nièvre, et pourtant elle figure parmi les quatre dernières régions s'agissant de la démographie. Malgré la présence du TGV à Montbard, les entreprises du pôle nucléaire ne parviennent pas à recruter.
S'agissant de l'impact de la réforme de la taxe professionnelle, les premières simulations montrent que les investissements sur les activités résidentielles vont l'emporter sur ceux orientés vers l'industrie. Ainsi, les collectivités territoriales qui se sont mobilisées pour accueillir sur leur territoire des industries vont être lésées. Il faudra apporter très rapidement des correctifs sur ce point.
Pour revenir à la Bourgogne, je tiens à souligner qu'elle occupe le sixième rang national en termes d'emplois industriels, ceux-ci représentant 25 % des emplois répartis dans 7 800 établissements. C'est la raison pour laquelle la région a été durement touchée par la crise avec près de 1 000 emplois perdus chaque mois depuis 2008 ! A titre d'exemple, la fermeture de Dim à Autun (1 000 emplois), de Kodak à Chalon-sur-Saône (1 200 emplois), de Thomson (1 500 emplois) ou encore de la fabrique de grues Potin (900 emplois)... Ces pertes de postes sont malheureusement irrémédiables et les efforts que nous déployons pour créer de nouveaux emplois dans les filières d'avenir ne permettront pas de les compenser. Ainsi, nous avons suscité la création de cinquante emplois dans le secteur photovoltaïque, soixante-dix emplois dans la chaufferie au bois, plusieurs dizaines dans l'éolien. Bref, au total, nous atteindrons à peine mille nouveaux emplois. J'observe d'ailleurs que ce sont davantage les petites entreprises de quarante à cinquante salariés qui portent la reprise mais elles sont fragiles et ne sont souvent pas en mesure d'exporter.
Nous avons néanmoins deux pôles de compétitivité qui marchent bien : Vitagora dans le domaine de l'agro-alimentaire et le pôle nucléaire, qui représente un fort potentiel de développement pour notre région et qui regroupe Areva et Vallourec. Autre fierté, la reconversion réussie de l'ancien site historique industriel du Creusot, qui a connu des heures difficiles dans les années 80 avec la fin des hauts fourneaux et la disparition du site de Schneider. La ville a su rebondir en pariant sur l'industrie et a finalement recréé plus d'emplois qu'avant 1984, grâce à la présence du site de production de l'EPR et d'Alstom.
Par ailleurs, je pense à l'exemple de Gewiss, dans le canton du Liernais, qui fabrique des chemins de câbles et que nous avons accompagné, suite à une catastrophe naturelle qui avait détruit l'entreprise et menaçait l'emploi de cent-vingt salariés. Sans le soutien du conseil régional et du conseil général, le groupe italien aurait renoncé à reconstruire une usine. C'est plus de 20 millions d'euros qui ont ainsi été investis pour recréer un centre d'excellence avec cent-cinquante salariés, les investisseurs italiens du groupe ayant souhaité conserver cette implantation pour préserver le savoir-faire local. Pourtant, le canton est très isolé des principaux axes de transports. C'est donc la qualité de la main-d'oeuvre qui a convaincu les propriétaires du groupe de maintenir le site.
Parallèlement à ces actions de sauvetage, nous avons également multiplié les initiatives en faveur du développement économique. Depuis 2008, le conseil régional a mis en place un plan de soutien à l'économie complété depuis par quatre séries de mesures :
- poursuite et intensification du soutien aux projets structurants et aux investissements créateurs d'emplois ;
- mise en place d'un plan régional de soutien aux entreprises et d'un plan d'accompagnement pour les salariés en difficulté de 23 millions d'euros ;
- réaffirmation du rôle moteur de l'innovation pour favoriser la sortie de crise ;
- soutien à l'émergence et à la structuration de nouvelles filières et de pôles de compétences.
Pour soutenir les projets structurants et les investissements créateurs d'emplois, nous avons mis en place une plateforme régionale de fonds propres en partenariat avec Oséo, la Caisse des dépôts et consignations, et les sociétés régionales de capital-risque et d'investissement ; des prêts « création-transmission » associé à un dispositif de suivi des créateurs ; un soutien et un accompagnement à l'export, 5 % seulement des entreprises bourguignonnes vendant leur production à l'étranger.
S'agissant du soutien aux entreprises en difficulté, nous avons instauré un prêt régional de soutien aux PME en complément de concours bancaires ; nous avons augmenté le montant du fonds de garantie de 31 millions à 51 millions d'euros ; nous avons institué un conseil stratégique pour l'innovation ainsi qu'un partenariat avec l'Institut national de la propriété intellectuelle (Inpi).
Pour les salariés, nous avons institué un fonds de mobilité pour la prise en charge des frais de déplacement liés à la formation et développé l'accompagnement financier des plans de restructuration au travers de prêts dédiés en complément de ceux accordés par l'Etat via le Fonds stratégique d'investissement (FSI).
