CONTRIBUTION DE GILBERT BARBIER, SÉNATEUR DU JURA
Faut-il ou non autoriser les « mères porteuses », pour reprendre la terminologie plus triviale que la « maternité pour autrui » ?
Alors que cette pratique est interdite en France depuis 1994, la question a récemment rejailli dans le débat public à la faveur d'une récente décision de la cour d'appel de Paris, qui a reconnu la filiation entre un couple français et des jumelles nées d'une mère porteuse américaine.
Plusieurs instances, dont le Sénat, ont décidé de se saisir du problème, notamment dans la perspective de la révision des lois de bioéthique l'année prochaine.
Le groupe de travail sur la maternité pour autrui a mené de nombreuses auditions. A l'issue de ses travaux, il apparaît que certains éléments peuvent plaider en faveur d'une évolution de la législation.
Les pratiques de PMA et l'adoption ne répondent pas à toutes les situations, à tous les désirs d'enfant. Certains couples n'hésitent pas à se rendre à l'étranger où la loi est plus souple ou inexistante sur le recours à la « mère porteuse ».
Ce tourisme procréatif, favorisé par l'accès à l'information via Internet, se développe dans des conditions médicales ou juridiques parfois précaires. De surcroît, les familles se retrouvent à leur retour en France dans un imbroglio juridique dont les enfants sont les premières victimes.
La demande de ces couples, souvent en détresse, doit certes être entendue. Mais, les exemples étrangers ne sauraient conduire à plébisciter « le moins-disant éthique ».
Plutôt qu'une légalisation du recours à la maternité pour autrui, une exception à l'interdiction, sur le modèle du donneur vivant pour le don d'organe, serait envisageable.
A titre personnel, la seule exception qui me paraît devoir être retenue concerne les couples hétérosexuels mariés ou pacsés, lorsque la femme est dans l'impossibilité de porter un enfant, soit par malformation utérine reconnue ou à la suite d'une hystérectomie, soit en raison d'une pathologie grave mettant en danger son pronostic vital ou celui de l'enfant (diabète, problème cardiovasculaire, maladies infectieuses chroniques, etc ....).
Dans ce cas, le recours à une telle pratique peut être légitime, à la condition néanmoins que l'enfant soit conçu à partir des seuls gamètes (sperme et ovocytes) du couple, afin d'éviter une parentalité fragmentée.
L'autorisation serait accordée par une commission ad hoc, chargée d'apprécier la demande et de vérifier le consentement éclairé de la « mère porteuse ».
En tout état de cause, une possible évolution de la loi en ce sens ne pourra se faire qu'avec beaucoup de précaution. Elle devra surtout être suffisamment précise pour encadrer juridiquement et scientifiquement cette pratique.
Car, une telle réforme pose de multiples questions. Que se passera-t-il notamment si la « mère porteuse » perd l'enfant et que les parents intentionnels estiment que son comportement en est la cause ? En cas de handicap lourd décelé avant terme, ces derniers pourront-ils exiger une interruption volontaire de grossesse, avec les risques que cela comporte pour l'intéressée ? Enfin, comment éviter la non remise de l'enfant après accouchement ?
Toutes ces questions, non exhaustives, devront être réglées.
Un certain nombre de conflits seraient sans doute évités si la filiation légale est établie dès le début de la gestation, la « mère porteuse » renonçant formellement à tout droit sur l'enfant à naître et, parallèlement, le couple intentionnel s'engageant à l'accueillir quels que soient les aléas.
En toute hypothèse, la nouvelle loi devrait être applicable pour une durée limitée de cinq à sept ans dans un premier temps et faire l'objet d'un bilan avant prorogation.