B. UN SUIVI RENFORCÉ DES CRÉDITS D'ACTION SOCIALE
Les charges d'action sociale ont représenté 3,3 milliards d'euros en 2006 et 3,5 milliards en 2007 23 ( * ) .
Dans ses rapports de certification, la Cour des comptes prononce un jugement clairement négatif sur le suivi des crédits correspondants, déclarant que « l'ensemble des insuffisances relevées conduit à estimer qu'il existe une incertitude globale au regard de l'exhaustivité, de l'exactitude et de la séparation des exercices sur l'ensemble des charges de l'action sociale » 24 ( * ) .
Dans le détail, les trois principales critiques sont :
- le recours à un logiciel informatique (Sias 25 ( * ) ) insuffisamment fiable ; en particulier, l'audit informatique révélait que les montants calculés par le logiciel sont modifiables sans trace et que le calcul et la comptabilisation des charges à payer présentent un risque d'erreur élevé ;
- l'existence d'un écart important entre l'estimation et la réalisation au cours de l'exercice suivant en matière de charges à payer sur certains postes (prestations de service ordinaire, contrats « enfance », contrats « temps libre », contrats « enfance et jeunesse » 26 ( * ) ) ;
- l'absence de cadre méthodologique commun pour la réalisation, par les Caf, des contrôles sur pièces et sur place et le caractère lacunaire des remontées statistiques se rapportant à ces contrôles, lesquelles n'apparaissent « ni exhaustives, ni exactes ».
•
En ce qui concerne le Sias
, les
réponses écrites apportées par la Cnaf
27
(
*
)
révèlent une
volonté de mettre un terme aux deux séries d'anomalies
soulevées par la Cour :
- une version rénovée du système sera mise en place en mars 2009, permettant de bloquer toute possibilité de modifier les taux de financement des structures d'accueil collectives ;
- un processus d'uniformisation des modes de calcul et de comptabilisation des charges à payer a été conçu pour les principales prestations d'action sociale (« contrats enfance jeunesse » et ensemble des prestations de service ordinaire, à l'exception de l'aide à domicile) ; ce processus, qui intègre des phases obligatoires de contrôle et de validation par les agences comptables, a été inclus dans l'application Sias au cours du dernier trimestre de 2008.
Des interrogations subsistent cependant sur la qualité de Sias, dont les performances sont apparues d'emblée médiocres. Initialement conçue dans un contexte d'action sociale des Caf fortement décentralisée et dans une simple optique de paiement, cette application informatique n'est pas prévue pour piloter une action sociale qui représente aujourd'hui 4 milliards d'euros, ni une réponse aux exigences de la certification des comptes. Un projet « Sias 2 » est donc en cours de définition et a pour objectif de bâtir une nouvelle application prenant mieux en compte les attentes de la Cnaf et des directions de Caf, tout en facilitant les échanges de données avec les partenaires.
Il est indispensable que cette deuxième version permette d'assurer un suivi et un contrôle précis des dépenses d'action sociale.
• En ce qui concerne les problèmes
d'estimation prévisionnelle des charges à payer
, il
convient de souligner, à titre liminaire, la difficulté
réelle de l'exercice.
En effet, 90 % des crédits versés dans le cadre de l'action sociale correspondent à des aides collectives attribuées à des municipalités ou à des structures d'accueil. Or, celles-ci ne comptabilisent les recettes à recevoir au titre de l'année N qu'en N+1. Par conséquent, les Caf versent des acomptes en cours d'année N et procèdent, en fin d'année, à une évaluation des charges définitives à payer l'année suivante. Une régularisation intervient en N+1.
Les critiques de la Cour portent sur le caractère insuffisamment rigoureux de l'évaluation effectuée en fin d'année N. Selon le cas, les sommes provisionnées s'avèrent excessives ou, au contraire, insuffisantes.
On a ainsi constaté sur les comptes 2006 une surévaluation des charges de 27 millions d'euros répartie comme suit :
- une sous-évaluation de 14 millions d'euros sur les prestations de service ordinaire ;
- une surévaluation de 14 millions d'euros sur les contrats « enfance » ;
- une surévaluation de 27 millions d'euros sur les contrats « temps libre ».
La Cnaf a pris des engagements très concrets pour répondre aux observations de la Cour. Elle a notamment mis en place une procédure nationale prévoyant que des relevés réguliers d'activité doivent être transmis par les municipalités et les structures d'accueil aux Caf, afin que celles-ci disposent des informations indispensables à un arrêté des comptes exact.
