TRAVAUX DE LA COMMISSION : AUDITION SUR LE RÉFÉRÉ DE LA COUR DES COMPTES RELATIF À L'INSTITUT DU MONDE ARABE (IMA)
Présidence de M. Jean Arthuis, président
Séance du 27 mai 2008
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Ordre du jour
Audition de MM. Dominique BAUDIS, président de l'Institut du monde arabe (IMA) , Mokhtar TALEB-BENDIAB, directeur général , François BAUDET, directeur général adjoint, Alain PICHON, président de la 4 eme chambre de la Cour des comptes, et Jean FÉLIX-PAGANON, directeur Afrique du Nord et Moyen-Orient au ministère des affaires étrangères et européennes.
M. Jean Arthuis, président - La séance est ouverte.
Cette audition est consacrée à la situation et à la gestion de l'Institut du monde arabe. Elle est ouverte aux membres de la commission des affaires culturelles et je me réjouis d'accueillir mon collègue Jacques Valade ; elle est également ouverte aux membres de la commission des affaires économiques et de la commission des affaires étrangères.
L'Institut du monde arabe est une institution singulière. Pour ses visiteurs, il est un centre culturel prestigieux, connu pour ses grandes expositions patrimoniales. Selon le Quai d'Orsay, qui supporte le paiement d'une subvention de fonctionnement de 12,6 millions d'euros et suit l'évolution de l'Institut à défaut d'en assurer la tutelle, il s'agit d'une organisation internationale. Sur un plan juridique, l'Institut du monde arabe est une fondation de droit privé, au sein de laquelle siègent des ambassadeurs des Etats arabes, mais aucun représentant de notre pays. Ce caractère insaisissable donne à l'Institut du monde arabe une originalité reconnue. Il est aussi à l'origine de dysfonctionnements qui ont jalonné sa gestion depuis son ouverture en 1987.
La Cour des comptes a consacré pas moins de cinq contrôles à l'Institut qui, à chaque fois, l'ont conduit à formuler des critiques persistantes soulignant son incapacité à empêcher une dérive tant stratégique que financière et à parvenir « à déterminer ce que devait être sa place parmi les grandes institutions culturelles parisiennes ». Un rapport de l'Inspection générale des finances de 2005 allait même jusqu'à préconiser la fermeture de certains départements, comme la bibliothèque. Les parlementaires ont aussi très tôt formulé leurs inquiétudes sur la gestion de l'Institut du monde arabe.
Le référé de la Cour des comptes relatif à la période 2003 2006, transmis au Premier ministre le 11 décembre 2007 et qui n'a pas à notre connaissance répondu, a été communiqué à notre commission des finances le 25 avril dernier. Il souligne, une fois encore, la gravité des défaillances pour la période concernée. Malgré les efforts de votre prédécesseur, Monsieur le Président Baudis, le déficit d'exploitation cumulé atteignait, selon la Cour, 38,5 millions d'euros en 2006. Elle relève qu'il manquait toujours en 2006 34 millions d'euros de contributions des Etats fondateurs, dont 13,9 millions d'euros pour l'Irak et 12,5 millions d'euros pour la Libye. En 2006, le budget de fonctionnement de l'Institut du monde arabe était assuré à 54 % par la France, à 9 % par la partie arabe, le reste relevant de ressources propres.
Sur ces mêmes questions financières, nos tables rondes sur la finance islamique nous ont appris que vous aviez été autorisé en 2007 par l'Autorité des marchés financiers à bénéficier des donations au titre des « instruments de la purification de la part impure des dividendes ». Peut être pourrez vous nous en dire plus ?
Les observations de la Cour sont sévères sur un certain nombre de points. Je relèverai une « gestion de la trésorerie laxiste et coûteuse », des « pratiques d'achats et de sous traitance contestables », avec des surfacturations systématiques émanant d'une société qui entretenait des relations privilégiées avec l'ancien directeur du département du musée et des expositions, et enfin un inventaire des collections défaillant.
Une clarification est réclamée sur des points importants : la rémunération, le rôle et le statut fiscal du directeur général, la stratégie du musée et de la bibliothèque, la valorisation des activités connexes et la recherche du mécénat.
La gravité de la situation de l'Institut du monde arabe aurait pu conduire la Cour des comptes à inscrire son contrôle dans son rapport public. Le référé évoque en effet « une spirale entraînant l'Institut du monde arabe vers une situation d'échec mettant en cause jusqu'à sa pérennité ». Si elle ne l'a pas fait, c'est parce qu'elle a considéré que son nouveau Président, nommé fin 2006, s'était investi dans une opération de sauvetage, qui doit, selon la Cour, lui donner un élan nouveau.
Plus d'un an après votre nomination, Monsieur le Président, il apparaît bienvenu, pour la commission des finances, de dresser un bilan d'étape de cette opération de sauvetage, d'autant que notre collègue Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'Etat » poursuit un contrôle de votre institution dont il pourrait tirer un rapport. C'est la raison pour laquelle cette audition est ouverte à nos collègues des commissions des affaires culturelles et des affaires économiques ainsi qu'à la presse. Il s'agit aussi de s'interroger sur les réformes structurelles pouvant être apportées en termes de gouvernance, pour dissiper notamment les ambiguïtés du statut de l'Institut du monde arabe, permettre à la tutelle ministérielle de s'exercer et déterminer une véritable stratégie à travers un contrat d'objectifs et de moyens.
Pour nous éclairer, j'ai donc le plaisir d'accueillir :
- M. Alain Pichon, président de la 4 ème chambre de la Cour des comptes, et M. Roch Olivier Maistre, conseiller maître ;
- M. Dominique Baudis, président de l'Institut du monde arabe, M. Mokhtar Taleb Bendiab, directeur général et M. François Baudet, directeur général adjoint ;
- M. Jean Félix Paganon, directeur « Afrique du Nord et Moyen Orient » au ministère des affaires étrangères et européennes, et qui est notre futur ambassadeur en Egypte.
Je laisse la parole à M. Alain Pichon pour nous apporter toutes les précisions nécessaires sur le référé de la Cour des comptes.
M. Alain Pichon - Messieurs les présidents, Madame, Messieurs les sénateurs, Monsieur le Président Baudis, Mesdames et Messieurs, votre exposé, Monsieur le Président Arthuis, a bien résumé la situation et le travail que la Cour a mené pendant l'année 2007 sur la gestion et les comptes de l'Institut du monde arabe, essentiellement pour la période 2003 2006.
Ce n'était pas la première fois que la Cour se penchait sur la gestion de cet institut puisque, dès sa constitution sous la forme d'une association, dans les années 80, la Cour avait déjà eu l'occasion de sensibiliser les pouvoirs publics à un montage qui, pour être original, méritait quelques remarques.
A chaque fois que la Cour s'est penchée sur l'Institut du monde arabe, elle a trouvé des éléments de dysfonctionnements ou d'errements montrant sa faible capacité à définir une stratégie et à avoir une situation financière stable, pérenne et autorisant des ambitions pour l'avenir.
A l'issue du dernier contrôle qui a porté, comme je le disais, sur les exercices 2003 à 2006, qui s'est achevé en octobre, la Cour n'a pas dormi. Depuis l'audition du président Baudis, nous avons considéré que le contrôle, avec l'envoi du référé, était achevé et qu'il fallait attendre les réponses.
Vous avez évoqué le problème de la réponse au référé. Je dois vous apporter les précisions suivantes : il y a eu une réponse faite par le ministère des affaires étrangères mais cette réponse, au demeurant sur papier blanc, était un projet qui a été transmis par le ministère au Premier ministre. Nous sommes toujours dans l'attente de la transmission officielle de la réponse du Premier ministre reprenant les données fournies par le ministère des affaires étrangères.
On ne peut pas dire que, juridiquement, la réponse du Premier ministre soit parvenue au président Séguin en la forme.
Lorsque la phase d'instruction du contrôle s'est achevée, nous avons estimé devoir procéder à deux auditions, respectivement celle du secrétaire général du ministère des affaires étrangères et celle de M. Baudis. C'est à cette occasion qu'il a présenté son programme et ses ambitions légitimes, qui visaient à rétablir une situation un peu dégradée et compromise.
Je rappelle que le contrôle avait donné lieu à des événements douloureux puisque le rapporteur avait constaté que des pièces du musée manquaient, puis étaient revenues. Bref, il y a eu un certain nombre d'événements difficiles qui montraient qu'au moins la gestion des pièces muséales méritait d'être remise en cause et d'aplomb.
Le président Baudis nous a présenté un programme qui nous a sinon convaincus, du moins beaucoup séduits. C'est pourquoi nous n'avons pas estimé devoir mettre au rapport public les constatations que l'on a faites, jugeant que ce serait une manière de compromettre, par une communication publique prématurée, l'évolution positive des premières initiatives de M. Baudis.
Ce n'était pas là une façon de cacher quoi que ce soit à l'opinion publique mais cela risquait d'être contreproductif. Nous avons utilisé la voie du référé plus classique adressé au Premier ministre, au ministre des affaires étrangères et au ministre du budget et, conformément au code des juridictions financières, ce référé vous a été transmis dans le délai de 3 mois.
Que disait en substance le référé et les constatations de la Cour ? Vous les avez évoquées tout à l'heure, Monsieur le Président. J'y reviendrai mais plus brièvement. Nous sommes tout d'abord devant un organisme sui generis, dont le statut est pour le moins original. Ceci remonte à son acte de naissance originel.
Nous sommes devant une association adossée à une fondation qui est à la fois de droit français mais qui est créée par un acte fondateur international, validé par tous les ambassadeurs des pays de la Ligue arabe. C'est donc là un statut un peu original.
Nous avons voulu souligner - mais ceci n'est pas une critique ad hominem - qu'il nous apparaissait que, dans l'histoire de l'Institut du monde arabe, les critères qui avaient prévalu pour la désignation et le choix des différents directeurs généraux qui se sont succédés depuis l'actuel titulaire du poste, étaient plus guidés par des considérations que je qualifierai de politiques et diplomatiques au sens noble du terme que par des critères privilégiant l'expérience managériale et un souci de gestion.
