(ii) La nécessaire mise en place d'outils de surveillance de la formation des prix
La mission d'information a pu percevoir au cours de ses travaux, tant à Paris que lors de ses déplacements dans les DOM, la difficulté à obtenir les différents éléments nécessaires à la compréhension des mécanismes de formation des prix .
Il est en effet particulièrement difficile d'obtenir des données précises sur la part imputable à chaque étape de la formation du prix (fret maritime, intermédiaires, marges...). L'IGF a elle-même noté dans son rapport sur le prix des carburants que les services de l'État ne disposaient pas toujours des informations sur les différentes composantes du coût des carburants et notamment « n'avaient pas d'éléments sur le coût réel du fret entre la Martinique et la Guadeloupe ou à destination des îles de ce département » .
En réponse à un courrier de votre rapporteur, la DDCCRF de La Réunion a elle-même indiqué ne disposer « que de données partielles sur la formation des prix des produits » .
? Le cas du fret maritime
La mission sénatoriale a notamment pu constater la difficulté à appréhender le coût du fret maritime : des chiffres contradictoires lui ont été fournis par ses différents interlocuteurs.
Ainsi les Armateurs de France, organisation professionnelle des entreprises de transport maritime, ont affirmé que le fret avait un poids de 3 à 4 % dans le prix des produits. Les données suivantes ont été communiquées à la mission sénatoriale.
Poids du fret dans le prix de plusieurs produits de première nécessité
Produit |
Département |
Poids du fret dans le prix du produit (en centimes d'euro) |
Lait (par litre) |
La Réunion |
10 |
Guyane |
10 |
|
Départements antillais |
9 |
|
Huile (par litre) |
La Réunion |
12 |
Guyane |
12 |
|
Départements antillais |
11 |
|
Pommes de terre (par kg) |
La Réunion |
12 |
Guyane |
22 |
|
Départements antillais |
18 |
|
Volaille (par kg) |
La Réunion |
25 |
Guyane |
25 |
|
Départements antillais |
22 |
Source : Armateurs de France
Ces données ont été contredites par plusieurs interlocuteurs et personnalités entendues par la mission sénatoriale. Fréquemment, l'estimation du poids du fret évoquée s'est située entre 10 et 15 % du prix des produits.
La direction départementale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DDCCRF) de la Réunion a elle-même évoqué une fourchette de 5 à 15 % du poids du fret maritime dans le prix global. Elle a donné en exemple les quatre produits suivants, qui ne reflètent pas une telle fourchette.
Le poids du fret semble cependant sensiblement supérieur aux taux communiqués par les Armateurs de France.
Poids du fret dans le prix de différents produits à la Réunion
Nesquick (1 kg) |
Spaghetti Panzani (1 kg) |
Gel douche Tahiti Vanille (250 mL) |
Savonette Palmolive
|
|
Impact du fret maritime
|
41 |
12 |
63 |
47 |
Poids du fret maritime dans le prix du produit |
6,3 % |
4,3 % |
5,4 % |
4,3 % |
Source : DDCCRF Réunion
? Le poids d'autres éléments intervenant dans la formation des prix doit être également évalué
Outre le fret maritime, des outils de mesure et de suivi des mécanismes de formation des prix sont nécessaires afin d'évaluer le poids d'autres éléments intervenant dans la formation des prix :
- le coût de l'embarquement et du débarquement : il semble en effet que le coût de ces opérations soit largement supérieur dans les DOM par rapport à la métropole. Le prix de l'embarquement par conteneur atteindrait ainsi, selon le directeur départemental de la concurrence de la Martinique, un montant de 400 € à Fort-de-France contre 120 € pour le port de Marseille.
Cette situation serait due aux rémunérations très élevées des dockers et des conducteurs de cavaliers du port de Fort-de-France, qui disposent d'un pouvoir de blocage de l'île : d'après les informations délivrées par le directeur de la concurrence, le salaire moyen annuel d'un docker s'élève à 85 000 € et celui d'un « conducteur de cavalier » à 123 000 €.
L'écart du coût de la manutention portuaire entre les ports métropolitains et les ports antillais a été confirmé par les armateurs : ils estiment que cet écart, dû notamment à une masse salariale trop importante, atteint un rapport de 1 à 1,5.
- le poids des intermédiaires , plus nombreux dans les DOM qu'en métropole ;
- le poids des marges , notamment dans la grande distribution.
Ainsi, afin d'atteindre un niveau satisfaisant de transparence et de pouvoir stigmatiser et combattre certaines pratiques contestables et injustifiées, il est nécessaire de disposer des outils statistiques permettant une réelle surveillance du niveau et de la formation des prix.
Proposition n° 26 : Mettre en place les outils statistiques permettant une réelle surveillance du niveau et de la formation des prix dans les DOM. |