B. UN DISPOSITIF PRAGMATIQUE MAIS EFFICACE
Le 13 septembre 2010, les experts réunis par votre rapporteur ont été interrogés sur les quatre points clés des propositions de loi, à savoir :
ü le périmètre d'application de l'objectif de 40 % ;
ü le choix des sanctions ;
ü l'opportunité de limiter le cumul des mandats ;
ü les modalités d'évaluation de la loi.
Il leur a été demandé de privilégier une approche pragmatique et comparative, votre rapporteur souhaitant harmoniser les dispositions françaises avec les législations en vigueur dans d'autres pays européens et s'inspirer des dispositifs étrangers en la matière.
Confortée par ces échanges de la nécessité de légiférer, votre rapporteur formulera des recommandations guidées par le souci de l'efficacité et du pragmatisme.
1. Élargir le périmètre d'application de la loi, tout en fixant un seuil réaliste pour les entreprises privées
Les deux propositions de loi examinées concernent actuellement à la fois les entreprises du secteur privé et les entreprises et établissements du secteur public.
Alors que la proposition de loi de l'Assemblée nationale vise les sociétés cotées en bourse, soit environ 850 entreprises (cotées sur Euronext et Alternext), la proposition de loi sénatoriale concerne les entreprises de plus de 250 salariés ayant réalisé un chiffre d'affaires annuel de 50 millions d'euros au cours de l'exercice précédent.
Les dispositifs en vigueur à l'étranger présentent une grande hétérogénéité.
Ainsi, la loi espagnole, adoptée le 15 mars 2007, concerne toutes les sociétés cotées en bourse employant plus de 250 employés, sans indication de chiffre d'affaires.
Après avoir rappelé qu'aucune législation obligatoire n'existait pour l'instant en Allemagne, Mme Dace Luter-Thümmel a indiqué que les sociétés cotées en bourse, employant au minimum 500 salariés, avaient l'obligation de se déclarer, au regard du respect des principes édictés par le code de bonne gouvernance (Kodex) allemand.
Par ailleurs, la loi norvégienne vise l'ensemble des entreprises privées et publiques, mais les sanctions ne frappent que les entreprises publiques cotées.
Votre rapporteur estime que toutes les entreprises commerciales d'une certaine taille doivent être concernées par la loi, et pas uniquement les sociétés cotées, ou celles présentant un certain seuil de chiffre d'affaires.
Aussi estime-t-elle que doivent entrer dans le champ d'application de la loi :
Ø toutes les sociétés cotées, sans distinction de seuil, ni de chiffre d'affaires, ni d'employés ;
Ø au-delà des sociétés cotées, les entreprises employant plus de 500 salariés.
Votre rapporteur proposera une recommandation en ce sens .
Par ailleurs, la possibilité d'élargir le périmètre d'application de la loi au secteur public et social a été évoquée à plusieurs reprises au cours des débats du 13 septembre 2010.
Mme Anne-Marie Idrac s'est, en premier lieu, interrogée sur la possibilité d'appliquer l'objectif de 40 % de femmes aux nominations au tour extérieur des grands corps 22 ( * ) ou encore aux instances représentatives du personnel.
Dans le prolongement de cette idée, Mme Brigitte Grésy a estimé que la loi devrait largement s'appliquer au secteur public, notamment aux Établissements publics à caractère administratif (EPA) et aux mutuelles.
Rappelons que les EPA sont, dans la version actuelle des deux propositions de loi, inclus dans le périmètre d'application de la loi. Néanmoins, comme l'a proposé Mme Emmanuelle Latour, de l'Observatoire de la parité, la liste exhaustive des EPA pourrait être annexée utilement à la loi, ce qui permettrait à l'État d'accélérer la mise en oeuvre de la loi dans ses établissements publics.
Votre rapporteur estime que l'État doit être exemplaire en cette matière.
C'est loin d'être le cas, à l'heure actuelle, puisque, sur les 10 personnalités nommées par le Parlement dans les conseils d'administration ou de surveillance des entreprises du périmètre de l'Agence de participation de l'État (APE), on ne compte, d'après le rapport de l'APE de 2009, aucune femme.
Votre rapporteur proposera par conséquent :
ü de prévoir un calendrier plus strict pour l'accession des femmes administrateurs aux conseils d'administration des EPA, entreprises publiques et sociétés nationales, qui devront atteindre l'objectif de 40 % de femmes en trois ans.
L'annexion de la liste des établissements publics administratifs (EPA) du périmètre à la loi pourrait faciliter leur mise en conformité rapide ;
ü de nommer à parité, à compter de la promulgation de la loi, un homme et une femme alternativement dans les conseils d'administration ou de surveillance des entreprises du périmètre de l'Agence de participation de l'État, en veillant à ce qu'aucune nomination ne soit effectuée au-delà de 75 ans.
Votre rapporteur estime, en effet, que la limitation de l'âge des administrateurs contribuera au renouvellement et, donc, à la féminisation des conseils.
Le décret du 12 juillet 1994 ayant abrogé les décrets du 20 mars 1972 et du 7 juillet 1976, il n'existe plus, en matière de limite d'âge, de règles générales applicables aux membres des conseils d'administration des établissements publics et entreprises du secteur public.
Seul l'article 7 de la loi du 13 septembre 1984 prévoit que, sauf disposition particulière prévue par les textes législatifs ou réglementaires régissant l'établissement ou la catégorie d'établissements dont il relève, une limite d'âge de 65 ans s'applique aux présidents de conseil d'administration, directeurs généraux et directeurs.
A l'instar de ce qui a été institué à l'Académie française, qui vient de poser une limite d'âge pour les postulants-académiciens, votre rapporteur suggère d'imposer aux autorités publiques qu'aucune nomination dans les conseils d'administration des entreprises publiques et sociétés nationales ne soit effectuée au-delà de 75 ans.
En ce qui concerne les mutuelles, l'article L.114-16 du code de la mutualité dispose que : « Les mutuelles sont administrées par un conseil d'administration composé d'administrateurs élus à bulletin secret par les membres de l'assemblée générale dans les conditions fixées par les statuts (...) ».
Cet article pourrait être complété afin d'étendre au secteur mutualiste l'obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration.
Votre rapporteur proposera une recommandation en ce sens.
* 22 En revanche, elle estime que l'État devrait être exemplaire : dans les nominations aux emplois de direction dans les établissements publics, les entreprises publiques et les sociétés nationales (nominations en conseil des ministres en application de l'article 1 er de l'ordonnance du 28 novembre 1958) ; dans les nominations dans les conseils d'administration des établissements publics, EPA ou Établissements publics industriels et commerciaux (EPIC).