Il nous apparaissait que, dans l'avenir, il faudrait peut-être être attentif à ces derniers critères dans les critères de nomination du directeur. Il était également recommandé que soit institué auprès du conseil d'administration un comité d'audit financier et comptable et que soit mis en oeuvre au sein de l'Institut un véritable contrôle interne de gestion.
Enfin, il nous apparaissait que le Haut conseil auprès de l'Institut du monde arabe pouvait jouer auprès du président et de son directeur général un rôle très utile d'inspirateur et d'« accoucheur » de stratégies mais que ce Haut conseil n'avait guère été en mesure d'exercer cette fonction car il n'avait été réuni qu'en de trop rares occasions.
La seconde série de considérations porte sur le terme que vous avez utilisé pour l'exclure car, effectivement, pour l'Institut du monde arabe, le mot tutelle ne convient pas. Il n'y a pas de tutelle ministérielle à proprement parler. Ceci résulte du statut que j'évoquais tout à l'heure mais il n'empêche que l'importance des concours financiers de l'Etat, de même que les missions assignées à la fondation, qui portent l'Institut par son acte fondateur, légitimeraient que le ministère des affaires étrangères, sur le budget duquel est imputée la contribution annuelle de 12,6 millions d'euros, soit davantage associé aux orientations stratégiques de cet organisme et à son fonctionnement.
Dans la terminologie du Quai d'Orsay, les sommes versées à l'Institut du monde arabe ne sont d'ailleurs pas une subvention mais une contribution à une organisation internationale. Ceci renvoie au problème de statut que j'évoquais.
J'ajoute que l'on pourrait considérer que la composition du conseil d'administration mériterait peut être d'être revue. D'autres départements ministériels sont principalement concernés par la vie, les missions et la projection de l'Institut du monde arabe. Je pense au ministère de la culture et au ministère des finances. Ceci pose peut être un problème de dialogue et de concertation avec les partenaires du monde arabe mais on est là devant un organisme qui ressemble à un établissement public sans en être un.
Troisième série de remarques : l'absence d'une stratégie identifiable. Les missions assignées à l'IMA par son acte fondateur étaient claires, même si l'acte lui même ne procède pas d'une très grande limpidité dans ses finalités. Il appartenait donc aux autorités dirigeantes de l'Institut de donner une plus grande consistance aux orientations esquissées. Or, au moins jusqu'à une période récente, l'IMA n'a pas vraiment tranché dans un certain nombre de débats de fond, ce qui a pu aboutir, dans le passé, à des objectifs incertains ou contradictoires.
On peut par exemple relever les orientations qui ont consisté à privilégier, dans le cadre des grandes expositions, dont certaines ont connu un succès éminent, des thèmes qui, pour être sans doute attractifs, s'éloignaient sensiblement de la vocation arabe stricto sensu d'établissement. Je pense par exemple à l'exposition « Pharaons », à l'exposition sur les Phéniciens ou à celle sur les photographes arméniens.
Je ne dis pas qu'il ne faut pas le faire mais c'est un choix qu'il faut assumer en disant que, désormais, bien qu'Institut du monde arabe, on se projette avec des expositions muséales, culturelles qui n'ont qu'un rapport indirect et secondaire avec le monde arabe stricto sensu.
La Cour a entendu le président Baudis lui exprimer son souhait de s'orienter dans une voie nouvelle et différente par rapport à l'acte fondateur, voie qui consisterait à impliquer et à utiliser fortement l'Institut du monde arabe comme un acteur de la mise en oeuvre d'une politique d'intégration des populations françaises d'origine arabe, notamment essentiellement maghrébine.
Nous avons pris acte de ce choix. Je viens d'ailleurs de prendre connaissance de la lettre du Président de la République qui valide cette orientation. M. Baudis a ajouté qu'il souhaitait ouvrir le champ d'action de la fondation à des Etat islamiques non arabes.
C'est un choix. Il faut en peser et en mesurer toutes les conséquences et, sur ces deux orientations, la Cour estimait, bien qu'elle n'ait évidemment pas à se substituer aux organes de décision que sont l'Institut lui même et les autorités publiques de l'Etat, qu'elle pouvait les mettre en garde contre les conséquences que cette double et nouvelle inflexion pouvait entraîner, le cas échéant, sur le plan diplomatique global et au sein même du conseil d'administration, en modifiant les équilibres politiques et financiers posés par l'acte fondateur.
La Cour ajoutait que l'affermissement de la tutelle de l'Etat pourrait permettre de donner toutes les garanties devant ces nouvelles orientations stratégiques.
Pour entrer dans le détail de la vie de l'Institut, on ne peut dire que ces missions, dans le passé, aient été remplies avec une pleine efficacité et une pleine performance, pour reprendre une terminologie lolfienne. On ne peut dire qu'il y ait eu des définitions explicites et cohérentes qui aient été insufflées aux deux départements majeurs de l'IMA que sont le musée d'un côté et la bibliothèque de l'autre, alors que l'on aurait pu penser légitimement que c'était les deux pôles essentiels de l'Institut depuis son origine.
Or, on a considéré qu'ils n'avaient jamais acquis dans le monde culturel la reconnaissance à laquelle ils pouvaient légitimement prétendre, présentant d'ailleurs des faiblesses dans la gestion du musée, notamment la conservation des oeuvres d'art qui appelait des réserves, que dans une remise en ordre très sérieuse. Il nous paraît essentiel que ces deux départements, mais aussi les activités connexes génératrices de ressources financières - restaurant et boutique Médina - fassent l'objet d'une redéfinition pour générer davantage de ressources.
Ces ressources sont la structure financière de l'Institut du monde arabe, structure qui n'a jamais été propre et apte à lui assurer un véritable équilibre de gestion.
A l'origine, le financement de l'IMA était assuré par deux types de versement qui devaient se compléter, celui de la France, qui prenait en charge le fonctionnement de l'Institut à hauteur de 60 % et le solde, pour 40 %, qui relevait de l'ensemble de ses partenaires arabes.
Or, ceux ci, assez rapidement, au bout de cinq ou six ans d'existence de l'Institut, peut être déçus par l'orientation de l'activité, peut être ayant modifié leurs propres priorités, se sont un peu vite désengagés, si bien qu'en 1995, l'un de vos prédécesseurs, Monsieur le Président, s'est vu contraint de figer les dotations arabes aux montants qu'elles avaient atteint à cette date afin de constituer un fonds de dotation qui était en quelque sorte capitalisé et qui était appelé à recevoir le solde des impayés. Vous avez fait allusion, Monsieur le Président, aux créances qui sont encore à recouvrer. Peut être M. Baudis pourra t il nous en dire plus tout à l'heure.
Cette capitalisation devait dégager des produits financiers permettant de gager et de couvrir les charges de fonctionnement. Rapidement, ces produits se sont avérés insuffisants, en partie notamment du fait de la défaillance de plusieurs Etats arabes qui ne se sont pas acquittés de leur dette jusqu'à présent, si bien que le montant du fonds s'établissait à 38,3 millions d'euros au moment de notre contrôle. Il manque une trentaine de millions - 34 millions d'euros - de contributions dont, à titre principal, celles de l'Irak et la Libye.
Lors de son audition, le président Baudis nous avait dit - c'était au moment où il y avait des perspectives de voyage et de contact avec les autorités libyennes - que les autorités libyennes paraissaient s'être engagées à s'acquitter de la majeure partie de leur dette mais selon un protocole assez compliqué qui pouvait toutefois donner de meilleures espérances à l'Institut.
Si l'ensemble de ces créances s'avéraient être recouvrées, il est indéniable que le fonds pourrait atteindre un montant de l'ordre de 70 millions d'euros, ce qui permettrait de dégager des produits financiers d'un volume bien plus en rapport avec les besoins de l'Institut, besoins qui vont aller croissants, non seulement pour faire face à des dépenses de fonctionnement mais surtout pour engager et entreprendre le nécessaire programme de réparations et de gros entretien d'un bâtiment qui, pour original qu'il soit, après une vingtaine d'année d'existence, a sans doute besoin d'un programme de rénovations, ce qui devrait conduire à prévoir un financement en conséquence.
La défaillance des Etats arabes, ainsi que les coûts de fonctionnement qui sont allés croissants, ont été compensés par l'Etat français qui, au cours de la décennie écoulée, aura versé plus de 100 millions d'euros au titre du fonctionnement de l'Institut. Pour être objectif, il faut reconnaître qu'en même temps que l'Etat accroissait et augmentait ses contributions, l'Institut du monde arabe a su faire preuve, notamment au cours des dernières années, d'un certain dynamisme, dégageant plus de 70 millions d'euros de ressources sur son activité propre, sur ses activités muséales, sur ses activités de mécénat. Toutefois, malgré ces ressources, on n'a pu éviter un déficit de gestion récurrent, au moins jusqu'aux années 2005 2006.
La situation actuelle, qui a conduit l'Etat français à apporter un concours croissant pour rétablir l'équilibre financier de l'Institut, ne saurait perdurer trop longtemps. Vous avez fait allusion à des missions d'inspection qui, il y a quelques années, mettaient en cause tout ou partie de l'Institut. Il serait donc particulièrement opportun à nos yeux d'encourager le président de l'Institut du monde arabe à poursuivre dans la recherche d'autres ressources financières je pense notamment au domaine du mécénat dans une exploitation plus rentable de ces espaces commerciaux et de restauration. L'Institut est situé dans un endroit prestigieux et privilégié de l'espace parisien et, en relation avec les partenaires arabes, on pourrait renforcer la structure et la solidité financière.
Telles sont les remarques que la Cour avait souhaité évoquer dans son travail et dans son référé adressé aux autorités de l'Etat. Nous l'avons fait avec la ferme espérance de voir s'interrompre la spirale d'échec dans laquelle l'Institut du monde arabe paraissait s'être engagé dans les années précédentes.
Cette opération de sauvetage dans laquelle le président Baudis s'est particulièrement investi, la Cour tient à le souligner, nous paraît devoir recevoir le soutien moral, financier et politique des pouvoirs publics, en souhaitant que ceci soit formalisé dans un contrat d'objectifs et de moyens qui, en octobre 2007, restait encore à finaliser. J'ai vu qu'il existe sous forme de projet mais mon information remonte à six mois. Je ne puis donc en dire plus.
