2. Pour une approche renouvelée des relations avec l'Union européenne
Qu'il s'agisse de la continuité territoriale et de l'insertion régionale, du développement économique ou des questions environnementales, l'Union européenne présente une importance particulière pour les DOM.
Afin d'étudier les principaux sujets européens intéressant les départements français d'outre-mer, une délégation de la mission commune d'information s'est donc rendue à Bruxelles 131 ( * ) , le mercredi 15 avril 2009.
Ce déplacement a permis aux membres de la mission de s'entretenir avec le conseiller chargé de ce dossier à la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne, les représentants des différents services de la Commission européenne (directions générales chargées respectivement de la politique régionale, du commerce, du développement et de la fiscalité) et du cabinet de la Commissaire européenne chargée de la politique régionale, Mme Danuta Hübner, ainsi que des représentants des autres régions ultrapériphériques et d'Eurodom, association représentant les intérêts économiques des quatre départements français d'outre-mer à Bruxelles.
Grâce à ces entretiens, la délégation sénatoriale a pris toute la mesure du resserrement des marges de négociation auprès des instances européennes qui résultent de l'élargissement à des pays au niveau de vie souvent inférieur à celui constaté dans nos DOM, ainsi que du contexte de crise économique mondiale.
Dans ce contexte, une meilleure prise en compte de la spécificité des DOM au niveau européen apparaît urgente.
a) Le statut de région ultrapériphérique : une chance pour les départements d'outre-mer
L'Union européenne distingue deux catégories de collectivités d'outre-mer : les « régions ultrapériphériques » (RUP) et les « pays et territoires d'outre-mer » (PTOM). Cette distinction entraîne des conséquences importantes, puisque si les régions ultrapériphériques font partie intégrante de l'Union européenne, les pays et territoires d'outre-mer sont, quant à eux, considérés comme des pays tiers au regard du droit communautaire.
(1) Une spécificité reconnue tardivement par l'Union européenne
À l'instar des îles espagnoles des Canaries et des archipels portugais de Madère et des Açores, les quatre départements français d'outre-mer ont le statut de régions ultrapériphériques (RUP). À ce titre, ils font partie intégrante de l'Union européenne. Néanmoins leur situation spécifique justifie un traitement particulier, ce que les traités européens successifs ont affirmé avec de plus en plus de vigueur :
- L'article 227-2 du traité de Rome de 1957 prévoyait déjà que les institutions de la Communauté devaient veiller à permettre le développement économique et social des DOM. Cet article constituait donc une première reconnaissance du statut spécifique des DOM.
- Une déclaration annexée au Traité de Maastricht de 1992 est allée un peu plus loin, en reconnaissant, pour la première fois, la notion de « région ultrapériphérique ».
- C'est toutefois le Traité d'Amsterdam , entré en vigueur le 1 er mai 1999, qui a pour la première fois affirmé le statut de région ultrapériphérique dans le corps des traités européens, à l'article 299 paragraphe 2 du traité instituant la Communauté européenne (TCE). Cet article n'a pas été modifié par le Traité de Nice et ce sont donc ces dispositions qui sont aujourd'hui applicables.
Article 299§2 du traité CE (tel que modifié par le traité d'Amsterdam) Les dispositions du présent traité sont applicables aux départements français d'outre-mer, aux Açores, à Madère et aux îles Canaries. Toutefois, compte tenu de la situation économique et sociale structurelle des départements français d'outre-mer, des Açores, de Madère et des îles Canaries, qui est aggravée par leur éloignement, l'insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles, leur dépendance économique vis-à-vis d'un petit nombre de produits, facteurs dont la permanence et la combinaison nuisent gravement à leur développement, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, arrête des mesures spécifiques visant, en particulier, à fixer les conditions de l'application du présent traité à ces régions, y compris les politiques communes. Le Conseil, en arrêtant les mesures visées au deuxième alinéa, tient compte des domaines tels que les politiques douanières et commerciales, la politique fiscale, les zones franches, les politiques dans les domaines de l'agriculture et de la pêche, les conditions d'approvisionnement en matières premières et en biens de consommation de première nécessité, les aides d'État, et les conditions d'accès aux fonds structurels et aux programmes horizontaux de la Communauté. Le Conseil arrête les mesures visées au deuxième alinéa en tenant compte des caractéristiques et contraintes particulières des régions ultrapériphériques sans nuire à l'intégrité et à la cohérence de l'ordre juridique communautaire, y compris le marché intérieur et les politiques communes. |
La spécificité des DOM est donc reconnue par le droit européen, qui prévoit l'adaptation du droit primaire (les traités) ou secondaire (les règlements ou directives communautaires ou les politiques communes) en fonction des contraintes liées à leur éloignement, à l'insularité, à leur faible superficie, au relief et aux aléas climatiques, ainsi qu'à l'exiguïté des marchés locaux et à la faible diversification de l'économie.
