III. MODIFIER L'ORGANISATION INSTITUTIONNELLE POUR RASSEMBLER LES ÉNERGIES
Votre commission avait déjà évoqué la question du statut de Saint-Pierre-et-Miquelon dans son précédent rapport consacré à l'archipel, en 2005.
Il ressort du déplacement effectué par vos rapporteurs en 2010 que les élus de Saint-Pierre-et-Miquelon se demandent si l'organisation institutionnelle de l'archipel leur donne les moyens d'assurer l'avenir de la collectivité : le statut de collectivité d'outre-mer régie par l'article 74 de la Constitution est-il véritablement adapté ? Faut-il maintenir une organisation institutionnelle distinguant deux communes et un conseil territorial, pour un territoire peu peuplé ?
A. LA QUESTION DE L'ORGANISATION STATUTAIRE
La succession de trois statuts et régimes législatifs différents depuis 1958 explique sans doute la rémanence des interrogations relatives à l'organisation institutionnelle de la collectivité, parmi les élus et les habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon. L'archipel fut en effet Territoire d'outre-mer en 1946, puis département en 1976, collectivité territoriale à statut particulier avec la loi du 11 juin 1985, avant de devenir collectivité d'outre-mer lors de la révision constitutionnelle de mars 2003, qui a entraîné l'actualisation du statut par la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer (DSIOM).
Cette explication n'est cependant que partielle et immédiate, car la loi organique de février 2007 a peu modifié le statut de l'archipel, dont l'organisation institutionnelle est structurée par deux communes et une collectivité depuis des décennies 19 ( * ) .
1. Des aménagements mineurs en 2007
Les lois organique et ordinaire DSIOM du 21 février 2007 ont actualisé le statut de Saint-Pierre-et-Miquelon, défini par la loi n° 85-595 du 11 juin 1985 20 ( * ) .
Une consultation de la population de l'archipel a été organisée sur les projets de loi, avant leur examen par le Sénat, le 5 octobre 2006. Les deux questions posées concernaient deux des points les plus importants du nouveau statut :
- l'instauration d'une liste unique (mais contenant deux sections communales) pour l'élection au conseil territorial ;
- le transfert de compétences aux communes en matière d'urbanisme.
Avec un taux de participation peu élevé (26 %), le « oui » l'a emporté avec 63 % des suffrages exprimés.
La loi organique du 21 février 2007 visait avant tout à mettre le statut de Saint-Pierre-et-Miquelon en conformité avec les dispositions de l'article 74 de la Constitution issues de la révision de mars 2003. Les institutions de la collectivité se composent d'un conseil territorial (anciennement appelé conseil général) et de son président, d'un conseil exécutif (ancienne commission permanente) et d'un Conseil économique, social et culturel (auparavant seulement conseil économique et social).
Le mandat du conseil territorial a été réduit de six à cinq ans, mais il comporte toujours dix-neuf membres. Il exerce quasiment les mêmes compétences que les autres conseils régionaux et généraux 21 ( * ) . Le régime législatif de Saint-Pierre-et-Miquelon n'a pas changé : l'identité législative demeure la règle et la spécialité législative, l'exception. Depuis l'entrée en vigueur de ces modifications, le 1 er janvier 2008, les lois et règlements s'y appliquent de plein droit, sauf dans les matières relevant de la compétence de la collectivité.
La collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon peut également, comme les départements et régions d'outre-mer, être autorisée à adapter les lois et règlements à ses spécificités.
Le conseil territorial élit les membres du conseil exécutif, qui est composé du président du conseil territorial, président, de cinq vice-présidents et de deux autres conseillers (art. L.O. 6432-5 du code général des collectivités territoriales).
• Le régime électoral du conseil territorial
En matière électorale, l'élection des dix-neuf membres du conseil territorial s'effectuait auparavant à partir de deux listes, l'une concernant la répartition des quinze sièges de la commune de Saint-Pierre, l'autre la répartition des quatre sièges attribués à Miquelon.