M. le président - Merci pour le rappel du contenu de ce référé, qui ressemble fort à un réquisitoire !
Nous allons entendre le président Baudis, à moins que le représentant du ministère, M. l'ambassadeur Jean Félix Paganon, ait quelques observations à formuler.
M. Jean Félix-Paganon - Je pense qu'il est préférable d'écouter le président Baudis.
M. le président - Monsieur le Président Baudis, vous avez la parole.
M. Dominique Baudis - Merci.
Messieurs les présidents, Madame, Messieurs les sénateurs, merci de nous entendre à la suite de ce référé de la Cour des comptes.
Je dois dire que c'est, pour l'Institut du monde arabe et pour l'équipe qui travaille avec moi, une formidable opportunité de sensibiliser les pouvoirs publics, le Parlement, la Cour des Comptes, le Quai d'Orsay sur notre mission, la façon dont nous l'exerçons, les difficultés que nous rencontrons.
Vous avez souligné, Monsieur le Président, que l'Institut du monde arabe est une institution originale et singulière. C'est tout à fait exact. C'est une institution unique ; elle n'a pas d'équivalent en France ni en Europe ou ailleurs dans le monde.
C'est, sur le plan juridique, une fondation de droit privé, c'est pourquoi le terme de tutelle n'est pas approprié mais, en même temps, les fondateurs sont des Etats et il est vrai aussi que cette fondation privée - ce n'est pas la seule - bénéficie de contributions publiques importantes, principalement de la part de l'Etat français.
L'Institut du monde arabe a été imaginé à la fin des années 80 par le président Giscard d'Estaing. Le décret de création, les statuts sont signés Valéry Giscard d'Estaing et Jean François-Poncet.
L'objectif politique de l'Institut était, dans l'esprit du président de la République, à la fin d'une décennie, celle des années 70, marquée pas deux événements qui avaient traumatisé l'opinion, les attentats de Munich et la conférence de Téhéran, avec une multiplication par trois ou quatre des prix du pétrole en 1973, d'être une vitrine de la culture et de la civilisation du monde arabe, de façon à bien faire prendre conscience à nos concitoyens, à Paris, en France, en Europe, que le monde arabe, ce n'était pas « terrorisme et racket pétrolier » mais qu'il existait une culture et une civilisation qu'il fallait connaître. Voilà la mission initiale confiée à l'Institut du monde arabe.
L'Institut du monde arabe a bénéficié d'une très grande constance dans le soutien politique accordé par les présidents de la République successifs. Le Président Mitterrand a repris le projet qui datait de 1980 et l'a porté très haut avec l'installation de l'Institut du monde arabe dans ce magnifique bâtiment signé Jean Nouvel ; le Président Chirac a accordé beaucoup d'importance à l'Institut du monde arabe et le Président Sarkozy également. Il en témoigne dans un texte qu'il nous a adressé à l'occasion de notre vingtième anniversaire.
Vingt ans d'existence, vingt ans de succès en termes d'audience auprès du public. L'Institut du monde arabe a bien rempli la mission qui lui était assignée : faire connaître la culture, la civilisation du monde arabe au public français ; la connaissance précède la reconnaissance, la reconnaissance mène au respect alors que l'ignorance entretient la crainte, le doute et nourrit parfois les haines. Un million de visiteurs chaque année ! Ceci fait de l'Institut du monde arabe l'une des quinze institutions culturelles les plus fréquentées à Paris - où la concurrence est rude.
Devant nous, il y a le Louvre, Beaubourg, Branly, avec des budgets sans commune mesure avec le nôtre !
En même temps - c'est le paradoxe - vingt ans d'existence, vingt ans de succès auprès du public et vingt ans de déficit. Ceci a justifié plusieurs rapports de la Cour des comptes, jusqu'à ce dernier qui nous réunit aujourd'hui et qui porte sur la période 2003 2006 qui s'achève deux mois à peine avant mon arrivée.
Mon action n'étant pas en cause, je vais très librement m'exprimer sur le sujet, essayer de montrer l'utilité de cette maison, de dégager les axes stratégiques autour desquels elle peut se redresser, mais, comme vous l'avez dit, c'est une opération de sauvetage.
J'en avais d'ailleurs parfaitement conscience quand j'ai accepté la mission qui m'a été confiée par le Président Chirac et je vous avoue que j'ai demandé trois jours de réflexion avant d'accepter. Je n'avais pas envie d'être le fossoyeur de l'Institut du monde arabe.
Et puis je me suis dit qu'après tout, dans la vie, il fallait relever des défis quand on croyait à une cause et j'ai accepté cette mission.
Nous avons réussi, en 2007 à revenir à l'équilibre et a dégager un résultat positif après vingt années de déficits successifs. L'Institut du monde arabe n'est donc plus en déficit, ce qui est un grand changement.
Par ailleurs, l'Institut du monde arabe portait une dette extrêmement lourde. Nous étions à près de 15 millions d'endettement ; nous sommes aujourd'hui à 6,5 millions d'euros.
Retour à l'équilibre, diminution de l'endettement, augmentation sensible des recettes de mécénat et des recettes commerciales de location d'espaces. Je souligne, devant la représentation nationale, que nous avons un autofinancement des recettes propres billetterie, location d'espaces, ventes à la librairie, mécénat- qui représente près de 40 % de notre budget.
Vous connaissez les collectivités locales, les départements, les régions, les villes : Peu d'établissements culturels s'autofinancent à 40 %. M. Roch Olivier Maistre, qui a bien connu ces questions auprès du Président Jacques Chirac, peut en témoigner : un établissement culturel qui se finance à 40 %, cela n'existe pas !
Je suis d'accord - et je l'ai dit publiquement au moment où j'ai pris mes fonctions - pour reconnaître les faiblesses et les lacunes de l'Institut du monde arabe. Mais je voudrais que l'on n'oublie pas le travail qui a été fait pendant vingt ans : un million de visiteurs par an, 40 % d'autofinancement, c'est un exploit ! Effectivement, il fallait améliorer considérablement la gestion. Les questions culturelles étaient au coeur des préoccupations des équipes de l'IMA plus que les problèmes de gestion.
C'est pourquoi, il y a deux ans, M. François Baudet a été nommé directeur général adjoint auprès de M. Taleb Bendiab, directeur général ; M. Baudet, compte tenu de son parcours professionnel, connaît à la fois les questions budgétaires et les questions culturelles. L'IMA a donc bénéficié de cette approche en phase avec nos objectifs et nos missions culturelles, mais aussi très consciente des exigences de rigueur qui s'imposent à nous.
Cette dérive financière, qui finissait par créer une spirale dans laquelle nous pouvions disparaître, a donc été inversée. Nous sommes en équilibre et nous avons engagé une opération de désendettement.
Je veux évoquer les différents points évoqués par le président Pichon, le remercier du travail que la Cour des comptes a opéré et des encouragements contenus dans les conclusions du rapport de la Cour, qui souligne les efforts et les premiers résultats en matière de redressement.
S'agissant du contrat d'objectifs et de moyens, vous dites que je suis un peu en décalage par rapport au mois octobre. Effectivement, l'une des préconisations de la Cour était un plan stratégique. D'ailleurs, j'avais proposé à l'Etat, en contrepartie d'une réactualisation de l'aide financière, que ceci s'inscrive dans un contrat d'objectifs et de moyens. On a beaucoup travaillé sur ce document d'une centaine de pages que j'ai adressé à la fin de l'année au ministère des finances et au ministère des affaires étrangères ; le secrétaire général du ministère des affaires étrangères m'a fait connaître son accord total sur les objectifs et les moyens de les atteindre.
Ce contrat d'objectifs et de moyens trace donc pour trois ans les actions à entreprendre pour redresser totalement l'Institut et accroître son rayonnement.
Sur le point précis du restaurant, nous bénéficions d'un emplacement extraordinaire, l'une des plus belles vues sur Paris. C'est un centre de ressources important pour nous. Malheureusement, ce restaurant a été mal géré, mal tenu, de mauvaise qualité. Les clients ne venaient plus. Dès mon arrivée, j'ai résilié le contrat, j'ai lancé un nouvel appel à candidature et nous avons eu un très bon candidat, qui est un restaurateur de cuisine orientale, Noura, bien connu à Paris et qui a investi dans des travaux de modernisation des cuisines pour un montant de 1,2 d'euros en contrepartie d'un contrat de plusieurs années. On a la garantie d'avoir un très grand professionnel.
Quant à la boutique, nous avons lancé une étude auprès d'un cabinet spécialisé pour voir comment optimiser les résultats de la boutique d'artisanat. Cette boutique rapporte tout de même, bon an, mal an, entre 100.000 et 150.000 d'euros. On peut optimiser les résultats.
Le musée et la bibliothèque sont effectivement deux sujets de préoccupations. Les expositions sont un facteur de recettes et de notoriété mais les deux piliers institutionnels de la maison sont le musée et la bibliothèque.
J'ai demandé à l'Etat de désigner un expert compétent sur chacune des deux institutions, musée et bibliothèque. La direction des musées de France et la direction des bibliothèques ont mandaté des personnes expérimentées et compétentes, M. Humbert pour le musée et M. Renoult pour la bibliothèque. Nous disposons depuis quelques semaines des rapports sur la base desquels nous allons pouvoir moderniser et optimiser le fonctionnement de ces deux piliers historiques de l'institution.
Quant au bâtiment, le président Pichon soulignait qu'il est beau mais qu'au bout de vingt ans, il subit les injures du temps. Nous refaisons la climatisation, les ascenseurs et on vient de refaire la terrasse avec un financement intégralement supporté par les ambassadeurs des pays arabes qui ont donné 300.000 euros pour sa réfection et l'aménagement d'une oeuvre d'art.
Il est vrai que le ministère des affaires étrangères a majoré la subvention mais, ce faisant, il l'a remise au niveau où elle était en 1990 car, de 1990 à 2006, nous percevions la même somme. Elle avait perdu 30 % de sa valeur...
M. le président - 12,6 millions d'euros, c'est le montant actualisé ?
M. Dominique Baudis - C'est cela. Quand je suis arrivé, on était à 8,5 millions d'euros. C'est la somme que nous percevions en 1990.
