B. DES FREINS INDISCUTABLES ET UN BILAN CONTRASTÉ DE LA COOPÉRATION FRANCO-BRITANNIQUE DE DÉFENSE
Douze ans après le sommet de Saint-Malo, l'objectif de disposer, au sein de l'Union européenne, d'une « capacité autonome d'action, appuyée sur des forces militaires crédibles et sur des moyens européens pré-identifiés » n'a pas été totalement atteint.
Jusqu'à aujourd'hui, les objectifs britanniques s'inscrivent dans un contexte eurosceptique que les récentes élections législatives ne peuvent que conforter. La réflexion de défense au Royaume-Uni s'articule toujours fondamentalement autour de l'Alliance atlantique et de la relation avec les États-Unis dont il entend conserver le leadership. L'action de la politique britannique au sein de l'Union européenne a souvent été celle d'une instrumentalisation au profit de ses objectifs (être au coeur de l'Europe pour être l'interlocuteur incontournable des États-Unis). Au contraire, la politique française a toujours tendu à la création d'un projet de construction européenne dans tous domaines et, en l'occurrence, dans celui de la défense.
De ce point de vue, l'attitude des deux gouvernements vis-à-vis de l'Agence européenne de défense (AED) est exemplaire. Avant les élections britanniques, certains responsables conservateurs avaient même envisagé que leur pays quitte l'AED. Si cette perspective semble s'éloigner, la participation du Royaume-Uni à l'agence et à ses programmes reste encore très limitée. Pour les Britanniques, l'agence est un forum de discussion mais ne peut devenir l'instrument d'acquisition multilatérale d'armement qui reste un attribut de sa souveraineté. La France est au contraire très engagée dans la plupart des programmes.
La contrainte opérationnelle très forte à laquelle est confrontée l'armée britannique conduit à des choix de court terme au détriment du moyen et long terme. Lors des entretiens que vos rapporteurs ont eus, notamment avec le chef d'état-major britannique, il apparaît clairement que la priorité absolue est constituée par le théâtre afghan au détriment de toute autre considération.
La difficulté est donc, dans ce contexte, d'établir les bases d'une coopération de moyen long terme qui suppose une cohérence des stratégies, des financements pérennes et des analyses partagées sur le besoin capacitaire.
Au-delà des convergences politiques profondes à l'OTAN et à l'ONU- et compte tenu de la « relation spéciale », qui constituent un véritable socle pour le rapprochement entre nos deux pays, l'objectif premier d'une coopération renforcée est principalement centré sur la possibilité de développer des programmes communs dans un contexte économique, financier et budgétaire extraordinairement difficile. En l'absence de cette coopération, les deux pays prendraient le risque d'une dégradation de leurs capacités militaires et donc de la diminution sensible de leur influence mondiale. De plus, la perpétuation de la situation de concurrence frontale et des duplications des matériels conduirait inévitablement à la disparition programmée de la base de défense des deux pays principalement au profit de l'industrie américaine. Cette perspective est d'autant plus vraisemblable que la crise économique en Europe conduit à la baisse des budgets militaires en obligeant les industriels à miser sur le développement des exportations dans un contexte, hors Europe, de réarmement mondial.