D. AUGMENTER LE NIVEAU DES FORCES ET ADOPTER UNE STRATÉGIE ORIENTÉE SUR LA SÉCURITÉ DE LA POPULATION

Il s'agit de la stratégie de contre-insurrection proposée par les généraux Petraeus et MacChrystal. 9 ( * )

Cette stratégie cohérente serait susceptible de permettre, à terme, le retrait des forces occidentales et la réalisation des objectifs poursuivis en termes de sécurité globale. Pour autant, l'extrême complexité de la situation va rendre sa mise en oeuvre difficile. Elle n'est par ailleurs pas nécessairement la seule stratégie possible.

Cette stratégie est compatible avec celle qui a été définie pour la première fois au Sommet de l'OTAN à Bucarest, en avril 2008, sur proposition française. La « stratégie politico-militaire globale » de l'OTAN consiste en :

• un engagement ferme et commun s'inscrivant dans la durée ;

• un soutien à une prise de responsabilités accrues par les Afghans, et au renforcement de leur leadership ; afghanisation

• une approche globale de la communauté internationale, conjuguant efforts civils et militaires ; développement - reconstruction

• une coopération et un engagement accrus avec les voisins de l'Afghanistan, en particulier le Pakistan. régionalisation

Les ministres de la défense de l'OTAN, réunis à Bratislava les 22 et 23 octobre 2009, ont donné leur accord au plan stratégique politico-militaire de l'OTAN en Afghanistan (CSPMP) et au concept stratégique de la FIAS pour la phase de transition vers une prise de responsabilité accrue des Afghans, approuvant ainsi l'esprit des propositions du rapport MacChrystal.

Dans son évaluation du 30 août 2009 10 ( * ) , le général MacChrystal, après avoir dressé un constat sans complaisance de la dégradation de la situation sécuritaire, considérée comme « sérieuse», analyse les conditions qui pourraient mener au succès.

1. Un constat sans complaisance

Ce constat, en neuf points, peut être résumé de la manière suivante :

• L'insurrection progresse ;

• les attentes de la population n'ont pas été satisfaites ce qui a créé de la frustration ;

• les pays occidentaux ont tardé à reconnaître le caractère sérieux de l'insurrection ;

• les actions menées par la coalition et ses partenaires afghans ont, dans certains cas, exacerbé les problèmes ;

• les ressources militaires nécessaires ont été systématiquement sous-évaluées « under-ressourced) pour les opérations ;

• dans certains domaines, la coalition a effectué des contre-performances et, dans d'autres, elle a manqué de coordination ;

• la complexité des chaînes de commandement ainsi que l'existence de caveats nationaux, ont rendu l'unité des efforts complexe ;

• la coalition n'a pas su surmonter les désavantages que représentent le fait d'opérer au sein d'une culture différente, avec une langue différente, et a fait preuve d'une incompréhension qui n'a pas permis une expertise suffisante pour traiter efficacement la situation ;

• enfin, la façon d'opérer a séparé physiquement et psychologiquement la coalition occidentale de la population qu'elle était censée protéger alors même que la sécurité des troupes dépend aussi de la population.

Le général MacChrystal conclut que si des ressources additionnelles sont nécessaires 11 ( * ) , elles ne sont pas suffisantes et le point clé de l'évaluation est de souligner la nécessité urgente d'un changement significatif de la stratégie poursuivie.

Par ressources additionnelles, le commandant de la FIAS entend naturellement une augmentation du contingent militaire qui doit répondre à l'accélération nécessaire des opérations pour reprendre le contrôle sur l'insurrection et pour assurer la période de transition pendant laquelle l'armée nationale afghane et la police monteront en puissance et en capacités. Ces ressources couvrent également les capacités civiles qui sont indispensables dans le cadre d'une stratégie de contre-insurrection au sein de laquelle la sécurisation de la population permet le développement. La FIAS ne peut donc réussir sans disposer d'un cadre correspondant d'experts civils qui appuieront le changement de stratégie au fur et à mesure de l'extension et de l'accélération des efforts de contre-insurrection. Cette coordination étroite supposera l'intégration des équipes et des planifications entre les civils et les militaires afin de pouvoir agir dans les plus brefs délais dans les zones nouvellement sécurisées.

2. Une nouvelle stratégie : la contre-insurrection 12 ( * ) déclinée en six étapes cruciales

Le général MacChrystal constate tout d'abord qu'il s'agit bien d'une guerre de contre-insurrection dont l'objectif est de gagner la population. Il souligne que ce sera en définitive le peuple afghan qui sera le juge du succès ou de l'échec.

Six étapes cruciales sont définies dans l'évaluation du général MacChrystal :

• reprendre l'initiative sur les insurgés,

• engager une croissance rapide des forces nationales de sécurité (FNS) afghane, armée et police,

• améliorer l'efficacité des FNS et accroître de manière significative le partenariat avec elles (aggressive partnering) par l'insertion systématique de personnel de la coalition dans les unités combattantes afghanes (planifier, vivre et opérer ensemble). Cette méthode permettra un échange particulièrement utile aux forces afghanes comme aux forces de la coalition : elle garantirait la diffusion d'une culture de professionnalisme et l'usage des nouvelles technologies qui font défaut, à l'heure actuelle, à l'armée nationale afghane. Elle serait aussi bénéfique à nos propres forces, engagées dans une lutte contre insurrectionnelle.

• traiter les déficits en matière de gouvernance et d'État de droit, 13 ( * )

• s'attaquer aux questions de corruption,

• compte tenu de ressources limitées, définir des priorités qui permettent d'affecter les ressources dans les zones où la population est la plus menacée. 14 ( * )

* 8 À cette date les effectifs de l'ANA devraient atteindre 240 000 hommes et ceux de l'ANP 160 000 hommes.

* 9 Voir le compte-rendu de l'entretien que la délégation du Sénat a eu avec le général MacChrystal à Kaboul le 26 septembre 2009.

* 10 L'évaluation du général MacChrystal a été publiée sur le site du Washington Post à l'adresse suivante :

http://media.washingtonpost.com/wp-srv/politics/documents/Assessment_Redacted_092109.pdf

* 11 Demandes de l'ordre de 40 000 à 60 000 hommes supplémentaires.

* 12 Sur la stratégie de contre-insurrection voir en annexe l'intervention du président de Rohan aux universités d'été de la défense à Saumur, le 11 septembre 2009.

* 13 S'agissant de la gouvernance, le chef de la coalition a indiqué, dans son évaluation, que « la faiblesse des institutions étatiques, les actions délibérées de certaines personnages puissants, une corruption rampante et des abus de pouvoir de responsables divers ainsi que nos propres erreurs ont donnés aux Afghans peu de raisons de soutenir leur propre gouvernement. Ils n'ont pas confiance dans le gouvernement pour assurer leurs besoins essentiels, sécurité, justice, services de base. Cette crise de confiance, qui s'ajoute à l'absence de perspectives économiques ou éducatives, a créé un terrain fertile pour l'insurrection ».

Pour autant, le général MacChrystal a fait remarquer que le peuple a accepté les résultats des élections présidentielles mieux que la communauté internationale. Il est toutefois évident que l'État afghan n'a manifestement pas la légitimité ni la stabilité nécessaires. L'un des plus grands dangers actuels est précisément l'instabilité du gouvernement.

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