C'est un effort appréciable et j'en suis reconnaissant au ministère, mais c'est l'ajustement d'une somme qui n'avait pas été actualisée depuis dix-sept ans.
Cela contribue pour beaucoup à notre équilibre. Les recettes de mécénat, les recettes commerciales y contribuent également. Reste la question du financement par les Etats arabes. L'un de mes prédécesseurs, M. Camille Cabana, s'épuisait à courir d'une capitale à l'autre pour obtenir des versements annuels de cotisations pour couvrir les frais de fonctionnement. Il était prévu dans l'accord initial 60 % pour la France, 40 % pour les pays, répartis en fonction de la clef de financement de la ligue arabe, mode de répartition déterminé par les pays arabes eux mêmes. L'argent ne rentrait plus. Il est entré la première année, la deuxième un peu moins, la troisième encore moins et à la fin, plus du tout.
M. Camille Cabana a proposé un autre système. Il leur a dit : « Vous avez tous des arriérés ; payez les. Ce jour là, on arrête le compteur et on place la somme. L'Institut du monde arabe se financera sur les produits de ce fonds de dotation ».
M. le président - ... Qui est de 93 millions d'euros.
M. Dominique Baudis - Non, j'aimerais bien ! Il est l'ordre de 39 millions d'euros.
M. le président - J'ai ici une situation patrimoniale de l'Institut du monde arabe avec des capitaux propres et un fonds de dotation de 93.388.427 euros, ainsi qu'une dotation statutaire de 4.731.000 euros. Les reports antérieurs s'élèvent à - 38.409.000 euros. Qu'est ce que cela signifie ?
M. François Baudet - Il s'agissait des contributions des Etats fondateurs pour financer le bâtiment. Une partie de ce financement couvre donc le bâtiment.
M. le président - Il faudrait que cela apparaisse clairement dans la situation nette de l'Institut du monde arabe.
M. Dominique Baudis - Les sommes investies dans la construction du bâtiment figurent comptablement.
M. le président - La France a t elle participé à cette dotation ?
M. Dominique Baudis - Sur la construction ?
M. le président - Oui. 60 % ?
M. Dominique Baudis - Je ne pourrais vous dire quelle a été la clef de répartition.
M. le président - Autrement dit, la France et les pays arabes ont fait une dotation initiale sur la construction ; les pays arabes ont ensuite apporté une contribution qui a été transformée en dotation...
M. Dominique Baudis - Le financement du bâtiment a été assuré par la France et par les pays arabes. Quand le bâtiment a ouvert ses portes, l'accord franco arabe était de 60/40 pour le fonctionnement.
Rapidement, les pays arabes n'ont pas assumé la part de 40 %. C'est à ce moment que Camille Cabana a proposé d'arrêter le compteur et de placer la somme.
M. le président - On a photographié les dettes à un moment donné et on a inscrit cela dans le fonds de dotation.
M. Dominique Baudis - ... Qui produit des intérêts.
M. le président - Ce qui supposerait que l'on ait en trésorerie les fonds correspondants ; pour l'instant, on n'a pas grand chose en trésorerie.
M. Dominique Baudis - Pour le moment, ce fonds nous rapporte près de 2 millions d'euros par an mais il n'a pas été complètement doté. Cinq pays n'ont pas payé et, parmi eux, deux sont de gros contributeurs, la Libye - 15 millions d'euros - et l'Irak - 14 millions d'euros - plus le Yémen, la Somalie et le Soudan.
M. le président - Tout cela est donc placé en valeur mobilière de placement. Très bien...
M. Dominique Baudis - Chaque jour, je m'efforce d'obtenir de la Libye, de l'Irak, du Soudan, du Yémen, de la Somalie le versement de ce qui nous est dû. Si le fonds était complètement doté, si tout le monde avait payé, on aurait 4 millions d'euros de produits financiers annuels du fonds de dotation et non deux.
M. le président - Vous aurez aussi la partie impure des dividendes de la finance islamique.
M. Dominique Baudis - Je me suis renseigné : en réalité, cela nous rapporte 25.000 euros !
M. le président - C'est un début !
M. Dominique Baudis - Pour ce qui est du contenu des missions, on sort là des limites financières.
Vous avez évoqué la question de l'ouverture de l'Institut du monde arabe à des Etats islamiques non arabes. Jamais je n'ai évoqué cette question. C'est une perspective que je n'ai jamais envisagée une seconde et c'est d'ailleurs totalement illusoire. On ne peut réformer les statuts de l'Institut du monde arabe qu'avec le consentement d'une majorité qualifiée. On ne peut donc pas le faire sans l'accord des ambassadeurs arabes.
On peut imaginer leur réaction si je leur proposais demain d'intégrer l'Iran, l'Indonésie et la Turquie ! Je ne l'ai donc même pas un instant envisagé !
Concernant les expositions, quel est le point commun entre les pharaons et le monde arabe ? C'est l'Egypte, soit à peu près 35 % de la population du monde arabe !
On ne peut faire d'identification entre monde arabe et monde islamique. Les Arabes ne sont pas tous Musulmans, les Musulmans ne sont pas tous Arabes.
Les Phéniciens, dont l'exposition vient de se terminer, représentent le monde arabe préislamique. C'est le Liban, Tyr, Carthage. Ces pays - la Tunisie ou le Liban - revendiquent très fortement l'héritage culturel phénicien.
La dernière question est celle de la vocation de l'IMA sur l'intégration. C'est effectivement une direction que j'ai très fortement affirmée. Elle n'est pas inscrite dans les statuts qui datent de 1979 ou 1980 mais la société française de 2008 n'est pas tout à fait celle de 1980. Une part importante de nos concitoyens est héritière de la culture et de la civilisation du monde arabe. Cela les aide à se construire comme citoyens pleinement français que de constater que leur pays, la France, met en valeur et en lumière les richesses de la diversité.
D'ailleurs, le Président de la République, à l'occasion du vingtième anniversaire, nous a adressé un message dans lequel il nous demande de nous impliquer très fortement dans cet aspect de notre mission.
J'ai voulu répondre à différents points, encore une fois en vous remerciant de nous avoir éclairés grâce à votre rapport, qui nous aide dans ce travail de redressement.
M. le président - Merci. Voilà qui doit réjouir la Cour. C'est assez encourageant.
Monsieur l'Ambassadeur veut il s'exprimer ?
M. Jean Félix-Paganon - Quelques mots pour répondre aux observations de la Cour et, d'une manière générale, apporter le soutien du ministère des affaires étrangères aux réponses que le président Baudis vient de donner.
Je voudrais revenir brièvement sur deux concepts qui ont été évoqués à la fois par le président Pichon et par le président Baudis.
Tout d'abord, de notre point de vue, la singularité principale de cette institution réside dans la création d'un partenariat entre les pays arabes et le Gouvernement français. C'est ce qui est au coeur de cette démarche.
Ce partenariat a évidemment connu des aléas mais, on l'a vu dans les chiffres que vous rappelez, il ne faut pas oublier qu'il y a eu une contribution initiale considérable des pays arabes lors de la création de cette institution.
La partie française avait apporté les terrains. C'était là l'essentiel de notre contribution. Il y a eu une certaine contribution pour la construction mais une partie très importante de celle ci et c'est un acquis du point de vue de nos partenaires arabes a été financée par les Arabes.
Cela crée une relation de partenariat que nous ne pouvons négliger ; nous ne pouvons nous en tenir à un certain déséquilibre dans les contributions au fonctionnement de cette institution et oublier qu'à l'origine, l'effort des pays arabes a été considérable.
Ceci doit nous amener à prendre en compte ou à anticiper toute modification que nous souhaiterions apporter dans le fonctionnement de cette institution aussi bien dans la répartition des pouvoirs que dans l'orientation que nous souhaitons donner à l'Institut du monde arabe.
Seconde remarque sur les résultats au regard des objectifs. Je voudrais m'associer à ce qu'a dit le président Baudis. De notre point de vue, cette entreprise est un succès.
Le président de l'IMA a souligné la place de l'Institut dans le panorama culturel parisien. Je voudrais souligner pour ma part l'intérêt et l'importance que les pays arabes attachent à cette institution.
Vous me direz que si l'on juge cet intérêt à l'aune des contributions financières et de la régularité de celles ci, on pourrait penser que cet intérêt est faible. Comparaison n'est pas raison mais la Ligue arabe est elle même en déficit permanent et l'ensemble des pays arabes sont de très piètres contributeurs ! D'ailleurs, le secrétaire général la Ligue arabe passe son temps à courir les pays pour tendre la sébile !
Pour autant, je ne crois pas que cette incapacité des pays arabes à assurer un financement pérenne de la Ligue arabe puisse être interprétée comme une absence d'intérêt.
Je crois donc qu'il ne faut pas se limiter à cette approche purement économique ou comptable des choses ; il faut avoir une vision plus globale. Je pense honnêtement que l'Institut du monde arabe est un des éléments importants de l'image de notre pays dans les pays arabes. C'est une image d'ouverture et de pays en pointe sur ce que l'on n'appelait pas encore à l'époque le « dialogue des civilisations ». M. Baudis a rappelé le contexte politique et émotionnel dans lequel le Président Giscard d'Estaing a lancé ce projet ; aujourd'hui, les choses ont changé, on parle de dialogue des civilisations. La France joue un rôle éminent dans cet effort international et l'Institut du monde arabe est l'un des éléments, en tout cas dans les élites arabes, qui témoigne de notre engagement en faveur du dialogue des civilisations.
L'entreprise du président Baudis, de notre point de vue, est une véritable entreprise de refondation. Ce n'est pas seulement, me semble t il, une remise à niveau, un simple sauvetage mais une redéfinition des objectifs, un bilan au bout de vingt ans de ce que l'IMA peut apporter et un examen sans tabous. Le fait que des études aient été demandées sur ce qu'étaient les piliers initiaux de l'Institut du monde arabe, à savoir la bibliothèque et le musée, va dans ce sens.
Je crois qu'il faudra, au regard des propositions ou des recommandations qui seront faites, examiner ce que peut être la contribution de l'IMA dans ces deux domaines et, si des réorientations spectaculaires ou importantes sont à faire, envisager, toujours avec nos partenaires, des décisions en ce sens.
