2. Préserver les réserves du FRR
Le fonds de réserve des retraites (FRR) a été créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 en vue de contribuer à la pérennité du système de retraite français au cours des prochaines décennies.
a) Les objectifs du fonds
Selon les termes de l'article L. 135-7 du code de la sécurité sociale, le FRR est un établissement public de l'Etat à caractère administratif. Ce fonds a pour mission principale de gérer les sommes qui lui sont affectées afin de constituer des réserves destinées à contribuer à la pérennité des régimes de retraite. Ces réserves sont constituées au profit du régime général et des régimes alignés : le régime social des indépendants (RSI) et le régime des salariés agricoles.
Les sommes affectées au fonds sont mises en réserve jusqu'en 2020. Depuis le 30 juin 2005, le FRR gère également 40 % de la soulte versée par les entreprises électriques et gazières lors de l'adossement de leur régime à la Cnav. Son montant initial s'élève à 3,44 milliards d'euros. Cette somme, mise en réserve pour le seul compte de la Cnav, est intégrée aux autres réserves du FRR et gérée comme l'ensemble des actifs du fonds.
b) Les ressources du fonds
Alors que l'objectif initial était de constituer environ 150 milliards d'euros de réserve à l'horizon 2020, le FRR a reçu depuis sa création environ 27,7 milliards d'abondements . Outre ses produits de placement, le fonds reçoit 65 % du prélèvement social de 2 % portant sur les revenus du patrimoine et les produits de placement. En 2009, le montant de cette ressource s'est élevé à 1,4 milliard environ.
D'autres recettes moins importantes viennent abonder le fonds de réserve.
Le FRR bénéficie notamment du produit des redevances dues pour les fréquences utilisées par les téléphones mobiles de troisième génération (UMTS). Egale à 1 % du chiffre d'affaires annuel réalisé sur cette activité, cette redevance a permis de dégager 19 millions d'euros de recettes en 2008. Le fonds a aussi bénéficié du produit de la vente de ces licences UMTS en 2001 et 2002, pour des montants respectifs de 1,2 milliard et 619 millions.
Le fonds de réserve est également affectataire de deux autres catégories de ressources liées à l'épargne salariale :
- la contribution de 8,2 % sur la part de l'abondement de l'employeur supérieur à 2 300 euros au plan d'épargne pour la retraite collectif (Perco), prévue par la loi n° 2001-152 du 19 février 2001 ;
- les sommes non réclamées au titre de la participation, l'intéressement et l'assurance vie, au terme du délai de prescription trentenaire. Les versements de cette dernière recette ont commencé début 2008 pour 0,3 million d'euros et devraient être encore faibles compte tenu de l'importance des délais de prescription.
Le rendement de ces recettes est de l'ordre de 5 millions par an. En 2008, il s'est avéré un peu plus dynamique (environ 7 millions).
Au cours des années antérieures, le FRR a également été affectataire d'excédents du FSV (287 millions en 2001), de la Cnav (5,6 milliards au total entre 2000 et 2005) ou d'une fraction de la C3S, contribution sociale de solidarité des sociétés, (305 millions en 1999).
Enfin, le FRR a également bénéficié de manière ponctuelle :
- en 2002, d'une partie des produits des privatisations effectuées par l'Etat pour un montant de 1,6 milliard ;
- en 2001, d'un versement de la CDC de 457 millions au titre du résultat net de son activité pour compte propre dégagé sur l'exercice 1999 ;
- du produit de la vente des actifs des caisses d'épargne, pour un montant de 2,6 milliards entre 2000 et 2003.
c) Les performances récentes et le montant des réserves
La crise financière, en raison de l'effondrement des cours boursiers, a entraîné une forte dégradation de la performance du FRR en 2008 (24,9 %), de sorte qu'à la fin de l'année 2008, la valeur de marché du portefeuille du fonds atteignait 27,7 milliards d'euros, soit l'équivalent du montant des abondements reçus par le fonds depuis sa création.
La performance du FRR en 2009 a compensé à hauteur de 60 % celle de 2008 grâce au rebond marqué de l'ensemble des marchés et, en particulier, de celui des actions. Dans ces conditions, la valeur de marché du portefeuille du fonds a atteint 33,3 milliards à la fin de l'année 2009.
Performance financière du FRR
Source : FRR
En 2009, le conseil de surveillance du fonds a procédé à une révision de l'allocation stratégique de placement et a décidé de ne pas remettre en cause sa stratégie d'investissement de long terme en dépit de la crise financière. Il a néanmoins revu à la baisse la part des actifs risqués, passés de 70 % à 55 %.
L'espérance de rendement annualisée à l'horizon 2020 du fonds reste quant à elle inchangée à + 6,3 %.
Dans les dernières projections qu'il a publiées en complément de son huitième rapport, le Cor a réalisé des estimations de la valeur des actifs du FRR en 2020 sur la base des trois scénarios économiques retenus pour l'actualisation de ses projections.
