II. COMMENT SE PASSERA LA SUCCESSION DE MOUBARAK EN EGYPTE ?

Vos rapporteurs sont arrivés au Caire le 22 février 2009, jour de l'attentat du bazar de Khan Khalili où notre jeune compatriote, Cécile Vannier, a été tuée. Ils y ont trouvé une société en proie à des tensions importantes, mais sous contrôle, à l'approche de la succession du Président Hosni Moubarak.

A. UNE SOCIÉTÉ EN PROIE À DES TENSIONS IMPORTANTES

1. Une situation économique dégradée

Avec 80 millions d'habitants, l'Egypte est le pays le plus peuplé du Moyen-Orient. Son économie fragile offre peu de perspectives d'avenir aux 600 000 jeunes qui, chaque année, entrent sur le marché du travail. Selon le programme des Nations unies pour le développement (PNUD), 58 % de la population vivrait avec un revenu inférieur à deux dollars par jour.

Cette situation est appelée à se dégrader du fait de la crise économique mondiale. En effet, les trois « rentes » de l'économie égyptienne vont se réduire considérablement en 2009. Le tourisme -principale source de revenus avec 11 milliards de dollars par an- devrait diminuer de 40 % ; les exportations de pétrole et de gaz devraient diminuer également de 40 % ; enfin les revenus du Canal de Suez devraient diminuer de 25 % selon le témoignage du ministre des finances lui-même.

Au total, la croissance devrait passer de 7 % en 2008 à 4 %, voire 2 %, en 2009, alors qu'un taux de 5 % est nécessaire pour assurer l'insertion des nouveaux entrants sur le marché du travail.

2. Un horizon politique qui ne laisse pas entrevoir la possibilité de changements

Les Frères Musulmans sont loin de faire l'unanimité dans la population égyptienne et, vraisemblablement, des élections totalement libres ne les amèneraient pas au pouvoir. Eux-mêmes déclarent d'ailleurs qu'ils ne sont pas prêts à y accéder. Vos rapporteurs ont rencontré le leader du bloc parlementaire des Frères Musulmans. L'image qu'il a voulu donner de son propre parti est celle d'un parti d'opposition raisonnable, fondé sur des valeurs enracinées dans la religion, comparable au modèle des démocraties chrétiennes européennes. Il s'est déclaré plus soucieux de conquérir l'opinion par un programme social actif plutôt que de remporter les élections, de crainte de susciter une réaction violente de l'armée et de la communauté internationale, en évoquant le sort du Hamas après sa victoire électorale en Palestine.

Entre le Parti national démocratique (PND), parti unique déguisé, en situation hégémonique, et les Frères Musulmans, l'offre politique des partis du centre est fragmentée. Certaines formations comme Al-Wasat sont interdites d'activité. Les leaders les plus charismatiques, tels Ayman Nour, dirigeant du parti Hizb Al-Ghad (« le parti de demain ») ont été emprisonnés. Le cas de ce dernier est particulièrement révélateur. M. Ayman Nour a été privé de son immunité parlementaire puis condamné à cinq ans de prison ferme le 24 décembre 2005 pour faux et usage de faux dans la procédure de reconnaissance des statuts de son nouveau parti en 2004. En réalité, il a été condamné pour avoir été le principal rival du Président Moubarak aux dernières élections présidentielles de septembre 2005, à l'issue desquelles il a obtenu 7,3 % des voix. C'est un score très élevé dans un pays où, tout étant fait pour assurer une victoire écrasante au candidat du pouvoir, les électeurs se détournent des urnes (la participation électorale est de 10 %). La forte mobilisation en faveur d'Ayman Nour a donc inquiété le régime. Les lois électorales ont été modifiées pour qu'un tel événement ne puisse pas se reproduire. Ayman Nour a été libéré en février 2009 en raison des pressions américaines exercées lors de la venue d'Hillary Clinton au sommet de Charm El Cheikh.

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