Il faut effectivement s'appuyer le plus possible sur ce qui fonctionne et ne pas hésiter à réformer éventuellement les choses sur lesquelles l'Institut du monde arabe n'a pas nécessairement un avantage comparatif considérable par rapport à d'autres institutions.
Je ne veux pas anticiper sur les décisions mais nous devons saluer le courage avec lequel le président Baudis procède à l'audit de l'ensemble des activités de l'Institut du monde arabe.
Les premiers résultats en matière de gestion sont impressionnants ; on ne peut que louer le fait que, pour la première fois, nous avons un budget en équilibre mais aussi une réduction de la dette ! C'est donc un effort d'assainissement en profondeur.
M. le président - Tout excédent permet de réduire la dette !
M. Jean Félix-Paganon - Oui, mais une partie de l'excédent a permis de réduire la dette. On n'a pas un excédent avec une dette constante. De ce point de vue, le résultat est donc impressionnant.
Nous sommes en plein accord avec le président Baudis sur certaines orientations générales qu'il a développées. Le recours au mécénat n'est pas nouveau mais ce qui l'est, ce sont les résultats obtenus.
En ce qui concerne l'ouverture, ce qu'a dit le président Baudis relève du bon sens. Nous ne pourrons bouger sur ces sujets qu'avec l'accord de nos partenaires ; bien évidemment, nos partenaires sont attachés à l'identité de l'Institut du monde arabe. La question ne se pose donc pas.
Je ne peux que m'associer à ce qu'a dit le président Baudis s'agissant du fait que l'IMA ne se réduit pas à la dimension islamique du monde arabe, notamment concernant les expositions sur les pharaons. N'oublions pas que le passé préislamique est un des éléments fondamentaux de l'identité égyptienne, qu'il s'agisse du passé copte ou du passé pharaonique.
Le journal officiel en Egypte s'appelle « Al Ahram » ; ce sont les pyramides en arabe. Il n'y a donc pas négation du passé non islamique de l'Egypte par les responsables égyptiens contemporains.
En ce qui concerne la représentation du département ministériel, cela a été dit, il n'y a pas de tutelle proprement dite. Je voudrais cependant rappeler que l'administration française et le département ne sont pas totalement absents des organes de décision de l'Institut du monde arabe. Le secrétaire général du Quai d'Orsay est membre de droit du Haut conseil ; certes, celui ci ne se réunit pas à des périodicités très fortes mais nous avons notre mot à dire sur les grandes orientations de l'Institut.
J'ajoute qu'un poste de conseiller diplomatique auprès du président est tenu par un diplomate. Enfin, le contrôleur financier du département assiste à toutes les réunions du conseil d'administration. On ne peut donc pas dire que nous sommes face à une absence totale de l'administration dans la gestion de l'Institut du monde arabe.
Nous avons en même temps reconnu la pertinence des remarques de la Cour sur ce sujet et souhaitons donc compléter ce dispositif par la désignation d'un agent départemental. Les discussions ont été entreprises avec nos partenaires mais, malheureusement, ils nous ont posé des questions sur la permanence des équilibres au sein du conseil et il faudra leur rapporter les apaisements nécessaires en ce sens. Le président s'y emploie ainsi que nous mêmes et nous pensons que nous réussirons à convaincre nos partenaires arabes.
Nous souhaitons que cette représentation du département soit centrée sur les questions de gestion. Ce sera donc le directeur des affaires financières du Quai d'Orsay qui siégera au conseil d'administration. Nous ne souhaitons pas en effet donner un caractère trop politique à la présence du Quai d'Orsay au sein du conseil d'administration.
Les préoccupations de la représentation nationale et de la Cour ont porté essentiellement sur la gestion plus que sur orientations politiques et c'est à cette préoccupation qu'il faut répondre. Je crois qu'il ne faut pas donner le sentiment à nos partenaires arabes que nous souhaitons transformer l'Institut du monde arabe en institution muséale française de droit commun, dans laquelle l'administration déterminerait les orientations scientifiques ou culturelles.
L'ouverture aux jeunes issus de l'immigration est une problématique nouvelle. Elle n'était pas présente à la création de l'Institut du monde arabe mais notre intérêt est d'utiliser les circonstances nouvelles. L'une des priorités que l'on peut légitimement assigner, en plein accord avec nos partenaires arabes, est de nous tourner vers ce public.
Enfin, s'agissant du contrat d'objectifs et de moyens, comme l'a dit le président Baudis, nous avons reçu ce document. Il a été examiné par les deux départements ministériels compétents, qui ont conjointement donné leur accord formel au président Baudis. L'adoption de ce plan, de notre point de vue, permettra de formaliser l'engagement de ce département sur le niveau de la subvention ; une lettre conjointe de nos deux ministres MINEFI et affaires étrangères est en préparation pour formaliser cet engagement de façon officielle.
M. le président - Merci. Voilà qui doit être bien accueilli par le président.
Monsieur le Président, la Cour avait fait des observations sur le statut du directeur général. Peut être pourriez vous répondre à ces réserves...
M. Dominique Baudis - Statutairement, le président est proposé au conseil d'administration par la partie française. Le directeur général en l'occurrence M. Taleb Bendiab est nommé par le président, après avis du conseil d'administration sur proposition de la partie arabe.
Concrètement, cela signifie que le conseil des ambassadeurs arabes à Paris me fait savoir son choix ; je recueille l'avis du conseil d'administration et je nomme. J'ai compétence liée.
M. Taleb Bendiab est algérien. C'est un diplomate. Il a été ambassadeur d'Algérie dans plusieurs pays, notamment au Liban et faisait partie de la délégation algérienne à l'Organisation des Nations Unies, à New York. Il a dirigé plusieurs années le centre culturel algérien à Paris avant de se retrouver à la direction générale de l'IMA.
Le rapport de la Cour des comptes a en effet mis en lumière un dysfonctionnement, les émoluments versés au directeur général n'étant pas traités comme un salaire. Il n'existait pas de charges, M. Taleb Bendiab bénéficiant du statut diplomatique.
La Cour dit que cela ne peut convenir : ou bien il est diplomate payé par son pays ou bien il est salarié ; dans ce cas, c'est le droit commun qui s'applique.
A la suite du rapport et de la réunion du conseil d'administration, en février dernier, j'ai recueilli l'avis du contrôleur financier du Quai d'Orsay sur cette question. De deux choses l'une : ou bien l'ambassade d'Algérie réintègre M. Taleb Bendiab dans ses cadres, le met à disposition de l'IMA et nous remboursons l'ambassade d'Algérie et il s'acquitte de tout ce qui est fiscalité, charges et cotisations diverses auprès du pays d'origine ou bien il est salarié de l'IMA et s'acquitte de la part salariale et des cotisations ; nous prenons alors la part patronale à notre charge.
J'ai écrit à l'ambassadeur d'Algérie il y a environ trois semaines ; on attend une réponse assez rapide. Ou il est pris en charge par l'Algérie dans le cadre d'une convention et on rembourse, ou il est salarié et on s'acquitte des charges.
M. le président - M. Taleb Bendiab me pardonnera d'avoir posé cette question mais il importait que les réponses du président couvrent l'intégralité des observations de la Cour.
La parole est au président Valade.
M. Jacques Valade - Merci de m'avoir convié à cette série d'auditions. Vous savez combien j'y suis intéressé et fidèle, particulièrement dans le cadre de l'Institut du monde arabe car c'est un peu à la frontière de nos responsabilités, compte tenu des missions de la commission des affaires culturelles.
La commission a toujours suivi avec intérêt et une certaine satisfaction les activités de l'Institut du monde arabe, sous la présidence du prédécesseur du président Baudis et de Dominique Baudis lui même.
Nous avons eu l'occasion à plusieurs reprises d'être conviés à visiter les expositions que vous organisiez.
J'ai apprécié les remarques, les observations et les critiques du président Pichon, qui considérait que vous outrepassiez quelque peu le périmètre géographique et les réponses de Dominique Baudis m'ont particulièrement satisfait.
Cependant, je voudrais poser la question de savoir comment ces choix se sont effectués. Y a t il un conseil scientifique, une concertation avec les cotisants de cet institut ? Y a t il une interaction avec la vie muséale parisienne et française, de façon à ce qu'il n'y ait pas de télescopages qui pourraient être préjudiciables au succès de ces manifestations, même si celui ci est important ?
Par ailleurs, au delà de ces remarques relatives au fonctionnement et à l'essence même de ce musée, je voudrais exprimer ma grande satisfaction sur le procédé en cours d'élaboration et de mise en place au travers du contrat d'objectifs et de moyens.
La commission des affaires culturelles a eu l'occasion de travailler dans ce contexte mais dans des domaines différents, notamment dans celui des grands organismes de radio et de télévision français.
Il est clair que c'est une excellente solution et que ce contrat d'objectifs et de moyens permet même si le cas qui nous occupe ici est celui d'un organisme international une projection sur l'avenir convenable, avec un engagement qui, dans le domaine des moyens, est multiforme.
C'est une bonne chose mais j'exprime le désir, Monsieur le Président de la commission des finances, qu'il y ait autant que faire se peut simultanéité entre la mise en place de l'équipe dirigeante notamment la nomination du président et l'élaboration du contrat d'objectifs et de moyens. Il est anormal qu'autant de temps s'écoule entre le choix du président, son intronisation et la formulation du contrat d'objectifs et de moyens. Il faut que ce soit lié. On y gagnera en clarté et sans doute en sécurité !
Enfin, existe t il un contrôle parlementaire ? M. Pichon et vous même, Monsieur l'Ambassadeur, avez évoqué l'interaction entre les différentes administrations concernées mais, dès l'instant qu'il s'agit de crédits d'Etat...
M. le président - C'est ce que fait M. Gouteyron...
M. Jacques Valade - Non, ce n'est pas ce dont je parle. Y a t il, au moment de l'élaboration et de la discussion interactive des contrats d'objectifs et de moyens, une présentation devant une commission, que ce soit celle des affaires étrangères, des affaires culturelles ou des finances, voire l'ensemble ? Ce serait souhaitable compte tenu de la contribution importante que la France apporte au fonctionnement de cet institut.
