b) Des possibilités d'adaptation récemment renforcées
La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République a élargi les facultés d'adaptation du droit applicable dans les DOM.
(1) Une évolution vers davantage de souplesse
Depuis 2003, l'article 73 de la Constitution dispose que « les lois et règlements peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités. » Cette nouvelle formulation implique que l'adaptation n'a plus à être « nécessaire » ; il suffit, en définitive, qu'elle soit pertinente au regard des spécificités des DOM.
Article 73 de la Constitution « Dans les départements et les régions d'outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités. « Ces adaptations peuvent être décidées par ces collectivités dans les matières où s'exercent leurs compétences et si elles y ont été habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement. « Par dérogation au premier alinéa et pour tenir compte de leurs spécificités, les collectivités régies par le présent article peuvent être habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement, à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement. « Ces règles ne peuvent porter sur la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l'état et la capacité des personnes, l'organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l'ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral. Cette énumération pourra être précisée et complétée par une loi organique. « La disposition prévue aux deux précédents alinéas n'est pas applicable au département et à la région de La Réunion. « Les habilitations prévues aux deuxième et troisième alinéas sont décidées, à la demande de la collectivité concernée, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. Elles ne peuvent intervenir lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti. « La création par la loi d'une collectivité se substituant à un département et une région d'outre-mer ou l'institution d'une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités ne peut intervenir sans qu'ait été recueilli, selon les formes prévues au second alinéa de l'article 72-4, le consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités. » |
Cette plus grande ouverture n'a toutefois pas réduit à néant la possibilité pour le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État d'exercer un contrôle sur l'existence même de caractéristiques et contraintes particulières justifiant une adaptation, selon le cas, de la loi ou du règlement. Le Conseil constitutionnel a ainsi, après l'entrée en vigueur de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, censuré une disposition la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales prévoyant un transfert différé dans les DOM des personnels techniciens, ouvriers et de service des établissements d'enseignement, au motif que la situation dans ces départements ne différait pas suffisamment de celle rencontrée en métropole 12 ( * ) .
La révision constitutionnelle de 2003 a, en outre, permis une décentralisation du pouvoir d'adaptation du droit applicable dans les DOM .
Cette faculté d'adaptation peut désormais être exercée tant par le législateur ou le pouvoir réglementaire que par les départements et régions d'outre-mer eux-mêmes, « dans les matières où s'exercent leurs compétences et si elles y ont été habilitées par la loi ». Elle se double d'une faculté offerte aux départements et régions d'outre-mer de définir eux-mêmes, dans « un nombre limité de matières », des règles relevant du domaine de la loi ou du règlement. Cette dernière prérogative est néanmoins exclue pour La Réunion, dont les élus ont ainsi entendu marquer leur attachement au principe de l'assimilation.
Ces deux modalités d'exercice d'un pouvoir législatif ou réglementaire décentralisé ne peuvent toutefois pas concerner des matières « régaliennes », dont l'exercice ne peut par définition être transféré par l'État. L'article 73 de la Constitution en fournit la liste : la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l'état et la capacité des personnes, l'organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l'ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral. Cette énumération a néanmoins vocation à être complétée ou précisée, le cas échéant, par une loi organique.
En outre, un tel transfert ne peut intervenir lorsque sont en cause les « conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti ».
Organisée par l'article 73 de la Constitution , la procédure d'adaptation ou de détermination de règles relevant du domaine de la loi ou du règlement a vu ses conditions d'application précisées par la loi n° 2007-224 du 21 février 2007 portant dispositions institutionnelles et statutaires relatives à l'outre-mer.
La loi institue une procédure, relativement complexe , en trois phases 13 ( * ) :
- une demande d'habilitation, qui doit être formulée par l'assemblée locale concernée, indiquant les matières dans lesquelles l'adaptation ou la possibilité de fixer des règles localement est envisagée ainsi que la finalité des mesures souhaitées. L'avis du conseil économique et social régional est requis lorsque les matières dans lesquelles l'habilitation est sollicitée relèvent de sa compétence, mais il ne lie pas juridiquement le conseil général ou le conseil régional ;
- le vote d'une habilitation législative autorisant à adapter localement, dans des matières déterminées, les lois ou règlements ou à fixer les règles localement dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi. Cette habilitation peut résulter d'une loi spécifique ou d'une disposition particulière d'une loi n'ayant pas cet unique objet, insérée à l'initiative du Gouvernement ou d'un parlementaire, mais non d'une ordonnance prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution. Elle n'est valable que pour une durée maximale de deux ans à compter de la promulgation de la loi qui la comporte ;
- l'adoption par l'assemblée locale concernée, à la majorité absolue de ses membres, d'une délibération mettant en oeuvre l'habilitation obtenue. Cette délibération est soumise au contrôle juridictionnel du Conseil d'État, le préfet pouvant déférer cet acte devant cette juridiction, avec un effet suspensif de droit pendant trois mois.
La procédure prévue à l'article 73 de la Constitution a néanmoins fait l'objet d'un assouplissement à la faveur de la révision constitutionnelle intervenue à l'occasion de la loi n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Vème République.
Alors que jusqu'alors une habilitation de nature législative était imposée même pour adapter ou définir localement des dispositions réglementaires, il suffit désormais, lorsque l'adaptation ou la détermination des règles concerne des dispositions à caractère réglementaire, d'une habilitation de nature réglementaire .
Il s'agit à l'évidence d'une simplification heureuse et légitime, car il est inutilement contraignant et non juridiquement indispensable d'exiger l'adoption préalable d'un acte législatif d'habilitation. L'entrée en vigueur de cette disposition est néanmoins soumise à l'adoption d'une loi organique d'application.
Pour assurer l'application effective et faciliter la mise en oeuvre par les départements et régions d'outre-mer de leur pouvoir d'adaptation des dispositions législatives ou réglementaires applicables sur leur territoire, la mission souhaite que les articles L.O. 3445-6 et L.O. 4435-6 du code général des collectivités territoriales soient rapidement modifiés afin qu'elles soient cohérentes avec les nouvelles dispositions constitutionnelles.
* 12 Décision n° 04-503 DC du 12 août 2004.
* 13 Désormais mentionnées aux articles L. 3445-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, dans le cas d'une initiative du conseil général, et aux articles L. 4435-1 et suivants du même code, lorsque l'initiative provient du conseil régional.