B. UN LEVIER DE PROGRÈS TECHNOLOGIQUE
8. La mise au point des éléments constitutifs d'une défense anti-missile des territoires et des populations est un puissant facteur de développement technologique. Cela concerne les satellites et les radars d'alerte avancée, les radars de poursuite et de désignation d'objectifs, les intercepteurs et enfin les systèmes de commandement et de contrôle.
9. L'acquisition des technologies les plus performantes dans ces différents domaines est susceptible de générer des avancées sur l'ensemble des équipements ou systèmes aéronautiques, spatiaux et d'électronique de défense. Selon un schéma industriel éprouvé, les innovations de rupture d'aujourd'hui feront les systèmes d'armes de demain et les équipements génériques d'après-demain.
10. En outre, le maintien de la crédibilité de notre dissuasion impose de prendre en compte les développements technologiques liés aux perfectionnements de la défense anti-missile balistique. On ne peut ignorer l'intérêt de la recherche et des développements relatifs aux technologies de l'interception des missiles intercontinentaux pour préserver la capacité de pénétration de nos propres missiles balistiques. Pour rester crédible, notre dissuasion doit donc rester capable de pénétrer les défenses adverses les plus sophistiquées. Or comment mieux connaître ces défenses qu'en maîtrisant les technologies qui les sous-tendent ?
11. Enfin, l'investissement dans la défense anti-missile balistique concourt à la compétitivité de l'industrie de défense, soit de façon directe, grâce à l'amélioration de son niveau technologique, soit de façon indirecte, en valorisant l'offre de ce que l'on pourrait appeler un « paquet global de protection », incluant d'autres types d'équipements plus anciens et donc plus rentables, comme viennent de le montrer les récents contrats conclus par l'industrie de défense américaine dans le Golfe.
C. UN PUISSANT INSTRUMENT D'INFLUENCE STRATÉGIQUE
12. La défense anti-missile balistique prend une part croissante dans la stratégie de défense des grandes puissances. Les Etats-Unis ont ouvert la voie de la défense anti-missile en 1983 et ont investi plus de 160 milliards de dollars dans cette « initiative de défense stratégique ». La Russie a suivi et modernise le système qu'elle a hérité de l'Union soviétique. La Chine a procédé avec succès, en janvier 2010, à son premier test d'interception d'un missile dans sa phase de vol exo-atmosphérique. L'Inde s'est engagée récemment dans un programme national d'intercepteurs balistiques. Enfin, le Japon et Israël ont acquis depuis longtemps « sur étagères » et ont co-développé des systèmes de défense anti-missile d'autant plus performants que ces pays font face à une menace consistante.
13. La capacité des grandes puissances à offrir à leurs alliés n'ayant pas la volonté ou la capacité de se lancer dans cette course technologique une défense anti-missile balistique « clef-en-main » est devenue un outil diplomatique au service d'une stratégie d'influence, comme le fut le « parapluie nucléaire » au temps de la guerre froide. Les Etats-Unis, dans leur « Ballistic Missile Defense Review » réalisée en 2010, présentent clairement la défense anti-missile comme l'élément clef des garanties de sécurité qu'ils accordent à leurs alliés aussi bien en Asie de l'Est, qu'au Moyen-Orient ou en Europe.
14. Dans le cas européen, l'« approche adaptative phasée » ( phased adaptive approach ) retenue par l'administration Obama, avec de premiers déploiements prévus en 2011, va structurer la relation de sécurité qui nous lie aux Etats-Unis de façon plus puissante encore que l'approche retenue par la précédente administration. A cet égard, le choix du cadre multilatéral, à travers l'OTAN, est un progrès car il préserve un tant soit peu une certaine possibilité de partage de la décision avec les Européens. Tel ne serait plus le cas si, faute d'accord à l'OTAN, les Etats-Unis reprenaient des démarches bilatérales analogues à celles engagées par l'administration Bush.