M. le président - Je pense que le contrôle parlementaire est réel mais il n'y a rien de prévu pour réviser les projets de contrats d'objectifs et de moyens (COM). Il n'est pas nécessaire de le mettre dans la loi pour le faire...
M. Jacques Valade - Ce que j'évoque est prévu dans la loi.
M. le président - Oui, mais on peut le faire en dehors de la loi.
M. Jacques Valade - Là, c'est a priori.
M. le président - Je comprends.
Le président Baudis a t il quelque chose à dire sur ce que vient d'exprimer le président Valade ?
M. Dominique Baudis - Quelques réponses brèves...
S'agissant de la coïncidence et du calendrier entre une équipe et le contrat d'objectifs et de moyens, nous nous y sommes efforcés. J'ai pris mes fonctions en février ; on s'est mis à travailler sur le contrat d'objectifs et de moyens et on l'a adressé au ministère des affaires étrangères et au ministère des finances en novembre. Par ailleurs, ce contrat couvre la période 2007, 2008, 2009.
On l'a mis en route au moment où je prenais mes fonctions, tout en l'élaborant en même temps pendant la première année. C'est donc un contrat qui a été achevé un an après son entrée en vigueur ; on voit déjà les résultats de la première année.
S'agissant du contrôle parlementaire, compte tenu du fait que nous sommes une fondation privée, c'est un peu compliqué à inscrire juridiquement. Il va de soi que, bénéficiant d'un niveau élevé de concours de l'Etat, nous sommes à la disposition du Sénat, de l'Assemblée nationale et des différentes commissions. J'ai eu le plaisir de rencontrer M. Gouteyron peu de temps après ma prise de fonction, de même que l'Assemblée nationale.
Concernant les choix d'expositions, nous n'avons pas de procédure écrite. In fine, le choix est arrêté par le président de l'IMA ; si cela tourne mal, c'est lui qui en subira les conséquences.
On le fait en relation avec les autres institutions muséales pour ne pas organiser les mêmes expositions. On est en permanence en relation avec ces institutions, toutes nos expositions étant largement basées sur des prêts des grands musées français et étrangers.
Ce matin encore, on travaillait sur des choix d'expositions pour les années à venir. Ce sont des opérations qu'il faut engager avec deux ou trois ans d'avance.
Quand je suis arrivé, j'ai changé certains choix. On devait faire par exemple, au mois d'octobre prochain, la grande exposition sur les Nabatéens. Je n'étais pas convaincu que cela réunirait beaucoup de visiteurs ; les gens n'ont pas une vision très précise de ce que c'est. On a donc changé et fait « Bonaparte et l'Egypte ».
J'en ai parlé au Président Chirac peu de temps après mon arrivée, au mois de mars. Il m'a remis une lettre pour le Président Moubarak. Avoir l'accord des Egyptiens sur un tel projet n'était pas gagné d'avance et on ne pouvait le faire à leur nez et à leur barbe. C'est aussi leur maison. Ils sont entrés dans cette logique et ont contribué à l'exposition qui sera, je crois, très belle.
Cet été, on va présenter une exposition sur Oum Kalsoum, la chanteuse égyptienne qui était connue dans tout le monde arabe.
On commence à réfléchir à une exposition soit sur l'architecture contemporaine dans le golfe, soit sur les peintres du Bosphore...
M. le président - Vous n'avez pas été tenté de vous intéresser au Grand Louvre d'Abou Dabi ? N'y a t il pas eu un détournement par le Grand Louvre au détriment de l'Institut du monde arabe ?
M. Dominique Baudis - Je voulais présenter cette exposition ; Abou Dabi préfère semble-t-il présenter l'exposition des maquettes au Louvre même ce que l'on peut comprendre. Ils paient assez cher pour pouvoir choisir l'endroit où ils présenteront la maquette mais on va essayer de se coordonner pour faire, au même moment, une exposition différente, qui aura beaucoup de sens, sur ce qui se passe dans le golfe en matière d'architecture : les îles artificielles, les « palm islands » au large de Dubaï, la tour la plus haute du monde, l'hôtel Burj Al Arab.
Le Louvre est passionnant mais c'est quand même un aspect d'un tout...
M. le président - La bourse également...
M. Dominique Baudis - ... Ainsi que le siège de la banque de Dubaï, qui est très intéressant.
On prépare une exposition sur les peintres du Bosphore, sur la Sainte Famille en Egypte. On a ainsi toute une série de sujets, comme les orientalistes...
On travaille également avec la Libye sur une exposition sur les trésors archéologiques de ce pays.
On fait ce travail en relation avec les autres musées ; on a des séances « brain storming » durant lesquelles on fait remonter les idées avant de faire un choix.
M. le président - Ils s'inspirent même de Molière en mariant le Grand Turc et la République de Venise.
La parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron , rapporteur spécial - Messieurs les présidents, beaucoup de sujets fondamentaux ont été abordés et traités.
Néanmoins, en abordant le contrôle que j'ai mené, j'étais parfaitement conscient du statut très spécifique de l'Institut et, d'autre part, du moment très stratégique auquel survenait ce contrôle, tout au début de l'opération de sauvetage et de refondation.
Je me permettrais de poser quelques questions extrêmement précises qui vont peut être paraître un peu matérielles, voire terre-à-terre mais je crois qu'elles sont nécessaires à une bonne compréhension de la situation de l'Institut et peuvent contribuer, par les réponses que vous apporterez, à appuyer l'opération de redressement que vous avez entreprise et que je salue.
J'ai mené ce contrôle aussi sérieusement que j'ai pu. C'est un contrôle au long cours. J'ai auditionné plusieurs responsables de l'Institut. Je m'y suis rendu à quatre reprises ; je l'ai même visité de fond en combles pour essayer de comprendre certaines choses.
En interrogeant les personnels, j'ai pu mesurer un très grand attachement des personnes à l'Institut qu'il faut saluer ; les crises successives et les déficits perdurant, j'ai parfois perçu un certain désenchantement.
Je voudrais relever quelques faits caractéristiques. L'âge moyen y est de 50 ans, l'ancienneté moyenne de 15 ans. Beaucoup de personnes sont là depuis l'origine. 42 % sont dans la dernière tranche de promotion à l'ancienneté et voient donc leurs salaires stagner.
Dès lors, on peut se demander comment l'Institut du monde arabe va réformer sa gestion du personnel et lui donner du souffle. La pyramide des âges n'est pas très favorable et je crois que ce point est important pour que les personnels soient très associés à l'opération de redressement.
Secundo, tout le monde a fait le constat de la stratégie de redressement de l'Institut. Toutefois, les objectifs de dynamisation des ressources propres sont élevés : plus 20 % sur la période 2007-2010.
J'ai étudié le document que vous avez bien voulu nous distribuer. A l'avant dernière page, on a deux graphiques, celui qui exprime l'évolution des ventes de marchandises, locations d'espaces et mécénat et, en dessous, les produits du mécénat.
Je m'inquiète de la stagnation du graphique du haut puisque, depuis 2006, on voit que la somme n'augmente pas mais je salue les efforts très importants qui ont été faits pour le mécénat.
J'ai relevé dans le contrat d'objectifs et de moyens une partie importante consacrée au bâtiment. Vous l'intitulez : « Rendre au bâtiment sa splendeur initiale ». Le mot n'est pas excessif !
Je voudrais souligner ici quelques difficultés. L'architecte, on le sait, est prestigieux mais j'ai visité la bibliothèque et constaté qu'une partie des livres est présentée dans une réplique d'un minaret arabe qui ne facilite pas vraiment leur consultation. Quand on éprouve l'ergonomie des sièges, on n'est pas tout à fait satisfait. L'entrée même de l'Institut n'est ni flatteuse, ni engageante, tout le monde l'a observé. Cela surprend un peu. Y a t il eu des contacts avec l'architecte pour remédier à ces difficultés réelles ?
Je voudrais revenir sur ce qu'a dit M. l'ambassadeur Jean Félix-Paganon à propos de la représentation du ministère des affaires étrangères (MAE) dans les instances de l'Institut. J'ai craint un moment que vous ne disiez pas clairement que le ministère était favorable à la présence de la France, de l'administration française et de votre ministère au conseil d'administration mais j'ai compris que ce n'était pas le cas, puisque vous nous avez dit que la demande avait été exprimée. Comment cette demande a t elle évolué ? A t elle des chances de prospérer ? Des objectifs peuvent ils être envisagés dans le temps ?
Une remarque concernant le contrat d'objectifs et de moyens. L'un de vous a dit que le secrétaire général du Quai d'Orsay avait donné un accord de principe. Je crois qu'il est important, pour que ce document devienne un appui à votre politique sur lequel l'Institut puisse fonder son action, qu'il soit signé par les deux parties. Cette signature peut elle intervenir dans des délais raisonnables ?
M. Dominique Baudis - Merci de l'intérêt que vous avez porté à l'institution. Nos entretiens et vos visites, longues et approfondies, ont témoigné de cet intérêt que vous portez à l'Institut et nous sera très utile.
Vous avez constaté - comme cela a été mon cas quand je suis arrivé- un très grand attachement des personnels à cette maison. Pour ceux qui y travaillent, l'Institut du monde arabe n'est pas simplement un emploi mais aussi une cause qu'ils servent. Il y a donc une assez forte implication affective dans le fonctionnement et les missions de l'IMA.
Le désenchantement est évident. Il est principalement dû à une crainte permanente à propos de la pérennité de l'établissement et à la mise en oeuvre d'un plan de licenciement économique - on ne pouvait faire autrement - qui s'est traduit par le départ de près de 10 personnes, ce qui, sur un effectif de 150, représente 7,5 %. Cela provoque toujours un traumatisme, d'autant qu'il s'agissait souvent de gens qui étaient là depuis longtemps.
Effectivement, la pyramide des âges est très déséquilibrée. La plupart de ceux qui exercent des responsabilités sont là depuis le début, ce qui va poser un problème car on risque d'avoir, dans 3-4 ans, de très nombreux départs à la retraite de tout l'encadrement et de se retrouver avec une maison qui aura perdu son expérience et sa mémoire.
