(2) Un service public d'accessibilité des personnes encore à construire
En dehors des bénéficiaires des dispositifs qui viennent d'être rappelés, la question qui reste posée est celle de la mobilité des personnes entre les DOM et l'hexagone, indépendamment des motifs d'études ou de formation professionnelle.
Les familles ultramarines sont tributaires des tarifs, souvent très élevés notamment pour les périodes de congés, pratiqués par les compagnies aériennes, dans une absence de réelle concurrence.
Comme on l'a en effet évoqué précédemment, la concurrence est limitée dans le domaine du transport aérien entre la métropole et les DOM, la compagnie Air France KLM disposant d'une position dominante aux Antilles et surtout en Guyane. L'ouverture d'une liaison entre la métropole et la Guyane par Air Caraïbes en décembre 2008, marché sur lequel Air France disposait jusque là d'une position monopolistique, a conduit à une baisse de 15 % à 25 % des tarifs, selon les données fournies par l'antenne guyanaise de l'IEDOM.
À ce sujet, M. Patrick Karam, Délégué interministériel à l'égalité des chances des Français d'outre-mer a mis en avant, lors de son audition par la mission, les négociations engagées par la Délégation avec les compagnies aériennes pour faire baisser les prix et libérer des places pendant les congés scolaires d'été, ou obtenir de meilleurs tarifs pour les voyages liés aux deuils et en faveur des ultramarins les plus défavorisés.
Ces négociations ont abouti à la signature de chartes d'engagement volontaires le 22 janvier 2009 par les dirigeants des compagnies Air France-KLM, Corsair et Air Caraïbes : ces chartes, valables trois ans, comprennent des engagements de diminution des tarifs pratiqués.
Mais compte tenu du caractère encore limité et ponctuel des baisses ainsi concédées, cette question mériterait un engagement plus fort des services de l'État afin d'ouvrir davantage ce marché aérien. Les périodes de vacances scolaires notamment sont particulièrement « tendues », avec l'effet amplificateur des congés bonifiés.
On rappellera que ce dispositif permet aux fonctionnaires d'outre-mer de rejoindre régulièrement leurs terres natales. Institués en 1978, les congés bonifiés représentent 65 jours répartis entre 35 jours de congés annuels et 30 jours de bonification (dimanche, fêtes et durée du voyage inclus) qui peuvent être pris tous les 2 ou 3 ans, selon les administrations. Les frais de prise en charge, qui concernent l'agent titulaire lui-même, son conjoint (selon revenus) et ses enfants, comportent le financement du voyage aérien et une majoration de revenu pour la période correspondante.
Une réforme de ce dispositif a été annoncée fin 2008 pour simplifier les conditions exigées afin de bénéficier de ce dispositif et offrir aux fonctionnaires ultramarins plus de souplesse et de facilité dans la mise en oeuvre de cet avantage.
Si les fonctionnaires disposent donc de cet avantage non négligeable, les personnes du secteur privé n'ont pas les mêmes facilités et la question financière peut être un réel frein à la mobilité.
Or il s'agit d'une préoccupation forte des ultramarins, qui va au-delà de la simple question des transports et du prix du billet d'avion, car elle concerne le maintien des liens avec leurs racines, leurs familles, leurs cultures.
Ce maintien d'un lien étroit est souvent motivé par l'idée du retour, généralement à l'issue de la vie professionnelle, phénomène connu dans les DOM sous l'appellation des « retour retraites ».
Une telle perspective se heurte, cependant, à de nombreuses difficultés pratiques comme celle de l'insuffisante offre de logements dans les DOM ou, plus largement, celui des différences dans les dispositifs sociaux existant encore en métropole dont le régime diffère de ceux applicables dans les DOM.
Ces considérations soulignent le fait qu' un service public d'accessibilité des personnes reste encore à construire entre les DOM et l'hexagone.
Par ailleurs, on rappellera que la question de la mobilité ne doit pas être appréhendée que sous l'angle des trajets avec la métropole mais doit aussi être envisagée au niveau régional, notamment pour les étudiants .
La faible intégration régionale de l'éducation dans les DOM alors que leur environnement constitue un atout, conduit à proposer la création d'un dispositif « Erasmus régional » pour les étudiants ultramarins.
Celui-ci doit devenir un élément de leur « statut » et une étape vivement encouragée de leur formation.
Comme pour l'Erasmus européen, il doit permettre d'accéder à des cursus et à des stages, mais dans leur environnement géographique et culturel proche.
Ce dispositif fonctionnerait pour la zone Caraïbe et celle de l'océan Indien sur le modèle du système européen afin de permettre le resserrement des liens inter-universitaires et de mobilité pour les étudiants et leur permettre de se former dans le cadre de programmes adaptés aux réalités régionales des DOM.
Il pourrait s'inscrire dans la nouvelle programmation stratégique des crédits de coopération régionale de la France qui vise notamment à renforcer l'intégration régionale des DOM par le resserrement des liens interuniversitaires et la multiplication des échanges d'étudiants, de professeurs et de chercheurs.
Ce projet serait complémentaire avec la création de grands pôles universitaires francophones dans ces départements.