La valeur des actifs du fonds atteindrait en 2020 environ 70 milliards d'euros, quel que soit le scénario retenu, sous les hypothèses d'absence d'abondements exceptionnels du fonds et d'un taux de rendement réel de 4 % par an.
d) Le fonds de réserve des retraites et le rendez-vous de 2010 sur les retraites
Lorsqu'il avait établi des projections financières pour les régimes de retraite à l'horizon 2020-2050 en mars 2006, le Cor avait consacré des développements substantiels à l'évolution du FRR en tentant d'évaluer le montant de ses réserves en 2020 et d'envisager les modalités de leur décaissement à compter de cette date. Il avait relevé que la question du montant souhaitable des réserves à accumuler d'ici 2020 et celle de l'horizon des décaissements méritaient des investigations plus approfondies.
Dans son cinquième rapport établi dans la perspective du rendez-vous 2008, le Cor consacrait à nouveau quelques développements au FRR et appelait de ses voeux une clarification de ses perspectives :
« Il reste qu'une stratégie de financement stable pour le FRR, garante de meilleures performances financières, exigerait une plus grande visibilité dans les abondements et les décaissements.
« Par ailleurs, ne pas chercher à préciser le plus tôt possible le rythme annuel des décaissements et, en particulier, la durée de vie du FRR peut conduire au choix d'une allocation stratégique non optimale, à des rendements financiers des placements plus faibles et, en conséquence, à de moindres réserves en 2020. En outre, le fait de ne pas préciser le plus tôt possible le rythme annuel des décaissements pourrait conduire le gouvernement, en place en 2020, à utiliser les ressources du fonds trop rapidement, au détriment des générations suivantes. Il est cependant difficile de définir précisément aujourd'hui la chronique future des décaissements du FRR car celle-ci devrait dépendre des besoins de financement supplémentaires des régimes éligibles après 2020 et donc des mesures qui seront finalement prises pour équilibrer les régimes d'ici 2020. »
Depuis lors, les investigations complémentaires souhaitées par le Cor n'ont pas été réalisées.
Tout au contraire, un débat s'est fait jour pour envisager une utilisation anticipée des réserves du fonds, compte tenu du fait que les réserves dont il dispose ne sont pas à la hauteur de ce qui avait été envisagé à l'origine et que, dans ces conditions, le fonds ne pourra avoir qu'un rôle limité dans la résorption des déficits constatés à partir de 2020.
Au cours de son audition par la mission, Raoul Briet, président du conseil de surveillance du FRR, a rappelé quelques éléments essentiels sur les conditions d'utilisation des réserves du fonds :
« Celui-ci dispose actuellement d'environ 33 milliards d'euros mais la loi interdit qu'ils soient décaissés avant 2020. Le dernier conseil de surveillance du FRR a d'ailleurs rappelé les règles applicables à cet organisme : il s'agit d'un outil temporaire devant contribuer au financement des retraites massives des personnes nées après la guerre ; il a été construit sur la base de choix stratégiques de long terme, avec environ vingt années d'accumulation puis, à partir de 2020, vingt années de décaissements ; en aucun cas, il ne peut se substituer à un rééquilibrage du système par des leviers permanents. En effet, lorsque les contours du FRR s'éteindront, vers 2040, la pérennité du régime devra avoir été assurée. Toutefois, dans l'analyse en cours, avec un horizon technique à 2050, le FRR est indéniablement un élément à prendre en compte, mais comme complément et non comme élément de substitution. En tout état de cause, à court terme, il est important de ne pas modifier les règles initialement posées et, en particulier, de ne pas utiliser les ressources du FRR plus vite que prévu. »
La mission partage cette analyse et s'oppose fermement à toute utilisation anticipée du FRR pour deux raisons :
- d'une part, les réserves du fonds représentent approximativement le déficit de la branche vieillesse du régime général pendant trois années et ne sont donc pas à la hauteur des enjeux actuels. Les déficits de la branche vieillesse ne peuvent être traités que par des mesures pérennes, quels que soient les paramètres activés ;
- d'autre part et surtout, le « siphonage » du FRR constituerait le symbole éclatant d'un report vers les générations futures des difficultés financières rencontrées par les régimes de retraite.
Le FRR est l'un des rares signes adressés aux jeunes générations pour leur montrer que les pouvoirs publics préparent l'avenir en prélevant dès à présent des ressources pour financer les retraites des cotisants d'aujourd'hui. L'utilisation de ses réserves ne pourrait que renforcer l'inquiétude et la méfiance des plus jeunes à l'égard du système de retraite par répartition.
La Mecss souhaite en conséquence que les réserves du FRR soient intégralement préservées et qu'une réflexion soit engagée sur les conditions dans lesquelles celles-ci pourraient être utilisées à compter de 2020 . Une telle réflexion est largement dépendante des mesures pérennes relatives à l'âge de cessation d'activité et aux ressources du système de retraite qui seront prises lors de la réforme à venir, le fonds devant permettre de compléter ces mesures pour faciliter l'équilibrage du système.