B. LE MAINTIEN DU DISPOSITIF À SON NIVEAU ACTUEL

Le maintien du dispositif à son niveau actuel entraînerait, à terme, les mêmes conséquences qu'un retrait. Il reviendrait, au niveau tactique, à maintenir les conditions de l'impasse. Il ne peut conduire qu'à un pourrissement de plus en plus grand de la situation, à la lassitude des opinions publiques qui comprendront de moins en moins les objectifs poursuivis, n'accepteront plus les coûts humains et financiers payés et -à l'occasion des échéances électorales- pousseront les gouvernements, de compromis en compromis, au retrait.

De plus, si l'objectif est bien de permettre une montée en puissance de l'armée nationale (ANA) et de la police (ANP) afghanes afin qu'elles prennent en charge la sécurité intérieure et extérieure du pays d'ici 2013 8 ( * ) , la période intermédiaire permettant la montée en puissance des forces de sécurité nationale afghanes (ANSF) exigerait, selon le général McChrystal et les militaires de l'OTAN, que la sécurité de la population soit prise en charge par les forces de la coalition, ce qui ne peut qu'entraîner une hausse du dispositif et non le statu quo. L'amélioration de l'efficacité et de la « productivité » des forces à leur niveau actuel ne serait pas considérée comme suffisante pour atteindre cet objectif.

Par ailleurs, l'effet immédiat d'une telle non-décision serait un désaveu des responsables de la principale composante de la coalition : les États-Unis.

Le Président Obama et la nouvelle administration ont en effet procédé, dès leur arrivée à la Maison Blanche, et à l'occasion du début du retrait des troupes américaines en Irak, à un redéploiement de force en Afghanistan (+21 000 hommes).

Prenant acte de l'échec de la stratégie précédente, le gouvernement américain a procédé au remplacement des responsables diplomatiques et militaires en Afghanistan. L'abandon de la nouvelle stratégie proposée par les généraux Petraeus et MacChrystal, constituerait un désaveu.

En d'autres termes, le maintien du dispositif à son niveau actuel fragiliserait encore un peu plus la coalition internationale et conduirait, à terme, à l'échec.

C. FAIRE DÉCROÎTRE LE NIVEAU DES FORCES TOUT EN PROPOSANT UNE NOUVELLE STRATÉGIE

C'est le choix stratégique que l'on attribue au vice-président Joe Biden. Il repose sur le constat que l'objectif fixé à l'intervention américaine en 2001 a été atteint. Al Qaïda et les autres mouvements du djihad islamiste radical ne représentent plus une menace pour les États-Unis en Afghanistan. La poursuite de l'élimination de leurs dirigeants et les actions militaires nécessaires à la non-reconstitution de leurs forces ne nécessitent plus le stationnement de troupes importantes. La guerre contre-terroriste peut être menée en large partie par le renforcement des moyens technologiques de surveillance, de renseignement et d'intervention (forces aériennes et drones d'attaque). Même si leur éradication est impossible la stratégie proposée vise à leur confinement.

Cette analyse distingue donc les terroristes internationalistes -qui constituent une menace directe pour la sécurité des Etats-Unis- et les taliban nationaux qui relèvent des affaires et de la politique intérieure afghanes. Selon les promoteurs de ce choix stratégique, dissocier les uns des autres conduira à isoler de plus en plus Al Qaïda et les autres mouvements extrémistes, conduisant ainsi à leur défaite.

C'est plus ou moins la même analyse qui est développée par le gouverneur de la province frontière du Nord-Ouest pakistanais (NWFP) M. Owais Ghani. Celui-ci prône de mener, n'ont pas une « guerre globale contre le terrorisme », mais une guerre contre le terrorisme global, c'est-à-dire celui venu de l'extérieur. Il faut donc inclure dans la stratégie politique de résolution du conflit l'ensemble des autres acteurs et engager un large dialogue, sans exclusive. « Il n'y aura jamais de stabilité en Afghanistan si une partie ou une autre avait le sentiment d'être exclue, de ne pas recevoir sa juste part ».

Toutefois, un certain nombre de pays, et en particulier l'Inde, considèrent cette distinction comme inopérante et se refusent à distinguer les « bons » des « mauvais » taliban. Mais c'est surtout au niveau pratique, sur le terrain, que cette distinction est difficile à mettre en oeuvre tant est forte et complexe l'imbrication des différents réseaux, qu'ils soient nationalistes, religieux ou mafieux. Par ailleurs, la logique de solidarité islamique qui avait conduit le régime taliban à donner refuge à Al Qaïda n'a pas disparu.

Pour autant, l'analyse faite par le gouverneur Ghani, qui consiste à dire qu'il n'y aura pas de paix en Afghanistan sans réconciliation de l'ensemble des acteurs essentiels et sans que chacun trouve sa juste place dans l'équilibre des pouvoirs, est pertinente. La réconciliation-ralliement des factions talibanes est indiscutablement un élément incontournable de la paix à venir en Afghanistan, mais sans doute l'un des moins évidents à réaliser. C'est une question de politique intérieure dont la résolution, pour être menée à bien, doit être soutenue par une pression militaire constante voire renforcée.

Retenir cette stratégie constituerait, par ailleurs, un désaveu du général MacChrystal qui en a du reste qualifié les résultats de «Chaosistan » et, à travers lui, du Président Obama lui-même qui a déjà accepté un « surge » de 21 000 hommes à son entrée à la Maison Blanche.

* 7 Les guérillas savent parfaitement utiliser l'arme de la communication comme l'a montré par exemple le reportage du magazine « Match » après l'embuscade de la vallée d'Uzbin en août 2008.

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