Les RUP sont d'ailleurs les seules régions de l'Union européenne qui font l'objet d'un article particulier dans les traités européens. L'article 299 §2 du TCE donne une base juridique aux actes communautaires spécifiques aux RUP et aux dérogations dont ils peuvent bénéficier. L'article 299 §2 du TCE a ainsi permis de tenir compte des spécificités des RUP dans le cadre de la politique régionale, de la politique agricole, des aides d'État ou de la politique commerciale.
Le Traité de Lisbonne , signé le 13 décembre 2007, mais pas encore entré en vigueur, confirme la spécificité des « régions ultrapériphériques », tout en apportant des modifications importantes, tant sur le plan formel, qu'au niveau de la procédure, qui ne sont pas dénuées d'importance dans le cas de la France.
Le traité de Lisbonne et le statut de région ultrapériphérique Le traité de Lisbonne confirme la spécificité du statut de région ultrapériphérique, en reprenant les dispositions de l'actuel article 299-2 du Traité instituant la Communauté européenne, dans le nouvel article 349 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Il introduit toutefois deux principales modifications , l'une sur le plan formel , l'autre sur le plan procédural. D'une part, sur le plan formel , alors que la rédaction de l'actuel article 299-2 du TCE fait référence aux « départements français d'outre-mer », sans autre précision, le nouvel article 349 du TFUE mentionne expressément la liste des territoires concernés , c'est-à-dire la Guadeloupe, la Guyane française, la Martinique, La Réunion, Saint-Barthélemy et Saint-Martin. Ainsi, le traité de Lisbonne fait passer de 7 à 9 le nombre de régions ultrapériphériques, en reconnaissant un tel statut à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin. Toutefois, il ne s'agit pas d'un véritable changement car cet ajout vise à prendre en compte l'évolution du statut de ces îles qui faisaient partie du département de la Guadeloupe et sont devenues des collectivités d'outre-mer le 15 juillet 2007, tout en demeurant dans le territoire de l'Union européenne. D'autre part, il permet à un territoire de passer, dans des conditions simplifiées, du statut de PTOM à celui de RUP et vice-versa. En effet, un mécanisme est introduit à l'article 355 §6 du TFUE, qui permet d'adapter la liste des régions ultrapériphériques par une décision du Conseil à l'unanimité après consultation de la Commission. Ainsi, un changement de statut ne nécessitera plus, comme c'est le cas actuellement, une procédure de révision des traités (avec une ratification par tous les États membres). La déclaration n°43 relative à l'article 355 du TFUE précise que le Conseil prendra une décision aboutissant à la modification du statut de Mayotte à l'égard de l'Union de manière à ce que ce territoire devienne une région ultrapériphérique lorsque les autorités françaises notifieront au Conseil européen et à la Commission que l'évolution en cours du statut interne de l'île le permet. Cette déclaration avait été demandée par la France en vue de la consultation sur le changement de statut de Mayotte et sa transformation en DOM. |
Au cours de leur déplacement à Bruxelles, les membres de la mission commune d'information se sont entretenus avec les représentants des autres régions ultrapériphériques . Ces entretiens ont permis de mesurer les points de convergence, mais aussi certaines différences, tenant à la situation spécifique de chacune de ces régions.