J'ai pris l'engagement devant les équipes de tout faire pour éviter un second plan de licenciement ; en revanche, nous devons réduire la masse salariale. On essaie de le faire par une politique d'incitation au départ à la retraite. M. Baudet a eu, dans le cadre de la mise en oeuvre du contrat d'objectifs et de moyens, des réunions ce matin encore avec les syndicats, pour faire rapidement le point sur notre stratégie et la façon dont nous l'enclenchons.
M. François Baudet - Ce plan de départ repose sur le volontariat. Une provision de 1,7 million d'euros a été inscrite au budget de façon à inciter les salariés qui le souhaiteraient à partir afin de continuer de réduire la masse salariale d'une dizaine de postes, rajeunir les effectifs et rééquilibrer la pyramide des âges.
Un accord de méthode a été signé avec l'ensemble des délégués syndicaux il y a une semaine. Nous sommes en concertation avec les membres du comité d'entreprise dans le cadre des dispositions légales en matière de mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi, fût il fondé sur le volontariat.
M. Dominique Baudis - S'agissant du second point, il y a effectivement une contradiction dans l'avant dernier feuillet. Quelque chose interpelle : on a des recettes de mécénat en forte augmentation et, en revanche, une stabilité de nos recettes propres mécénat, billetterie, location d'espaces, vente de marchandises.
De gros efforts ont été faits concernant le mécénat. Pour ce qui est de la commercialisation, on s'est heurté, il y a un an et demi, à une série de difficultés ; par ailleurs, on a eu une fermeture du restaurant pendant 4 ou 5 mois pour en changer l'exploitation.
Cette série d'opérations a entraîné des résultats médiocres en termes de recettes commerciales. Ceci a été compensé par l'augmentation du mécénat. L'objectif est de reprendre la croissance des recettes commerciales et celle du mécénat.
M. François Baudet - En effet, du fait d'un montant astronomique de l'encours fournisseurs, qui atteignait, en septembre 2006, un peu plus de 9 millions d'euros, de nombreux fournisseurs, notamment de la librairie ou de la boutique d'artisanat, avaient interrompu leurs livraisons.
Nous avons donc constaté une diminution du chiffre d'affaires de la librairie et de la boutique qui est passé de 1,8 million d'euros en 2006 à 1,6 million d'euros en 2007. Malgré l'apurement de cet encours fournisseurs par le recours à l'endettement, nos clients ne sont pas revenus. Il est très difficile de reconquérir ces clients, d'où l'audit que nous sommes en train de conduire dont parlait le président Baudis, pour examiner les moyens d'améliorer la rentabilité de la librairie mais surtout de la boutique.
M. Dominique Baudis - Concernant la bibliothèque, les sièges sont particulièrement inconfortables. Le rapport sur la bibliothèque le souligne. Ces sièges, dessinés par Jean Nouvel, sont beaux mais inconfortables. On va pouvoir les changer.
Pour ce qui est de l'entrée, je partage votre point de vue. En tant que visiteur, j'ai toujours été étonné de pénétrer dans un si beau bâtiment par un trou de souris ! Il faut presque baisser la tête à cause du palier. On pourrait trouver des solutions mais cela ne peut se faire qu'avec l'accord de l'architecte.
Concernant la réforme des statuts, le ministère des affaires étrangères, à la suite du rapport de la Cour, a souhaité et j'ai dit à M. Félix Paganon que je souscrivais totalement à son désir être représenté ès qualité par quelqu'un chargé de la gestion administrative et financière. Le ministère est représenté au conseil d'administration puisque tous les membres français sont désignés par le ministère des affaires étrangères en fonction de leur carrière, de leurs centres d'intérêt. Le nouveau représentant du ministère des affaires étrangères sera désigné du fait de ses fonctions.
On engage la réforme. Je vais réunir le Haut conseil et proposer une réforme des statuts.
Cette réforme irait dans plusieurs directions : en premier lieu, accorder un siège à l'Union européenne et un à la Ligue arabe, de façon à adosser davantage l'IMA sur l'Europe et sur la Ligue arabe.
En second lieu, le conseil d'administration ajouterait deux sièges, l'un pour un représentant du Quai d'Orsay et, pour respecter la parité du conseil, un autre pour un ambassadeur arabe.
Aujourd'hui, 6 ambassadeurs arabes sur 22 siègent au conseil d'administration. Ils passeraient à 7 et les 6 personnalités qualifiées françaises passeraient également à 7.
Je propose cette réforme au Haut conseil le lundi 16 juin ; il faut ensuite une réunion du conseil d'administration. Cela devrait entrer en vigueur assez rapidement.
Dès demain, M. Testot, conseiller diplomatique et le directeur général, M. Taleb Bendiab, vont faire la tournée des ambassadeurs pour les convaincre du bien fondé de cette réforme.
Enfin, je suis très preneur d'une signature du contrat d'objectifs et de moyens entre le ministère des affaires étrangères, les finances et l'Institut du monde arabe. Je suis prêt à signer mais la réponse appartient aux deux ministères concernés.
M. Jean Félix-Paganon - Je voudrais rappeler en complément que ce contrat d'objectifs et de moyens a fait l'objet d'un véritable dialogue entre le président Baudis et l'administration. En amont, le président a partagé avec nous ces orientations, a voulu s'assurer que ces premières conclusions recueillaient ou recueilleraient sans difficulté l'accord de l'administration. Nous avons donc eu, avant la version définitive de ce contrat d'objectifs et de moyens, un vrai dialogue et une vraie capacité de l'administration à faire part de ses propres préoccupations.
En second lieu, une fois ce document adopté par le président et diffusé, se posait la question du partenariat. Nous ne sommes pas seuls et nous retombons donc inlassablement sur la même question : à qui revient il tout d'abord d'approuver ce document ? Je crois qu'il ne faut pas faire de querelle théologique mais ce n'est pas forcément une mauvaise chose que ce contrat ait été adopté par le conseil d'administration. De ce point de vue, nous nous félicitons qu'il y ait un accord au sein du conseil d'administration parce qu'il faut être attentif à ne pas donner l'impression que c'est l'administration française qui dicte à l'Institut du monde arabe le détail de ces décisions.
Se pose la question de la formalisation d'un document sur lequel nous sommes globalement d'accord. Je comprends que nous sommes sous instruction du Premier ministre de ne pas prendre d'engagement pluriannuel dans l'attente des conclusions de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) et que cette instruction vaut pour l'ensemble des administrations. Il faut que nous nous efforcions de combiner cette contrainte avec notre souhait de formaliser dans les meilleurs délais notre approbation aux recommandations et notre approbation de ce contrat d'objectifs et de moyens.
Nous y travaillons. Il existe un projet de lettre conjointe de nos deux ministres qui circule entre les deux administrations et nous espérons pouvoir assez rapidement adresser ce courrier confirmant le niveau de la subvention dont je précise qu'il est de 12,3 millions d'euros et non de 12,6 millions d'euros en des termes compatibles avec les instructions du Premier ministre concernant la RGPP.
M. le président - Merci.
La parole est aux commissaires.
M. Aymeri de Montesquiou - Je ne sais si vous avez abordé ce point mais je voudrais m'intéresser aux contributions des Etats.
Le président Baudis a raison lorsqu'il dit qu'à l'époque, on avait essayé de gommer les séquelles du colonialisme, de moins penser à un terrorisme qui avait commencé à la fin des années 60 et à l'augmentation dramatique du prix du pétrole. Il y avait aussi un élément politique qui me semble essentiel.
En avril 1976, j'avais proposé au président Giscard d'Estaing ce projet d'Institut du monde arabe, dans un contexte de rivalité ou d'augmentation de la puissance de la diplomatie française par rapport à la diplomatie britannique. Les Britanniques venaient de quitter les pays de la trêve. Le roi Idriss, leur allié, avait été chassé de Libye. En Irak, le président Chirac avait des relations très cordiales avec le Raïs et on assistait à un changement à la direction de l'Arabie saoudite.
Le roi Fayçal avait été assassiné l'année précédente et le roi Khaled avait conservé Rachid Pharaon, conseiller personnel du roi Fayçal.
Il y avait donc une poussée française dans les pays arabes mais, pour établir une bonne clef de contribution à l'Institut du monde arabe, les Arabes, personnalités affectives, considéraient qu'il fallait davantage prendre en compte les relations de chef d'Etat à chef d'Etat que d'Etat à Etat.
Je ne sais quelle est aujourd'hui la clef de contribution de chaque Etat mais ne serait ce pas une bonne opportunité de prendre 3 ou 5 pour 1000 de tous les pays contributeurs afin d'être certain d'avoir une ressource plutôt stable ? Si les recettes étaient budgétées dans chaque pays, on aurait beaucoup plus de ressources.
M. le président - D'après ce que j'ai compris, on ne demande plus rien.
M. Aymeri de Montesquiou - Mais on parle de changer les statuts... Le point important est que ce n'est pas une institution muséale. C'est un lieu d'échanges entre les pays arabes et la France ou les pays arabes et l'Union européenne. Ce sont donc les budgets des ministères des affaires étrangères qui doivent apporter leurs contributions. Il y a peut être là un biais pour que les choses soient mieux établies.
M. François Trucy - Une observation très irritée à propos du contrat d'objectifs et de moyens.
Il y a 15 jours, je vous exposais le fonctionnement de l'établissement public de la Défense. Nous nous sommes aperçus que cette institution sociale éminemment utile tente depuis trois ans d'avoir son contrat d'objectifs et de moyens.
On a écouté avec intérêt les paroles rassurantes qui ont été exposées tout à l'heure mais il est extraordinaire que, derrière une très bonne idée sur tous les plans, l'Etat n'ait jamais été capable de mettre sur pied un contrat d'objectifs et de moyens ! Il a envoyé sur le devant de la scène, avec ou sans parachute, des présidents successifs qui ont eu bien du mérite. Je pense que la statue de M. Baudis devrait être plus élevée que les autres !
Mme Nathalie Goulet - Comme Aymeri de Montesquiou, je veux tout d'abord souligner le caractère éminemment politique de l'Institut du monde arabe, marque de la politique de la France et d'une certaine politique arabe dans un monde arabe extrêmement hétérogène.
Le président Gouteyron a parlé des salariés de l'IMA. Je pense qu'il y a aussi un problème de répartition entre les différents pays.
