B. LA SITUATION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE DE L'ÎLE EST PARTICULIÈREMENT DIFFICILE

Le recensement effectué par l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) conclut à la présence de 186.452 habitants sur le territoire mahorais au 31 juillet 2007 7 ( * ) .

Comme votre rapporteur spécial a pu le constater sur place, la situation sociale de cette population mahoraise est très critique .

1. Des conditions de vie très précaires

a) Une population très jeune, qui croît rapidement et connaît de graves lacunes en matière d'éducation

La population mahoraise réside sur un territoire de 374 km², soit une densité par kilomètre carré proche de 500 habitants. Par ailleurs, cette population croît à un rythme particulièrement élevé, comme l'indique le tableau ci-après.

Evolution du nombre d'habitants à Mayotte de 1958 à 2007

Source : Insee

Le taux de croissance annuel moyen de la population s'établit à + 3,1 % sur la période 2002 - 2007, un taux largement supérieur à celui de la métropole, égal à + 0,6 % sur la période 1999 - 2006. La population mahoraise a ainsi presque doublé en 16 ans . Cette évolution se traduit par une proportion très importante de jeunes dans la population mahoraise. 71 % des Mahorais sont âgés de moins de 30 ans . Or, Mayotte connaît des difficultés à faire face à cette croissance de la population en termes d'éducation.

L'Insee indique, à ce sujet, que « le retard scolaire est une caractéristique marquante de la population scolaire mahoraise ». En effet, à la rentrée 2005, en CM2, un élève sur quatre avait trois ans ou plus de retard. Les retards s'accumulent jusqu'à la classe de terminale où moins d'un élève sur dix n'a pas de retard, tandis que plus de la moitié a redoublé au moins trois fois .

Ce constat résulte en partie du fait que le français n'est pas, pour la majorité des Mahorais, leur langue maternelle. La langue majoritairement parlée dans les foyers est le mahorais (ou shimaoré), qu'emploient 70 % de la population, 22 % utilisant couramment le bushi, dérivé du malgache.

b) Une espérance de vie élevée, malgré la permanence des épidémies tropicales

L'espérance de vie à la naissance des Mahorais était, en 2004, inférieure de près de 5 ans à celle de la population française dans son ensemble pour les hommes (72 ans contre 76,7 ans) et de près de 8 ans pour les femmes (76 ans contre 83,8 ans).

Cette différente résulte notamment des conditions d'hygiène décrites ci-après, ainsi que des épidémies très fréquentes sur l'île. En 2005, Mayotte a notamment été frappée par 514 cas de paludisme, l'épidémie de chikungunya et une épidémie de rougeole.

La directrice des affaires sanitaires et sociales de Mayotte, que votre rapporteur spécial a rencontrée, a par ailleurs fait état de la persistance d'autres maladies infectieuses tropicales telles que la diphtérie, le choléra ou la lèpre. Elle a relevé que ces maladies s'ajoutaient à l'émergence assez vive des « maladies de civilisation » telles que le diabète 8 ( * ) et les cancers.

c) Des conditions de logement particulièrement difficiles

Le recensement des logements mahorais est rendu difficile par l'importance du nombre de « bangas », c'est-à-dire d'habitations de fortune. Votre rapporteur spécial a pu constater sur place l'étendue des zones de bidonvilles sur le territoire mahorais . L'agglomération de Mamoudzou, capitale économique de l'île, consiste ainsi en un centre composé de constructions « en dur », mais où s'entremêlent des zones de bidonvilles. Ces bidonvilles s'étendent, par ailleurs, largement sur les collines qui entourent l'agglomération. Plus ils sont élevés sur les hauteurs, moins les constructions sont solides et plus les conditions d'hygiène sont mauvaises.

Sur le reste du territoire, certains villages important sont constitués uniquement de ces habitations précaires, bâties en tôle sur des terrains parfois menacés de glissement. Les conditions d'hygiène peuvent y être qualifiées de catastrophiques, ces zones n'étant majoritairement pas raccordées aux réseaux sanitaires, les « égouts » coulant ainsi au bord des habitations. Le médecin général de santé publique rencontré par votre rapporteur spécial a notamment relevé qu'un des problèmes importants était l'absence de traitement des ordures, qui restent fréquemment entreposées au bord des routes et des habitations.

Exemples de logements insalubres dans la périphérie de Mamoudzou

Exemples de logements insalubres dans la périphérie de Mamoudzou

Bidonvilles sur les hauteurs de Mamoudzou

Bidonvilles sur les hauteurs de Mamoudzou

Dans ces conditions, votre rapporteur spécial estime que la réalité dépasse peut-être les chiffres de l'Insee, déjà inquiétants, qui évaluent le nombre de logements sans eau ni électricité à 22,3 % des résidences principales .

Enfin, en matière de logement, Mayotte subit la baisse de la construction de logements sociaux en outre-mer décrite dans le dernier rapport de votre rapporteur spécial sur ce sujet 9 ( * ) . En effet, le nombre d'opérations de logement social réalisées à Mayotte a diminué de 509 en 2005 à 120 en 2007. Le secrétariat d'Etat à l'outre-mer estime par ailleurs que « les données concernant Mayotte reflètent la « panne » du système de production, dont la restructuration sera l'une des priorités du gouvernement dans son élaboration des modalités d'accompagnement du processus de départementalisation de Mayotte » 10 ( * ) .

2. Un revenu annuel moyen inférieur au tiers de celui de la métropole

L'estimation de la production mahoraise est rendue difficile par l'importance supposée de l'économie non déclarée. Les dernières estimations, fournies par l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM) 11 ( * ) évaluent à 3.960 euros le PIB par habitant en 2001, à comparer, à la même date, au PIB par habitant de 24.523 euros en France métropolitaine. En 2001, la production par habitant à Mayotte était donc égale à 16,1 % de la production par habitant de France métropolitaine .

