B. LES RÈGLES ANTI-BLANCHIMENT SONT CONTESTÉES PAR LES BARREAUX DE PLUSIEURS ETATS MEMBRES DE L'UNION EUROPÉENNE ET PAR LES BARREAUX FRANÇAIS

1. La contestation à l'échelle européenne

Elle s'est traduite par une initiative des barreaux belges devant la Cour constitutionnelle belge, qui estimaient que les obligations d'information et de coopération mises à la charge des avocats par la directive de 2001 portaient une atteinte injustifiée au principe du droit à un procès équitable défini par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales .

La Cour de justice des Communautés européennes , saisie à titre préjudiciel dans cette affaire, a rendu sa décision le 26 juin 2007 20 ( * ) . Elle a clairement distingué :

- d'une part, les activités liées à certaines transactions financières, immobilières ou commerciales, pour lesquelles les exigences définies par la directive de 2001 ne violent pas le droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- d'autre part, les activités liées à une procédure judiciaire -défense ou représentation en justice, qui bénéficient a contrario de la protection de cette Convention.

La Cour constitutionnelle belge a rendu son arrêt le 23 janvier 2008.

Elle a validé le principe selon lequel les informations obtenues par l'avocat à l'occasion des activités essentielles de sa profession, à savoir l'assistance et la défense en justice du client -y compris dans les matières financières et immobilières- ne pouvaient être divulguées à une cellule de renseignement financier. Elle a en outre considéré que le conseil juridique -même en dehors de toute procédure judiciaire- devait également être exempté des obligations d'information et de coopération.

2. La contestation des Barreaux français

La contestation des avocats français, à laquelle se sont joints avoués et avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, s'est concrétisée par le dépôt, devant le Conseil d'Etat, d'un recours en annulation du décret du 26 juin 2006 d'application de la loi du 11 février 2004.

Lors des auditions, ces recours étaient pendants. Néanmoins, le 10 avril 2008, le Conseil d'Etat a rendu son arrêt . 21 ( * )

Tout en jugeant que la deuxième directive ne méconnaissait pas les principes généraux du droit communautaire ou les stipulations de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et que la loi du 11 février 2004 assurait une parfaite transposition de cette directive, il a annulé deux points importants du décret d'application du 26 juin 2006.

D'une part, il a jugé que la disposition du décret qui avait pour portée d'obliger les avocats à répondre directement aux demandes d'information de la cellule TRACFIN, sans prévoir , comme dans le cas de la déclaration de soupçons, le filtre de l'autorité ordinale, méconnaissait la loi qui imposait un tel filtre d'une manière générale, et en conséquence, tant pour la déclaration de soupçons que pour la communication des documents.

D'autre part, il a estimé que, contrairement aux dispositions de la directive et de la loi, le décret avait omis d'exclure des obligations de vigilance les informations détenues ou reçues dans le cadre d'une consultation juridique .

Vos rapporteurs estiment que cette décision d'annulation influencera très certainement les orientations du futur projet de loi de transposition de la troisième directive anti-blanchiment.

* 20 Affaire C-305/05, Ordre des barreaux francophone et germanophone et autres.

* 21 Conseil d'Etat, Section, 10 avril 2008, Conseil national des barreaux et autres.

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