EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 18 juin 2008, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a entendu une communication de Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial, sur le suivi des procédures d'infraction au droit communautaire de l'environnement.

M. Jean Arthuis, président , a vu dans cette troisième édition des travaux de Mme Fabienne Keller sur le droit communautaire de l'environnement le signe d'une certaine persévérance dans le contrôle budgétaire, en même temps qu'une actualisation très opportune, au moment où la France s'apprête à prendre la présidence de l'Union européenne.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial , a tout d'abord rappelé que le secteur de l'environnement était celui où le plus grand nombre d'infractions était examiné par la Commission européenne, et que les dossiers environnementaux parvenaient à des stades de la procédure plus avancés que dans le cadre d'autres politiques communautaires. Par ailleurs, ces infractions résultent majoritairement de plaintes adressées à la Commission européenne et des initiatives propres de cette dernière, ce qui témoigne du rôle primordial joué par les citoyens européens dans l'éclosion des procédures environnementales et démontre que la Commission fait des pré-contentieux et contentieux un levier d'action privilégié.

Elle s'est félicitée de ce que l'amélioration de la situation française se confirme : aucune nouvelle procédure d'infraction n'a été lancée dans le domaine environnemental en 2008 et la stratégie de traitement à la source des pré-contentieux semble efficace. Néanmoins, avec 6 procédures au titre de l'article 228 et 41 procédures au titre de l'article 226 ouvertes dans le seul champ du droit communautaire de l'environnement, la France se place toujours au quatrième rang des Etats membres les plus affectés par des procédures d'infraction, derrière l'Italie (82), l'Espagne (79), et le Royaume-Uni (52).

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial , a également relevé l'amélioration des performances françaises en matière de transposition des directives. Sur les 10 « procédures 226 » les plus sensibles, 6 cas demeurent toutefois liés à des transpositions non conformes ou non opérées. Cette proportion doit encourager notre pays à accélérer la mise en oeuvre des réformes récemment conduites pour améliorer l'insertion des normes communautaires dans le droit national.

M. Michel Charasse a souscrit à cette analyse, relevant que 78 directives restaient à transposer.

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial , a rappelé que 4 des 6 « procédures 228 » ouvertes dans le domaine de l'environnement présentaient un risque de condamnation supérieur à 50 % et avaient donné lieu à des provisions pour litiges d'un montant total de 367 millions d'euros. Elle est ensuite revenue :

- sur la procédure liée à la non-transposition partielle de la directive OGM, dans laquelle l'avocat général auprès de la Cour de justice des Communautés européennes avait rendu ses conclusions. La France a effectivement manqué à ses obligations, motif pour lequel la condamnation à une astreinte journalière de 235.764 euros est recommandée ;

- sur l'affaire des nitrates de Bretagne, dans le cadre de laquelle la France avait obtenu un ultime sursis de la part de la Commission, au prix d'un ambitieux plan d'action mobilisant 60 millions d'euros sur cinq ans et destiné à réduire d'un tiers des apports azotés et à fermer les 4 prises d'eau les plus dégradées. Elle a vu dans cette décision « in extremis » de la France le symptôme d'une insuffisante réactivité, à laquelle il faudra préférer, à l'avenir, un traitement efficace et précoce des procédures naissantes ;

- sur l'affaire liée au non-respect de la directive « Eaux résiduaires urbaines ». Cette procédure a franchi une étape supplémentaire avec l'envoi d'un avis motivé de la Commission, qui reproche à la France de n'avoir pas soumis à un traitement plus rigoureux les rejets d'eaux urbaines d'un grand nombre d'agglomérations, et d'avoir tenté de soustraire certaines d'entre elles à l'application de la directive. Nonobstant la mise en place d'un dispositif tendant à la résorption des cas de non-conformité, le risque de saisine de la Cour de justice demeure élevé.

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial , a reconsidéré les conclusions de l'avocat général dans l'affaire « OGM ». Si elles étaient suivies par la Cour, elles remettraient en cause plusieurs éléments de la doctrine de la Commission en matière de sanctions pécuniaires, en les assouplissant.