Les revenus des Mahorais sont sensiblement plus élevés que la seule production locale, du fait notamment des transferts de revenus des populations mahoraises de métropole. Calculé par ménage, et non plus par individu, le revenu annuel moyen mahorais est évalué en 2005 à 9.337 euros, contre 29.696 euros en métropole. Au sein de la population mahoraise, il convient toutefois de distinguer les personnes qui sont d'origine mahoraise. L'Insee relève ainsi que « les Français qui ne sont pas d'origine mahoraise ont un niveau de vie annuel moyen de 16.770 euros ; celui des Français originaires de Mayotte s'élève à 3.515 euros » 12 ( * ) . Cet écart révèle, d'une part, que la majorité de la population mahoraise vit avec un revenu moyen égal à moins de 12 % du revenu moyen français dans son ensemble et, d'autre part, que la répartition des revenus dans la société mahoraise est très inégale.

Enfin, le salaire minimum applicable à Mayotte est un salaire interprofessionnel garanti (SMIG) différent du salaire interprofessionnel de croissance (SMIC) de la métropole. En 2006, le SMIG mahorais brut était égal à 4,01 euros par heure, soit moins de la moitié du SMIC métropolitain, égal à 8,15 euros par heure.

La répartition du revenu des mahorais est un indice des conditions de vie difficiles. Ainsi, les dépenses sont tout d'abord consacrées à l'alimentation : près de 40 % du budget contre 15 % pour la population métropolitaine. 16 % du budget alimentaire est, par ailleurs, utilisé pour les achats de riz.

Les taux d'équipement des ménages en divers équipements sont également le reflet des difficultés de la population mahoraise. Ainsi, selon les derniers chiffres rendus publics par l'Insee 13 ( * ) , seuls 44,4 % des ménages mahorais disposaient en 2002 d'un réfrigérateur, 12,9 % d'un lave-linge, 34,9 % d'un téléphone et 19,4 % d'une automobile.

3. L'absence des bases économiques nécessaires au développement du territoire

La situation sociale de Mayotte est le reflet de la situation économique précaire du territoire.

a) La faiblesse de l'économie productive

Selon les informations recueillies par votre rapporteur spécial auprès du directeur de l'emploi, du travail et de la formation professionnelle à Mayotte, seules 31 entreprises de plus de 50 salariés sont présentes sur le territoire mahorais , ce chiffre étant selon lui quatre fois inférieur à celui des plus petits départements métropolitains.

Par ailleurs, sur les 7.000 entreprises immatriculées au 31 décembre 2005 auprès de la chambre professionnelle de Mayotte, 92 % sont des commerçants travaillants seuls ou en famille, sans aucun salarié. L'essentiel de l'emploi se concentre dans le secteur de la construction qui regroupe plus du tiers des salariés.

Le secteur agricole présente aussi des faiblesses importantes. La bananeraie et la cocoteraie représentent, à elles seules, près de 45 % des surfaces cultivées. Les productions sont majoritairement utilisées pour la consommation domestique. Toutes cultures confondues, il apparaît d'ailleurs que le tiers seulement des ménages agricoles déclarent vendre ou échanger tout ou partie de leurs productions , ce qui montre l'importance de l'autoconsommation à Mayotte .

Enfin, l'étude des échanges commerciaux indique clairement que Mayotte est extrêmement dépendante de l'extérieur et ne parvient pas à exporter ses productions en masse. Le taux de couverture des importations par les exportations est de 1,9 % ; le montant, en valeur, des importations s'étant élevé en 2005 à 274 millions d'euros pour un montant d'exportations de 5 millions d'euros.

b) Un taux de chômage estimé, de l'ordre de 22 % à 23 %

Au 31 décembre 2005, le nombre de demandeurs d'emplois à Mayotte inscrits à la direction du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle s'élevait à 12.920. Le taux de chômage est toutefois difficile à évaluer sur le territoire, comme l'a indiqué à votre rapporteur spécial le directeur du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur spécial, le système d'indemnisation des chômeurs applicable à Mayotte diffère en effet largement du système métropolitain. Seules peuvent en bénéficier les personnes ayant subi un licenciement économique ou ceux qui sont sans emploi à l'issue d'un contrat à durée déterminée de plus de 12 mois. Par conséquent, la majorité des actifs sans emplois à Mayotte n'a aucun intérêt à s'inscrire à la direction du travail de l'emploi et de la formation professionnelle. Son directeur a indiqué à votre rapporteur spécial être, en raison de l'absence d'un système d'indemnisation de masse, dans l'incapacité d'assurer la fiabilité du taux de chômage qu'il a évoqué, de l'ordre de 22 % à 23 % de la population active .

* 7 Insee infos, n° 32, novembre 2007.

* 8 Le médecin général de santé publique rencontré à Mayotte par votre rapporteur spécial a relevé que le diabète à Mayotte était partiellement dû à la pratique persistante du « gavage » des femmes.

* 9 « Des ambitions aux réalisations : retour sur deux ans de politique du logement en outre-mer », Henri Torre, n° 355 (2007-2008).

* 10 Réponse aux questionnaires adressés par votre rapporteur spécial au secrétariat d'Etat à l'outre-mer.

* 11 « Mayotte en 2006 », Institut d'émission des départements d'outre-mer, édition 2007.

* 12 Insee infos, n° 28, février 2007.

* 13 Insee Mayotte, édition 2006 / 2007.

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