À cet égard, on peut observer que les RUP françaises sont beaucoup plus éloignées du continent européen que leurs homologues espagnole ou portugaise. Ceci n'est pas sans incidences sur le développement économique, de ces régions, en particulier dans le secteur du tourisme, et sur la nécessité d'autant plus forte pour les DOM de promouvoir leur insertion régionale.
Les autres régions ultrapériphériques de l'Union européenne Les autres RUP sont les îles espagnoles des Canaries, l'île portugaise de Madère et l'archipel portugais des Açores. Les îles Canaries sont un archipel d'îles situées dans l' océan Atlantique , à l'Ouest du Maroc , à environ 1500 kilomètres de distance de la péninsule ibérique. L'archipel est divisé en deux provinces : celle de Las Palmas de Gran Canaria avec les îles orientales de Gran Canaria, Lanzarote et Fuerteventura, et celle de Santa Cruz de Tenerife avec les îles occidentales de Tenerife, La Palma, La Gomera et El Hierro. Les Canaries constituent l'une des dix-sept communautés autonomes du Royaume d'Espagne et disposent d'une très large autonomie. Elles sont peuplées d'environ 2 millions d'habitants. Les îles Canaries ont connu un important développement économique ces dernières années, en particulier grâce aux fonds de l'Union européenne (qui ont financé notamment les infrastructures). Aujourd'hui, le PIB par habitant est proche de 93 % de la moyenne communautaire. L'industrie est surtout développée dans les activités portuaires et le raffinage de pétrole (la "Refinería de Petróleo en Santa Cruz de Tenerife" est la plus grande raffinerie d'Espagne) et l'agro-alimentaire. Seul 10 % de la surface des îles est cultivé ( céréales , vignes , tabac , bananes , tomates et fruits tropicaux tels que les avocats , les mangues et les ananas ). Ces produits sont exportés essentiellement vers l'Espagne et l'Union européenne. L'archipel accueille plus de 12 millions de touristes par an, essentiellement en provenance de la péninsule ibérique, du Royaume-Uni et d'Allemagne. Toutefois, la crise économique n'épargne pas les Canaries et un ralentissement de l'activité économique et du tourisme se fait sentir. Les Açores sont un groupe d' îles portugaises qui se trouvent au centre de l' océan Atlantique , à environ 1 200 kilomètres à l'Ouest du continent européen et 3 900 kilomètres de la côte Est de l' Amérique du Nord . Elles comptent environ 250 000 habitants. L'archipel exporte des produits agricoles et laitiers, des produits issus de l'industrie agro-alimentaire et de la pêche. Le cône volcanique du Pico sur l'île du même nom, qui atteint 2 321 m d'altitude, est le point le plus haut des Açores et du Portugal. Madère est un archipel dépendant du Portugal , composé de l' île du même nom et de plusieurs autres petites îles, situé dans l' océan Atlantique à l'Ouest du Maroc , à environ 500 kilomètres des côtes africaines et un millier de kilomètres des côtes portugaises. La population est d'environ 240 000 habitants. L'économie repose essentiellement sur l'agriculture et sur le tourisme, qui constitue la principale ressource et qui contribue à 20 % du PNB. En 2005, Madère a reçu plus de 850 000 touristes venant majoritairement de l' Union européenne , notamment du Royaume-Uni , d' Allemagne , du Portugal et de Scandinavie . L'agriculture repose sur la plantation des bananes destinées au marché local et métropolitain, de la production de fleurs et du vin. L'industrie est peu diversifiée, elle est surtout à caractère artisanal. L'Union européenne a contribué de façon importante au développement des infrastructures, notamment du réseau routier. |
* 131 Conduite par son président, M. Serge Larcher et son rapporteur, M. Eric Doligé, cette délégation était composée de M. Georges Patient, Mme Odette Terrade, Mme Catherine Procaccia, M. Jean-Etienne Antoinette et M. Denis Detcheverry.