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial , a ensuite évoqué les éléments de contexte communautaire qui tendaient à renforcer l'obligation de résultat pesant sur les Etats membres. Elle a tout d'abord relevé que, dans une communication du 5 septembre 2007, la Commission entendait améliorer ses méthodes en matière de prévention et de gestion des infractions, notamment sous la forme d'une expérience pilote - à laquelle la France ne prend pas part - permettant aux Etats membres de se mettre directement en relation avec l'auteur d'une plainte ou d'une demande de renseignement. La Commission souhaite également traiter en priorité, et dans des délais plus brefs, les infractions liées à la non-notification de mesures nationales de transposition et les procédures faisant suite à un premier arrêt en manquement. Elle a indiqué que la volonté, exprimée par la Commission, d'accélérer le traitement des affaires s'était déjà traduite par un accroissement du rythme des réunions dédiées au passage en revue des infractions.

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial , a observé que la médiatisation des procédures d'infraction constituait un outil précieux à la disposition de la Commission, dont la France a déjà éprouvé l'âpreté. Cette médiatisation est renforcée par l'habitude de la Commission de dresser des « listes noires » d'Etats membres en infraction sur un sujet déterminé.

Parallèlement aux initiatives de la Commission, le rapporteur spécial a indiqué que le traité de Lisbonne était susceptible d'avoir un impact substantiel sur la gestion de certaines procédures d'infraction, en permettant, par exemple, le prononcé d'une sanction pécuniaire dès le premier arrêt en manquement pour les cas de défaut de transposition. De surcroît, le Parlement européen joue désormais un rôle non négligeable dans le contrôle de l'application du droit communautaire, en encourageant la Commission à faire preuve de volontarisme et de fermeté et en menant des réflexions sur l'implication de ses propres commissions permanentes.

S'agissant de la réponse apportée par la France à ces nouveaux enjeux, Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial , a estimé que les administrations nationales avaient désormais bien intégré les contraintes communautaires. Les améliorations constatées concernent aussi bien la transposition des directives que la gestion des procédures d'infraction en cours. Des bénéfices sont ainsi attendus de la réorganisation de l'administration centrale du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (MEEDDAT), afin de regrouper les fonctions juridiques et internationales autrefois éparpillées au sein de chaque direction. Le MEEDDAT s'attache également à développer les études d'impact de la législation communautaire en cours d'élaboration, grâce à une systématisation progressive de l'évaluation au regard du développement durable prévue dans le cadre du Grenelle de l'environnement.

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial , s'est également félicitée de ce que les exigences liées au respect du droit communautaire de l'environnement transparaissaient désormais clairement dans les documents budgétaires accompagnant le projet de loi de finances et le projet de loi de règlement. Le projet annuel de performances (PAP) de la mission « Ecologie, développement et aménagement durables » contient notamment des indicateurs de performance relatifs à l'effort de transposition des directives ou directement corrélés à l'application du droit communautaire de l'environnement. Elle a toutefois suggéré que l'ensemble de ces éléments soit complété par la création d'un indicateur lié à l'évolution du montant des provisions pour litiges communautaires, de nature à éclairer le Parlement sur l'évolution des risques encourus et sur nos résultats en matière de respect du droit communautaire de l'environnement.

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial , a jugé indispensable l'implication des Parlements nationaux dans le contrôle du respect du droit communautaire de l'environnement. L'initiative parlementaire peut notamment contribuer à améliorer les performances françaises en matière de transposition des directives. Elle s'est déclarée convaincue que les parlementaires seraient d'autant plus conscients des enjeux liés au respect du droit communautaire qu'ils bénéficieraient d'un accès immédiat et transparent à l'information disponible.

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial , a enfin cité les initiatives prises pour mieux associer les collectivités territoriales aux processus décisionnels communautaires, parmi lesquelles la création d'une commission nationale des exécutifs locaux, ou la réunion trimestrielle d'un groupe de travail technique associant le Secrétariat général des affaires européennes et les correspondants sectoriels des associations de collectivités territoriales. Elle a également salué la création, à l'initiative de M. Alain Lambert, d'une commission consultative d'évaluation des normes chargée d'émettre un avis sur les propositions de textes communautaires ayant un impact technique et financier sur les collectivités territoriales et leurs établissements publics.

