2. La poursuite de la « déverticalisation » du secteur des semiconducteurs
Dans les années soixante, l'industrie des semiconducteurs s'est développée conformément au modèle d'une intégration verticale totale.
Une société comme Motorola assurait alors en R&D la fabrication des équipements, le design complet des architectures, les tests, la production et l'encapsulage.
Depuis longtemps, pour répondre à la complexification du secteur, beaucoup de ces fonctions ont été externalisées : la conception et la fabrication des équipements, les logiciels de conception assistée par ordinateur ne sont pas, en majeure partie, assurés par les fabricants de composants.
Depuis quelques années, la structure elle-même des sociétés de fabrication de semiconducteurs a fait l'objet d'évolutions divergentes.
Compte tenu de la hausse des coûts décrite antérieurement, de moins en moins d'acteurs sont en mesure d'assurer l'ensemble des opérations de recherche, de développement technologique et d'industrialisation.
Dès lors, à côté des sociétés intégrées (IDM - Integrated Devices Manufacturer) se développent deux autres catégories d'intervenants :
Les « fabless », c'est-à-dire les sociétés sans capacités de production : elles se concentrent sur les activités les plus rentables et les moins mobilisatrices en capitaux et lancent sur le marché de nouvelles applications en ne développant que la conception du système global dont les couches logicielles, les composants étant fournis par les fonderies ou les sociétés intégrées.
Les fonderies qui sont spécialisées dans la fabrication en volume de semiconducteurs, tirant profit du caractère capitalistique de cette industrie. Ces fonderies, extrêmement robotisées, sont principalement installées à Taïwan où ce concept a été inventé à la fin des années 80. Il s'agissait alors de se positionner dans des secteurs novateurs et d'éviter la concurrence des puissants producteurs intégrés. Aujourd'hui, deux entreprises, TSMC et UMC détiennent respectivement 50 % et 19 % du marché mondial de la fabrication de circuits intégrés en sous-traitance.
3. Le développement des alliances, une réponse à l'augmentation des coûts
Les entreprises de semiconducteurs consacrent entre 15 et 20 % de leur chiffre d'affaires à la recherche et développement. Néanmoins, compte tenu du coût de développement d'une technologie (750 millions de $ pour le 45 nm, 1 milliard de $ pour le 32 nm), aucune, à l'exception notable d'Intel 4 ( * ) n'est capable de fournir seule l'effort financier nécessaire.
Comme il a été indiqué précédemment, certaines y ont renoncé, concentrant leurs efforts sur le design et laissant les fonderies développer la technologie.
Les autres ont été obligées de créer des alliances afin de partager les coûts.
- L'alliance de Crolles 2
Telle était la finalité de l'alliance de Crolles 2 signée en 2002 pour une durée de cinq ans entre STMicroelectronics, NXP et Freescale . Un laboratoire-centre de recherche commun a été créé pour développer les générations CMOS 5 ( * ) 90 nm, 65 nm et 45 nm et les options dérivées à haute valeur ajoutée (analogique, radiofréquence, mémoires embarquées). Par ailleurs, une ligne de production pilote pour des tranches de silicium de 300 mm a été réalisée dans le but d'accéder plus rapidement à la production en volume des circuits fabriqués à partir de ces nouvelles technologies.
Cette alliance a été un succès dans la mesure où elle a atteint ses objectifs.
Toutefois, elle n'a pas été prolongée à la suite de la défection successive de NXP puis de Freescale au début de l'année 2007. Selon les responsables de STMicroelectronics, le dimensionnement de l'alliance était devenu trop petit pour achever le développement des technologies 32 nm et 22 nm et il aurait fallu trouver deux partenaires supplémentaires avec qui partager les coûts.
- L'alliance IBM
Cette alliance a commencé il y a 15 ans dans le domaine des DRAM avec Toshiba et Infineon. Elle repose sur le constat suivant : alors que le chiffre d'affaires d'IBM croît de + 6,5 % par an, ses dépenses en R&D augmentent de +12 %. Pour maintenir sa profitabilité, IBM doit donc contenir ses coûts à travers le développement de coopérations.
Aujourd'hui, l'alliance réunit 8 entreprises (Samsung, 2 ème mondial ; Toshiba, 3 ème mondial ; STMicroelectronics, 5 ème mondial ; Sony, 8 ème mondial ; Infineon, 10 ème mondial ; AMD ; Freescale et IBM) dont le chiffre cumulé s'élève à 60 milliards de $. Elle est la référence au niveau mondial et n'a pas équivalent ailleurs même si TSMC essaie de monter sa propre alliance en s'inspirant de ce modèle.
L'alliance propose quatre types de coopération :
- une coopération en matière de recherche fondamentale ;
- une coopération pour le développement des technologies CMOS bulk 32 nm et 22 nm ;
- une coopération pour le développement des technologies CMOS sur SOI (Silicium sur isolant) ;
- une plateforme commune de production.
Les objectifs de cette alliance peuvent être résumés de la manière suivante :
- mutualiser les coûts de développement des technologies clés ;
- imposer les choix technologiques effectués comme des standards ;
- apparaître en matière de fabrication des puces comme une alternative crédible à TSMC.
Dans l'accord entre STMicroelectronics et IBM signé en 2007, il est convenu qu'IBM rejoigne STMicroelectronics à Crolles pour le développement des technologies dérivées dans le cadre d'un cluster que STMicroelectronics essaie de constituer et dont IBM sera le premier membre extérieur. Dans ce cadre, STMicroelectronics envoie une équipe d'ingénieurs sur le site de East Fishkil. En contrepartie, IBM détache un groupe de salariés sur le site de Crolles. IBM s'engage également à aider STMicroelectronics à étendre son réseau de coopérations à Crolles.
En ce qui concerne la fabrication des produits issus de l'alliance, il est prévu que les technologies CMOS bulk 32 nm et 22 nm seront transférées à Crolles pour la fabrication en volume des circuits intégrés pour les clients de STMicroelectronics. Parallèlement, les technologies développées à Crolles seront mises en production à Crolles puis transférées à East Fishkill. STMicroelectronics pourra utiliser les capacités de production de la plateforme commune, mais reste également libre de faire appel à d'autres fondeurs.
* 4 Avec un chiffre d'affaires de près de 34 milliards de dollars, Intel reste le leader incontesté dans le domaine des semiconducteurs. En outre, il a réussi à externaliser une grande partie de sa recherche la plus en amont à travers le développement de partenariats très étroits avec des universités, ce qui lui permet de limiter ses engagements financiers dans des proportions acceptables.
* 5 CMOS : Complementary Metal Oxyde Semiconductor. Ce terme désigne une technologie de fabrication de composants électroniques.