En pratique, depuis 2008 :
- les versements d'acomptes et du solde aux partenaires (municipalités, associations, structures d'accueil) sont dorénavant conditionnés à la transmission préalable obligatoire aux Caf de leurs relevés d'activité ;
- les informations contenues dans ces relevés sont recueillies via un site Web spécifiquement dédié ;
- le système informatique oblige les Caf, lors de leurs opérations de fin d'exercice, à suivre une méthodologie commune et rigoureuse d'évaluation des charges à payer, censées garantir, conformément aux préconisations de la Cour des comptes, l'exhaustivité, l'exactitude des données comptables et la séparation des exercices.
La Cnaf a, par ailleurs, déclaré avoir effectué huit missions d'audit comptable et de contrôle budgétaire dans les Caf, en 2008, afin de vérifier la bonne application des consignes nationales.
Des espoirs raisonnables peuvent donc être placés dans l'utilisation des instruments mis en place par la caisse nationale. Il reviendra à la Cour d'en évaluer la pertinence et l'efficacité.
• Enfin,
en ce qui concerne l'absence de
cadre méthodologique commun pour la réalisation, par les Caf, des
contrôles sur pièces et sur place
28
(
*
)
et le caractère
lacunaire des remontées statistiques se rapportant à ces
contrôles
, la Cnaf a décidé de rénover son
protocole de travail. Celui-ci a été amélioré et,
surtout, s'applique dorénavant de façon homogène sur
l'ensemble du territoire.
Un premier test est en cours de réalisation avec l'utilisation de ce protocole dans le cadre d'un contrôle portant sur trois cents crèches, dont les résultats devraient être connus dans le courant du mois de février 2009.
Là encore, la mobilisation de la Cnaf est incontestable et les engagements pris ont été suivis d'effet. Il restera à vérifier concrètement les progrès réalisés au vu des résultats produits.
Enfin, au-delà des réponses aux exigences fixées par la Cour des comptes, la Cnaf a apporté à la Mecss des précisions sur les contrôles mis en place pour assurer le respect des objectifs financiers définis dans la Cog 29 ( * ) :
- les masses financières font tout d'abord l'objet d' un suivi dans leur globalité ; les caisses locales sont interrogées tous les mois sur leurs prévisions de dépenses à la fin de l'exercice, compte tenu du niveau atteint depuis le début de l'année ;
- les dépenses dites « de flux », c'est-à-dire correspondant aux nouveaux investissements, sont inscrites dans des enveloppes limitatives identifiées au sein de la masse globale des crédits ; des « verrous » sont placés sur ces enveloppes afin d'empêcher qu'elles ne progressent dans les faits plus rapidement que ne l'a prévu la Cog ; en pratique, le système informatique de l'action sociale (Sias) comporte des mécanismes régulateurs qui bloquent les progressions de crédits au-delà du seuil fixé par la Cog ; par ailleurs, les budgets des caisses locales « remontent » au niveau central et doivent être approuvés par la Cnaf qui peut ainsi procéder aux contrôles nécessaires ;
- en phase d'exécution, la Cnaf dispose d'instruments informatiques lui permettant de suivre en temps réel l'évolution des réalisations physiques ; par exemple, il existe une « base crèches » qui enregistre le contenu des projets d'investissement et les inflexions qu'ils reçoivent, le cas échéant, en cours de réalisation ; la caisse a ainsi le moyen de vérifier, pratiquement à tout moment, que les objectifs quantitatifs fixés dans la Cog sont respectés.
* 23 3,8 milliards et 4 milliards, respectivement, dans les comptes prévisionnels pour 2008 et 2009 (Source : commission des comptes de la sécurité sociale - septembre 2008).
* 24 Rapport de certification des comptes du régime général de sécurité sociale 2007, page 109.
* 25 Système d'information de l'action sociale.
* 26 Depuis le 1 er juillet 2006, les contrats « enfance » et « temps libre » sont remplacés par le contrat « enfance et jeunesse » (CEJ). Les contrats « enfance » et « temps libre » signés avant le 1 er juillet 2006 sont toujours valables. Destiné à soutenir la création et le fonctionnement de structures collectives d'accueil des jeunes âgés de moins de dix-huit ans, il est signé entre une Caf et une collectivité territoriale, ou un établissement public de coopération intercommunale, ou une entreprise, y compris une administration de l'Etat. Les prestations de service ordinaire (PSO) regroupent notamment le financement des relais assistante maternelle, de l'accompagnement scolaire et de la médiation familiale.
* 27 Cf. réponse de la Cnaf au questionnaire de la Mecss (question n° 7), en annexe au présent rapport.
* 28 Il s'agit des contrôles a posteriori, sur pièces et sur place, permettant de vérifier que les fonds déboursés ont bien été employés conformément aux objectifs fixés et que la réglementation a été correctement respectée.
* 29 Cf. compte rendu de l'audition du 17 décembre 2008, en annexe au présent rapport.