B. LE RISQUE D'EFFACEMENT STRATÉGIQUE
20. Puissance souveraine et qui entend le rester, la France ne peut faire l'impasse sur les développements à venir en matière de défense anti-missile balistique sans compromettre l'autonomie stratégique qu'elle tire de sa force de dissuasion. Les progrès réalisés dans les technologies de l'interception auront immanquablement à terme des incidences sur la crédibilité de sa dissuasion.
21. La France prendrait également le risque de rater plusieurs marches technologiques futures si elle restait à l'écart de la défense anti-missile balistique.
22. La démarche multilatérale initiée par les Etats-Unis au sein de l'OTAN évite à l'Europe d'être impliquée « à son corps défendant » dans la défense anti-missile, par le biais d'accords bilatéraux. Toutefois, si la défense anti-missile de l'OTAN devait se résumer à une simple couverture de l'Europe par des moyens et un système de commandement exclusivement américains, sans réelle contribution européenne à la décision, cela reviendrait pour l'Europe à renoncer à assurer par elle-même une part de sa propre défense.
23. Une absence d'implication européenne dans la défense anti-missile accentuerait également sa relative perte d'influence au niveau mondial, dans la mesure où elle serait dans l'impossibilité d'apporter la moindre contribution aux besoins de protection que pourraient exprimer ses partenaires et alliés dans ce domaine. Notre pays aurait particulièrement à souffrir de cette perte d'influence dans la région du Golfe.
24. Elle affaiblirait également l'industrie de défense européenne sur les marchés liés à la défense anti-aérienne et, plus globalement, réduirait sa compétitivité en accentuant le « gap » technologique avec l'industrie américaine.
C. LES ATOUTS DE L'INDUSTRIE FRANÇAISE DE DÉFENSE
25. La France dispose de compétences, voire de certaines capacités, sur les différents segments de la défense anti-missile balistique. Conformément au Livre blanc, elle développe une capacité d'alerte avancée (satellite d'alerte et radar très longue portée). Elle a mis en service le SAMP/T, doté d'une première capacité de défense de théâtre contre les missiles balistiques « rustiques ». La France possède un savoir-faire unique en Europe en matière balistique. A travers son industrie, elle participe à l'élaboration du système de commandement et de contrôle (C2) de l'espace aérien de l'OTAN dont la fonction serait élargie à la défense du territoire européen contre les missiles balistiques.
26. Toutefois, la plupart de ces programmes ou compétences ne sont pas financés à la hauteur nécessaire pour garantir la synchronisation avec le calendrier envisagé à l'OTAN. La mise en oeuvre autonome du SAMP/T, contribution française au programme ALTBMD, supposerait de disposer d'un radar mobile, modulaire, multifonctions (M3R) dont l'entrée en service n'est pas prévue avant le début de la prochaine décennie. Les programmes liés à l'alerte avancée sont encore au stade de démonstrateurs. Les compétences en matière d'interception sont sous-financées et leur pérennité n'est pas assurée.