Historiquement, je connais assez bien la question puisque Daniel Goulet avait été pressenti pour devenir président de l'IMA. Nous nous étions à l'époque attachés au fonctionnement de cette maison.
Je voudrais dire un mot, étant la seule représentante de la commission des affaires étrangères et connaissant particulièrement bien les pays du Golfe, de la vision que ceux-ci avaient de l'IMA jusqu'à une date récente. Cette vision était celle d'un président à la carrière déjà bien avancée venant chercher de l'argent.
Le fait que les pays arabes, notamment les pays du Golfe, aient cessé leurs contributions ne vient pas uniquement de leur volonté de ne pas payer ou du fait qu'ils sont de mauvais contributeurs mais ils ont considéré pendant de très nombreuses années que les programmes étaient très axés sur le Maghreb et moins sur les pays du Golfe. En conséquence, ils se sont sentis un peu éloignés de la gestion de l'IMA. Plus on va rapprocher les programmes et les expositions des pays du Golfe et plus la contribution sera évidente, en dehors de l'augmentation du prix du pétrole et de leur volonté marquée d'investir dans le domaine culturel.
Il y a un cap extrêmement important, à un certain moment de l'histoire, entre l'IMA et les pays du Golfe et on nous a toujours dit : « L'IMA est formidable. C'est certes une représentation des pays arabes mais surtout du Maghreb. Vous êtes le pays d'Europe qui a 7 millions de population immigrée ; vous considérez que l'IMA est un instrument au service de la culture du Maghreb plus que des pays du Golfe ».
Cette vision a tendance à s'inverser depuis l'arrivée du président Baudis parce qu'il représente une autre image et véhicule un autre programme et je crois que tous les efforts qui ont été faits d'un point de vue administratif et financier l'ont aussi été en fonction de l'orientation du programme.
Vous ne pouvez demander à de gros contributeurs de contribuer sans arrêt pour un programme et un institut dans lequel ils ne se reconnaissent pas.
Par ailleurs, l'ouverture à l'Europe me semble extrêmement importante car l'IMA, d'un point de vue culturel, est une marque de fabrique. Après bien des arguties, on a réussi à faire enfin exposer un photographe saoudien au musée des arts premiers pour la première fois en septembre, avec des photographes venus d'ailleurs. L'IMA a apporté non sa contribution financière mais son label, ce qui a permis l'ouverture à l'Arabie saoudite du musée des arts premiers. Il est très important que ceci continue à fonctionner.
Il existe un projet concurrent en Espagne ; les Espagnols sont en train de monter un Institut du monde arabe et vont probablement utiliser un certain nombre de faiblesses de l'IMA français qui n'a pas forcément été à une vitesse de croisière suffisante. Il faut vraiment soutenir les efforts du président Baudis et éviter de rendre cet institut par trop administratif, avec une tutelle qui donnerait à nos amis, notamment ceux du Golfe, l'impression d'être déséquilibrée.
C'est une structure atypique ; il faut la conserver autant que faire se peut en renforçant les contrôles et en évitant les problèmes budgétaires comme ceux qu'elle a connus - cela me semble sur la bonne voie , en continuant à rivaliser d'ingéniosité dans les programmes de façon à ne pas laisser la porte ouverte à cet institut espagnol qui, au coeur de l'Andalousie, a des racines historiquement compatibles avec le monde arabe !
Les problèmes financiers vont probablement être réduits à leur plus simple expression uniquement par le renforcement des programmes tels qu'ils sont. Il était important de montrer que le déficit de l'Institut n'est pas structurel mais aussi très lié aux programmes.
Je voulais dire également à quel point l'ensemble des pays du Golfe étaient contents de voir M. Baudis arriver à la tête de cet établissement ; ils y ont vu un signe manifeste de changement d'orientation et d'une volonté politique marquée, dans un monde qui bouge.
M. le président - Merci. Vous exprimez là le point de vue du Golfe !
La parole est à M. Baudis.
M. Dominique Baudis - Merci de vos encouragements.
Aymeri de Montesquiou a bien suivi le processus de création de l'Institut du monde arabe. Il a évoqué une clef de répartition pour les financements ; en fait, cette clef a été mise en oeuvre au départ puisqu'on a adopté celle de la Ligue arabe : chaque pays arabe devait acquitter sa part sur la base de la clef de répartition de la Ligue.
Comme je l'expliquais, cela a marché très peu de temps. Il y a eu des relations difficiles entre France et l'Irak au moment de la première guerre du Golfe. Il était alors difficile de demander le paiement de la contribution de l'Irak à l'IMA.
Même chose avec la Libye il y a quelques années. Au delà de ces difficultés politiques, culturellement les pays arabes ont du mal à rentrer dans une logique où chacun paye sa cotisation régulièrement en fin d'année pour couvrir les dépenses de fonctionnement.
C'est pourquoi Camille Cabana a passé un accord avec les pays membres de l'IMA en disant : « Il n'y a plus de cotisations. Payer vos arriérés, on les placera et on ne vous demande plus rien ».
On est maintenant au milieu du gué ; sur 22 pays, 17 ont payé les arriérés. Il reste à récupérer les arriérés de 5 pays. Si je les récupère, on double le fonds de dotation et les produits financiers du fonds.
Aujourd'hui, il est très difficile de changer de pied et de reprendre les cotisations alors que tous ne se sont pas acquittés du versement au fonds de dotation. J'ai une obligation vis à vis de la Libye et de l'Irak qui, malgré la crise terrible qu'il traverse, dispose de capacités financières qui ne sont pas négligeables pour essayer de solder cette affaire du fonds de dotation, quitte à essayer d'inventer ensuite un autre système.
La réforme des statuts n'a pas d'incidences sur la question du financement. Les statuts ne traitent pas de la question du financement. La réforme des statuts est destinée à avoir une représentation ès qualité du directeur administratif et financier du Quai d'Orsay.
L'effort que je fais va dans deux directions : essayer d'obtenir que ceux qui n'ont jamais payé payent enfin d'où un accord avec la Libye qu'elle a signé et développer avec eux des opérations bilatérales.
En réalité, payer des cotisations pour des frais de fonctionnement à Paris n'intéresse pas les pays membres.
Imaginons une situation similaire avec une maison de l'Europe à New-York. On renâclerait aussi à payer notre cotisation chaque année mais si elle organise l'année prochaine un mois de la France, on va se mobiliser et faire un effort. C'est à peu près pareil.
J'essaie donc de récupérer ce qui nous est dû et de développer le bilatéral. On l'a fait avec le Qatar. On a loué un espace de 1.000 m2 à l'Etat du Qatar qui a présenté une exposition.
C'est l'offre que je fais à certains pays arabes qui me disent souvent : « Vous nous dites que c'est notre maison mais quand on veut faire une exposition, on n'y arrive jamais ! ».
On garde donc dans l'Institut les expositions de haut niveau et on met 1.000 m² en location pour les pays. En développant de telles opérations bilatérales, je pense que l'on peut ramener peu à peu du financement mais il est vrai qu'aux yeux des Etats du Golfe, qui disposent des ressources les plus importantes, l'Institut du monde arabe, dès le départ, a été en situation de déséquilibre en faveur du Maghreb.
Cela s'explique par des raisons évidentes : proximité géographique, liens historiques. Surtout, beaucoup de Maghrébins vivaient à Paris au moment où l'IMA s'est créé. Quand l'IMA a créé ses équipes, il a fallu trouver des bibliothécaires, des spécialistes des musées, des vendeurs pour la librairie, des professeurs de langues. On a pris des Algériens, des Marocains, des Tunisiens. Il y a très peu d'Egyptiens et Syro Libanais. Le Golfe n'est pas représenté, sauf par une saoudienne francophone spécialiste d'art contemporain.
J'essaye de faire un effort dans cette direction. J'y suis allé, j'y retournerai. Je mesure le travail à accomplir. Il y a un déficit de confiance. Ils se méfient maintenant de l'Institut du monde arabe, ayant longtemps considéré que l'on venait leur soutirer de l'argent et qu'on ne renvoyait pas l'ascenseur.
J'ai pour objectif de monter une très grande exposition sur l'architecture contemporaine dans le Golfe.
Je souligne que le Sénat peut beaucoup nous aider grâce aux groupes d'amitié : lorsqu'ils passent à Paris, emmenez les à l'Institut du monde arabe voir une exposition, prendre un verre sur la terrasse. Dans toutes ces relations institutionnelles, si vous mettez en évidence le rôle de l'IMA, vous lui donnez de l'importance aux yeux des représentants des pays arabes, qui verront que cette institution compte aux yeux de la France.
Merci à François Trucy pour ses encouragements. Je ne souhaite que travailler dans le cadre d'un contrat. J'en serais très heureux !
M. le président - Merci. Nous voici au terme de cette audition intéressante. Je pense que le président Pichon et M. Roch Olivier Maistre sont maintenant convaincus que leurs observations réitérées sont enfin suivies d'effets, avec les encouragements très forts du MAE.
Nous avons essayé, avec le président Gouteyron, d'assumer nos prérogatives de contrôle, dont notre rapporteur a dit toutes les vertus. Ceci en est une nouvelle illustration. Il s'agit en quelque sorte de mettre sous pression les gestionnaires publics dont l'obligation est de rendre compte.
On est ici en présence d'une institution d'une nature très originale mais, puisqu'il y a des fonds publics, j'ai compris que, pour le contrat d'objectifs et de moyens, il y aurait l'assurance de maintenir cette subvention de 12,6 millions d'euros.
Compte tenu de la réussite impressionnante de la gestion du président Baudis, peut être qu'un jour cette subvention pourra être allégée, ce qui sera une contribution à l'équilibre de nos finances publiques. Cela fera un peu moins de bons du trésor souscrits par les fonds souverains du Golfe !
Quelqu'un demande t il la parole ?
Merci à la Cour, au ministère, à l'IMA, à son président, à son directeur général et à son directeur général adjoint en charge de la gestion et des finances notamment.
Après une audition aussi riche, je pense que les membres de la commission des finances seront unanimes pour encourager le président Gouteyron à bien vouloir publier un rapport sur cette mission...
C'est donc une décision unanime !
Ainsi prend fin notre séance.