3. Le bilan de la lutte contre Al-Qaïda
Le bilan de la lutte menée contre Al-Qaïda est mitigé, alors même qu'aucun groupe terroriste n'a jamais été combattu avec autant d'énergie. Pour dresser ce bilan, il est nécessaire de préciser à quelle partie d'Al-Qaïda on se réfère. Aujourd'hui, on tend à distinguer trois cercles :
- un premier cercle, que l'on pourrait qualifier d' Al-Qaïda central , est localisé à la frontière afghano-pakistanaise et regroupe la « vieille garde » et la direction de l'organisation ;
- un deuxième cercle comprend les structures « franchisées » comme AQMI -Al-Qaïda au Maghreb Islamique- ou AQPA -Al-Qaïda dans la péninsule arabe- issues de mouvements locaux qui se sont spontanément réclamées d'Al-Qaïda ;
- un troisième cercle constitué de mouvements auto-formés qui cherchent par des actions violentes à acquérir le label Al-Qaïda, celui-ci étant postérieurement accordé ou non par l'état-major central d'Al-Qaïda.
S'agissant du premier cercle, force est d'admettre que le mouvement semble avoir survécu, que sa direction centrale et idéologique est toujours présente et que ses intentions sont inchangées. Oussama Ben Laden et Ayman Al-Zawahiri n'ont pas été capturés, même si de nombreux cadres tels Mohamed Atef ou Khaled Cheikh Mohammed, le cerveau du 11 septembre, sont morts ou ont été emprisonnés. Cette survivance de Ben Laden nourrit le mythe, ce qui est préoccupant dans la mesure où la lutte contre Al-Qaïda est dans une large mesure une affaire de perception.
Contrairement au niveau directionnel, le second cercle, celui du niveau opérationnel, a été sensiblement affaibli. Depuis 2005, l'organisation n'a plus conduit d'attentats en Occident et son implication dans le conflit afghan reste marginale. Par ailleurs, les signes d'affaiblissement semblent se multiplier : dissensions internes, défections, échecs. Al-Qaïda n'a pas su fédérer la lutte islamique et certains théâtres d'opérations stratégiques, comme la Palestine, continuent de lui échapper. Mais le principal échec d'Al-Qaïda réside dans son incapacité à mobiliser un véritable soutien populaire et politique. C'est pourquoi elle paraît confinée à quelques rares sanctuaires territoriaux : la zone frontalière afghano-pakistanaise et le Yémen. D'autres zones offrent de possibles sanctuaires tels que les Etats faillis de la Corne de l'Afrique ou certains Etats au sud du Sahara, tels le Mali ou le Niger, incapables de contrôler leur immense territoire.
S'agissant enfin des cellules totalement autonomes, leur développement est étroitement lié à « la communauté du ressentiment » et à l'état des relations entre occident et monde arabe. C'est en éteignant ces braises qu'on affaiblira Al-Qaïda et les groupes qui s'en réclament.
En conclusion, vos rapporteurs rappellent que la guerre en Afghanistan avait pour but premier d'empêcher Al-Qaïda et ses alliés d'y retrouver une base protégée et non pas d'y instaurer un Etat démocratique. Au lieu de convaincre les dirigeants afghans de demain, quels qu'ils soient, du danger qu'il y aurait à abriter Al-Qaïda sur leur territoire comme les talibans le firent hier, les buts de cette guerre ont évolué. Actuellement, l'objectif est de constituer des forces de sécurité afghanes suffisamment puissantes pour contrer les talibans et rétablir la confiance de la population. Il s'agit in fine de construire un Etat à partir des zones de sécurité. Nous en sommes-nous donnés les moyens ?
Enfin, vos rapporteurs soulignent que le combat mené par Al-Qaïda se situe avant tout sur le plan idéologique. Ils attirent aussi l'attention sur le fait qu'Al-Qaïda utilise les techniques modernes de communication de masse. D'où la nécessité de bien comprendre les ressorts de la haine anti-occidentale, qui est sa raison d'être, pour lutter contre Al-Qaïda avec intelligence.