Pour les prochaines élections au conseil territorial, prévues en 2012, la répartition des dix-neuf sièges se fera sur le fondement d'une liste unique, contenant deux sections communales. En effet, aux termes de l'article L.O. 537 du code électoral, « la collectivité territoriale forme une circonscription unique, composée de deux sections communales et les sièges sont répartis de la manière suivante :
- Saint-Pierre : quinze sièges ;
- Miquelon-Langlade : quatre sièges ».
• Les compétences normatives du conseil territorial
Les articles L.O. 6414-1 et L.O. 6414-5 du code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoient que la collectivité fixe les règles applicables dans certaines matières notamment en matière d'urbanisme, construction, habitation, logement.
Ils disposent en outre que dans les conditions définies par la réglementation édictée par la collectivité, sous réserve du transfert des moyens nécessaires à l'exercice de ces compétences, les communes peuvent intervenir en matière d'urbanisme. Ces dispositions reprennent les propositions effectuées par les élus de Saint-Pierre-et-Miquelon lors du précédent déplacement de votre commission dans l'archipel.
Ainsi, le Président du conseil territorial peut donner, par arrêté pris sur la demande ou après accord du conseil municipal, compétence au maire, agissant au nom de la commune, soit pour l'instruction et la délivrance des autorisations individuelles d'occupation du sol et des certificats d'urbanisme, soit pour la seule délivrance de ces autorisations et certificats, dans les conditions prévues par la réglementation applicable à Saint-Pierre et Miquelon.
Les conditions de ce transfert de compétence restent encore à définir. Actuellement, les services de la direction de l'équipement, mis à disposition de la collectivité territoriale, instruisent et délivrent les autorisations de construire pour le compte du président du conseil territorial.
• L'esquisse d'un premier mouvement vers le rééquilibrage des compétences en faveur des communes
Sur le modèle de l'article 53 du statut de la Polynésie française, l'article L.O. 6414-6 du code général des collectivités territoriales, prévoit que la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon institue des impôts ou taxes spécifiques au bénéfice des communes.
Il appartient ensuite au conseil municipal de déterminer, par délibération, le taux et les modalités de perception de ces impôts et taxes, dans le respect de la réglementation applicable dans la collectivité.
Votre commission avait souhaité inscrire cette disposition dans la statut de Saint-Pierre-et-Miquelon, afin de donner de plus grandes marges de manoeuvre aux communes.
Il apparaît aujourd'hui que ces modifications n'étaient pas suffisantes pour assurer un véritable rééquilibrage des pouvoirs entre les communes et la collectivité.
* 19 Les communes de Saint-Pierre et de Miquelon sont créées par le décret du 13 mai 1872. En 1892, l'île aux chiens, aujourd'hui l'île aux marins, est détachée de la commune de Saint-Pierre pour devenir une commune à part entière.
Le décret du 5 avril 1885 instaure un éphémère conseil général de Saint-Pierre-et-Miquelon, supprimé par le décret du 25 juin 1897. Le décret-loi du 3 janvier 1936 supprime ensuite les municipalités.
Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le décret du 13 novembre 1945 rétablit le régime municipal, avec seulement deux communes : Saint-Pierre et Miquelon.
* 20 Voir le rapport fait au nom de la commission des lois par M. Christian Cointat sur les projets de loi organique et ordinaire portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer n° 25 (2006-2007).
* 21 Le conseil territorial n'exerce pas les compétences suivantes :
- construction et entretien général et technique ainsi que fonctionnement des collèges et des lycées, accueil, restauration et hébergement dans ces établissements, recrutement et gestion des personnels techniciens et ouvriers de service exerçant ces missions dans les collèges et les lycées ;
- construction, aménagement, entretien et gestion de la voirie classée en route nationale ;
- lutte contre les maladies vectorielles.