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial , a conclu en relevant la sensibilisation accrue des administrations nationales aux enjeux liés au respect du droit communautaire de l'environnement. Elle a rappelé que les effets des nouvelles procédures mises en oeuvre et des réformes accomplies au niveau national ne sauraient être sensibles qu'à moyen terme. Partant, le seul indicateur de performance pertinent sera la baisse effective du nombre de procédures d'infraction ouvertes contre la France et de condamnations à déplorer.

M. Jean Arthuis, président , a relevé qu'un hiatus pouvait exister entre l'adoption « enthousiaste » de normes communautaires ambitieuses et la relative inertie qui caractérisait parfois leur mise en oeuvre.

M. Michel Charasse a considéré que le cumul d'une astreinte et d'une amende sous forme de somme forfaitaire par la Cour de justice n'était pas conforme au traité, qui prévoyait que ces sanctions devaient être alternatives. Il a par ailleurs jugé insuffisante l'évaluation de l'impact des directives sur les collectivités territoriales, alors même que ces dernières étaient souvent chargées de les mettre en oeuvre, notamment dans le domaine de l'eau. A cet égard, il s'est interrogé sur le rôle joué par le Comité des régions dans le processus d'élaboration de la norme communautaire.

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial , a rappelé que les conclusions de l'avocat général dans l'affaire « OGM » précisaient que le prononcé d'une somme forfaitaire n'était approprié qu'en cas de circonstances aggravantes et témoignaient d'une approche mesurée. Elle a confirmé l'insuffisance des études d'impact pour les collectivités territoriales.

MM. Jean Arthuis, président , et Michel Charasse ont souscrit à la nécessité d'accroître la publicité des informations entourant notamment les procédures d'infraction.

M. François Marc s'est interrogé sur l'issue du contentieux relatif aux OGM, compte tenu de l'adoption récente d'un projet de loi par la France. Il a également souhaité savoir si les collectivités territoriales seraient susceptibles d'assumer le poids d'une éventuelle condamnation pécuniaire dans l'affaire des nitrates de Bretagne.

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial , a rappelé que le Gouvernement considérait que la transposition par décrets de la directive OGM était complète, et avait procédé à des compléments rédactionnels dans le cadre du dernier projet de loi. Elle a toutefois regretté qu'un débat aussi crucial se soit déroulé sous la « pression » d'un contentieux communautaire pendant. S'agissant de l'affaire des nitrates en Bretagne, elle a indiqué ne pas avoir connaissance de l'imputation d'une éventuelle sanction pécuniaire sur les collectivités territoriales, puis a présenté les modalités de financement du « plan d'urgence nitrates ».

M. Michel Charasse a rappelé que, si les autorités communautaires étaient indifférentes à la déclinaison territoriale des compétences au sein des Etats membres, les collectivités assumaient bel et bien la responsabilité opérationnelle de la mise en oeuvre de certaines directives, et que l'Etat disposait des moyens de les y contraindre.

M. Charles Guené n'a pas désapprouvé le fait d'intéresser, dans certains cas, les collectivités territoriales aux pénalités financières, ce qui pourrait les inciter à agir promptement, puis M. Christian Gaudin a souhaité connaître les performances comparées de la France en matière d'eau et de déchets.

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial , a rappelé que l'eau et les déchets représentaient 38 % du total des procédures ouvertes contre la France, et indiqué qu'elle ne disposait pas de telles statistiques pour les autres Etats membres. Elle a toutefois relevé que l'Allemagne appliquait les normes communautaires en matière de déchets de manière beaucoup plus efficace, grâce à des performances de traitement historiquement très élevées.

M. Jean Arthuis, président , a jugé nécessaire d'améliorer nos méthodes de gouvernance, afin de ne plus avoir à agir sous la pression de procédures contentieuses.

La commission a alors donné acte au rapporteur spécial de sa communication et a décidé, à l'unanimité, d'en autoriser la publication sous la forme d'un rapport d'information.

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