Pour favoriser l'innovation, nous avons mis en oeuvre une série de mesures nouvelles pour stimuler la recherche et soutenir les entreprises dans leurs investissements de R&D. Cela se traduit en particulier par la création de pépinières technologiques ou de plateformes dédiées aux entreprises ; des projets structurants associant recherche publique et recherche privée ; des soutiens aux filières émergentes et aux jeunes créateurs avec l'institution d'une bourse permettant de financer les travaux de jeunes doctorants ayant un projet de création d'entreprise.
Ce qui me frappe le plus, c'est notre difficulté à trouver des ingénieurs ou des salariés qualifiés dans le domaine de l'industrie, alors que ces métiers offrent aux jeunes de réelles opportunités. Dans le domaine nucléaire par exemple, nous avons 300 emplois à pourvoir avec des salaires de départ de l'ordre de 1 600 à 1 800 euros et des progressions de carrière attractives.
M. Martial Bourquin , président. - Vos interventions confirment qu'il existe dans nos régions une véritable « intelligence territoriale », qu'il est fondamental de mobiliser. On observe que, dans tous les territoires, les élus se sont mobilisés aux côtés des services de l'Etat pour contrer la crise et faire preuve de réactivité. Certes, on ne retrouvera pas les emplois de l'industrie d'hier. Il faut effectivement développer les pistes de recherche de l'excellence dans les secteurs d'avenir en ciblant les efforts sur l'innovation, la recherche et l'enseignement supérieur.
Il y a deux types de territoires : ceux qui ont des ressources aux côtés de leurs industries, tels que la Bourgogne ; ceux qui, comme le département de l'Ain, sont dépendants des donneurs d'ordre et ne fonctionnent qu'avec les sous-traitants, qui subissent la crise. Il s'agit de faire le point territoire par territoire pour identifier les atouts et les faiblesses de chacun. La ville du Creusot est effectivement un exemple de reconversion industrielle exemplaire à retenir, tout comme le Territoire de Belfort.
M. Alain Chatillon , rapporteur . - Un des enjeux essentiels est d'orienter les capitaux vers l'industrie et vers l'emploi, même si ces investissements sont effectivement plus risqués que les placements financiers. L'effort doit être marqué en direction de la recherche et de la formation, de telle sorte que se constitue un maillage interrégional au travers des pôles de compétitivité.
Il faut également prendre en compte le cycle tendanciel de vie des industries et faire en sorte que les profits soient de préférence réinvestis dans l'innovation. Nous devons faire face à des nouveaux défis dans le domaine de la bioénergie et des nouveaux matériaux. Il faudra centrer notre énergie sur ces filières d'avenir en fonction des savoir-faire locaux et des richesses de nos territoires. Le succès du Creusot provient en premier lieu de la mise en oeuvre d'une logique de développement en grappes. De la même façon, à Toulouse, l'industrie aéronautique porte l'activité de 350 sous-traitants.
M. François Patriat . - La région de Montbard a bénéficié de la même façon de l'arrivée du pôle nucléaire qui a redonné du souffle aux PME locales.
Par ailleurs, concernant la reprise d'entreprises, je regrette que le FSI n'intervienne que très rarement sur les dossiers à risques. Pourtant, il a été abondé à hauteur de 20 milliards d'euros grâce au grand emprunt pour accompagner ce genre de projet.
M. Alain Chatillon , rapporteur . - Il y a quelques années, le fonds de garantie Sofaris intervenait pour prendre en charge 80 % du risque des investissements, la région participant à hauteur de 0,80 % et les banques suivaient. Il faudrait que les banques contribuent à la reconstitution d'un fonds de sécurité pour le risque.
M. Jean-Jacques Mirassou . - Il faut effectivement que les banques acceptent une part de risque, en particulier pour accompagner les transitions d'entreprises, même lorsqu'elles connaissent des difficultés. Les collectivités territoriales et l'Etat, et peut-être plus naturellement la région qui est compétente dans le domaine du développement économique, peuvent aussi offrir une forme de garantie. Il aurait fallu le prévoir dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales.
Par ailleurs, il convient d'anticiper les fermetures de sites et de veiller à ce que les pertes d'emplois qui résultent de difficultés économiques n'englobent pas des dégraissages d'opportunité qui s'inscrivent davantage dans le cadre de plans de restructuration. Les pertes d'emplois ne doivent pas être considérées comme une fatalité.
Enfin, sur l'impact de la réforme de la taxe professionnelle, je crains qu'il ne soit désormais difficile pour les élus locaux de faire accepter par la population leur choix d'accueillir une industrie et les nuisances qui en résultent. Malgré la compensation prévue par la loi, le lien entre l'activité industrielle et la ressource fiscale est cassé.
M. Alain Chatillon , rapporteur . - Pour ma part, je crois qu'il n'est pas souhaitable que les régions mobilisent des financements dans des dossiers de création ou de reprise d'entreprises. Les régions ne peuvent pas bloquer des fonds sur longue période dans ce type de dispositifs. Elles doivent au contraire conserver leurs disponibilités financières et se borner à accompagner l'opérateur local tout en laissant aux banques et à l'Etat, le soin d'apporter une garantie aux investissements des entreprises dans le cadre d'un fonds type Sofaris.
M. François Patriat . - Je partage l'avis du rapporteur à ce sujet.