(2) Une réponse de l'État à renforcer
La spécificité des atteintes à l'ordre public outre-mer a conduit l'État à renforcer et à adapter les moyens des services de police et de gendarmerie. La mission estime que le Gouvernement ne doit pas relâcher ses efforts afin de faire pleinement respecter outre-mer les lois de la République.
(a) Poursuivre l'adaptation des moyens aux contraintes opérationnelles des territoires
Les effectifs de la police nationale et de la gendarmerie nationale ont été fortement augmentés. Au total, 6 626 personnels de gendarmerie et de police sont affectés dans les quatre DOM, ce qui correspond, entre 2003 et 2008, à l'arrivée de 347 fonctionnaires supplémentaires. Ces renforts ont tout particulièrement profité aux services de la police nationale et aux départements de la Guadeloupe et de la Guyane. La gendarmerie nationale n'a bénéficié que de 62 postes nouveaux pendant cette période, alors que, selon le général Claude Vicaire, la population en zone de gendarmerie a cru de plus de 100 000 personnes.
Dans le même temps, les dispositifs opérationnels ont été réaménagés et sont aujourd'hui plus performants.
Pour renforcer les capacités de police judiciaire, des sections de recherche de la gendarmerie nationale ont ainsi été créées dans les quatre départements en 2007.
Par ailleurs, des groupements d'intervention régionaux (GIR) 199 ( * ) sont désormais institués dans les quatre DOM. Les GIR de Guyane, de Guadeloupe et de La Réunion bénéficient aujourd'hui d'unités d'organisation et de commandement (UOC) à caractère permanent, ce qui constitue un élément d'efficacité supplémentaire dans la lutte contre la délinquance organisée dans ces départements.
Surtout, la lutte contre l'orpaillage clandestin en Guyane a fait l'objet d'un renforcement considérable dans le cadre des opérations « Anaconda » et « Harpie » . La plus grande disponibilité des forces armées en Guyane pour ces opérations a conduit à d'incontestables résultats, en permettant de déstabiliser les filières à l'origine de ces activités illicites.
Le nombre d'opérations « Anaconda » n'a cessé d'augmenter, passant de 37 en 2003 à 113 en 2007. Elles ont donné lieu, pour l'année 2007, à la saisie ou la destruction de matériels estimés à 23 millions d'euros. À la suite de ces opérations, 691 étrangers en situation irrégulière ont été reconduits à la frontière.
Les 211 opérations « Harpie » qui leur ont succédé à compter du début de l'année 2008 ont permis des saisies et des destructions de matériels pour un montant de 28 millions d'euros. 624 étrangers en situation irrégulière ont été reconduits à la frontière à cette occasion. Elles se sont caractérisées par l'emploi de 360 hommes des forces armées en Guyane et de 150 gendarmes, ainsi que par l'utilisation de moyens héliportés et nautiques.
Le dispositif « Harpie » a été reconduit et renforcé depuis le 15 avril 2009, les opérations se concentrant sur le parc amazonien et sur les zones d'implantation amérindiennes. Ces opérations s'accompagnent désormais de l'institution de barrages fluviaux et terrestres destinés à bloquer les flux de clandestins et de moyens logistiques d'appui aux activités d'orpaillage.
Sur le plan juridique, la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer a renforcé les moyens juridiques de la lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane 200 ( * ) , en alourdissant les peines applicables 201 ( * ) et en facilitant les conditions d'interpellation et de garde à vue des personnes ayant participé à une activité de ce type.
Pour prendre en considération les difficultés liées à l'extraction de la forêt amazonienne des auteurs présumés d'activités d'orpaillage illégales, il est désormais prévu que lorsque le transfert des personnes interpellées dans le délai légal de la garde à vue soulève des difficultés matérielles insurmontables, le point de départ de la garde à vue peut exceptionnellement être retardé à l'arrivée dans les locaux du siège où cette mesure doit se dérouler et pour une durée ne pouvant excéder vingt heures 202 ( * ) .
De façon plus générale, si la mission salue les efforts déjà accomplis par l'État pour faire face aux défis posés par les atteintes à l'ordre public dans les DOM, elle insiste sur le fait que certains effectifs paraissent sous-dimensionnés par rapport aux tâches à accomplir .
Tel semble être le cas des services de la gendarmerie nationale, nonobstant le renfort permanent de neuf escadrons de gendarmes mobiles. À Kourou, en particulier, la mission estime que les effectifs de la gendarmerie ne sont plus adaptés à l'évolution quasi exponentielle d'une population désoeuvrée et sans véritable perspective d'avenir et d'emploi, alors même que la protection du centre spatial guyanais constitue une priorité d'action affichée du Gouvernement.
Dans un tel contexte, la mission demande que la réforme de la carte militaire ne mette pas à mal la participation des forces armées, notamment en Guyane, à des opérations de maintien de l'ordre ponctuelles ou d'aide aux victimes en cas de sinistres liés à des calamités naturelles, fréquentes outre-mer .
Selon la décision arrêtée par le Président de la République, quatre unités de l'armée seront en effet fermées à l'horizon 2011 dans les DOM : le 41ème Bataillon d'infanterie de marine de Baie-Mahaut (Guadeloupe) 203 ( * ) , le 33ème Régiment d'infanterie de marine de Fort-de-France 204 ( * ) et la Base aérienne 365 du Lamentin (Martinique), ainsi que la Base aérienne 181 de Sainte-Clotilde (La Réunion) 205 ( * ) . Ces décisions s'inscrivent dans une réorganisation plus générale des forces armées sur l'ensemble du territoire national, liée à l'évolution des rapports stratégiques ainsi qu'au renforcement de la présence française au sein de l'Otan.
La mission souligne néanmoins que la gravité des mouvements sociaux qu'ont connus les DOM au cours des derniers mois démontre l'intérêt d'une présence permanente d'un nombre suffisant de personnels militaires dans ces territoires afin de faire face à ces situations.
Proposition n° 95 : Poursuivre l'adaptation des dispositifs juridiques et de l'organisation des services chargés de l'ordre public aux spécificités de l'immigration irrégulière et de la délinquance outre-mer. |
* 199 Ces structures sont composées de policiers de la sécurité publique, de la police judiciaire, des renseignements généraux et de la police aux frontières, de gendarmes, de fonctionnaires des services fiscaux, de la concurrence et de la répression des fraudes, des douanes et de la direction départementale du travail et de l'emploi, chargées de la lutte contre la délinquance dans toutes ses formes.
* 200 Voir l'avis n° 240 (Sénat, 2008-2009) de M. Jean-Paul Virapoullé, fait au nom de la commission des lois, pp. 56-65.
* 201 Aux termes de l'article 141-1 du code minier, l'infraction d'orpaillage illégal s'accompagnant d'atteintes graves à l'environnement est punissable d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amendes. Dans le cas où elle est commise en bande organisée, ces peines seraient portées à dix ans d'emprisonnement et à 150 000 euros d'amende.
* 202 Article 141-4 du code minier.
* 203 Deux unités élémentaires PROTERRE (unités généralistes de l'armée de terre) seraient néanmoins maintenues.
* 204 Une unité élémentaire PROTERRE serait maintenue.
* 205 Un détachement de l'armée de l'air serait cependant maintenu.