N° 342

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 mai 2008

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le suivi des dossiers européens en matière de blanchiment , de protection civile , d' immigration , d' asile et de terrorisme ,

Par MM. Pierre FAUCHON, Jean-René LECERF et Jean-Claude PEYRONNET,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest , président ; MM. Patrice Gélard, Bernard Saugey, Jean-Claude Peyronnet, François Zocchetto, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Georges Othily , vice-présidents ; MM. Christian Cointat, Pierre Jarlier, Jacques Mahéas, Simon Sutour , secrétaires ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Michèle André, M. Philippe Arnaud, Mme Éliane Assassi, MM. Robert Badinter, José Balarello, Laurent Béteille, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. François-Noël Buffet, Marcel-Pierre Cléach, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Yves Détraigne, Michel Dreyfus-Schmidt, Pierre Fauchon, Gaston Flosse, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Jacques Gautier, Mme Jacqueline Gourault, M. Jean-René Lecerf, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. François Pillet, Hugues Portelli, Marcel Rainaud, Henri de Richemont, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, MM. Alex Türk, Jean-Pierre Vial, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Lors de sa réunion du 12 décembre 2007, la commission des lois a désigné en son sein vos trois co-rapporteurs, issus tant de la majorité que de l'opposition, afin de suivre les dossiers européens dont l'objet relève de son champ de compétence.

Cette initiative a pour objet de renforcer l'implication de votre commission des lois à tous les stades de la discussion et de la mise en oeuvre d'un projet ou d'un texte européen.

A cet égard, la séquence de la présidence française de l'Union européenne 1 ( * ) à l'issue de laquelle devrait entrer en vigueur le Traité modificatif signé à Lisbonne 2 ( * ) , qui renforce de manière pérenne le rôle des parlements nationaux, constitue une occasion privilégiée pour affirmer la participation du Parlement français, et en particulier du Sénat, dans le processus de décision européen.

En décembre dernier, votre commission des lois a ainsi publié un premier rapport d'information 3 ( * ) faisant le point sur les dossiers européens en cours ainsi que sur ceux annoncées comme prioritaires sous la future présidence française. Ce rapport rendait compte également des travaux et déplacements européens de la commission et de son souhait de développer les contacts directs avec les institutions européennes.

Le présent rapport d'information qui a fait l'objet d'une communication devant votre commission des lois le 30 avril 2008 prolonge et approfondit cette démarche.

Dans un souci d'efficacité, vos trois co-rapporteurs ont décidé de se répartir les dossiers tout en veillant à toujours y associer leurs collègues. Au delà de la préparation de la présidence française de l'Union européenne, il a semblé intéressant de développer d'autres axes de travail sur des thèmes très différents.

En premier lieu, ce rapport fait le point sur les résolutions européennes adoptées par la commission des lois puis devenues résolutions du Sénat au cours des trois dernières années. L'objectif est de tenter d'évaluer leur prise en compte par le Gouvernement, voire leur impact sur les négociations au niveau européen.

En deuxième lieu, vos trois co-rapporteurs ont souhaité évaluer les incidences sur les professions juridiques et judiciaires réglementées de la mise en oeuvre en droit français de la troisième directive anti-blanchiment 4 ( * ) , qui aurait dû être transposée avant le 15 décembre 2007. Ce travail de préparation de la transposition a permis également de faire un premier bilan de l'application à ces professions de la législation anti-blanchiment en vigueur 5 ( * ) .

En troisième lieu, il est apparu nécessaire d'approfondir à nouveau deux sujets annoncés par le Gouvernement en décembre 2007 comme des priorités de la présidence française de l'Union européenne : la création d'une force européenne de sécurité civile et l'adoption d'un Pacte européen sur les migrations et l'asile. A cet égard, une délégation de votre commission se rendra en Grèce au mois de juin prochain pour mieux connaître l'expérience et les projets des autorités grecques sur ces deux sujets particulièrement sensibles pour elles.

En dernier lieu, votre commission des lois a continué à nouer des contacts directs avec les institutions européennes. Elle a en particulier participé 6 ( * ) à l'initiative inédite de la commission LIBE du Parlement européen consistant à consulter les parlements nationaux sur l'examen d'un projet précis de texte, en l'espèce la proposition de décision-cadre modifiant la décision-cadre n° 2002/475/JAI relative à la lutte contre le terrorisme.

Ce travail parfois pointilliste est néanmoins indispensable à la mission essentiellement exploratoire de vos trois co-rapporteurs dont l'objectif est d'alerter leurs collègues sur les dossiers européens présentant un intérêt particulier et non de se les approprier. Il doit permettre dans un second temps de mieux cibler les dossiers requérant une action particulière de votre commission des lois.

I. LE SUIVI DES RÉSOLUTIONS ADOPTÉES PAR LA COMMISSION DES LOIS

Lors des trois dernières années, la commission des lois a eu l'occasion d'adopter des propositions de résolution sur des projets de textes européens relevant de son domaine de compétence.

Ce rapport est l'occasion de faire le point sur les effets de ces résolutions sur l'activité normative communautaire : en d'autres termes, comment, dans le domaine de la justice, des affaires intérieures ou du marché intérieur, la position du Sénat a-t-elle été prise en compte dans les négociations au niveau européen ?

A. RÉSOLUTION RELATIVE AU PROJET DE DÉCISION-CADRE CONCERNANT L'ORDONNANCE D'EXÉCUTION EUROPÉENNE ET LE TRANSFÈREMENT DES PERSONNES CONDAMNÉES ENTRE LES ÉTATS MEMBRES DE L'UNION EUROPÉENNE (7 JUIN 2006)

Sur le rapport 7 ( * ) de notre ancien collègue Philippe Goujon, la commission avait adopté le 7 juin 2006 une résolution, devenue résolution du Sénat, sur un projet de décision-cadre concernant l'ordonnance d'exécution européenne et le transfèrement des personnes condamnées entre les États membres de l'Union européenne 8 ( * ) .

Ce texte avait en particulier pour objet de définir les conditions du transfèrement d'une personne condamnée dans un Etat membre vers son Etat de résidence habituelle.

Notre commission avait souhaité que, par principe, un tel transfèrement soit soumis au double consentement : d'une part de l'Etat d'exécution de la condamnation , d'autre part de la personne condamnée . Pour autant elle concevait la nécessité de prévoir des hypothèses dans lesquelles, par exception à ce principe , ce double consentement ne serait pas exigé.

Au cours des sessions de février et mai 2007, le Conseil « Justice et affaires intérieures » est parvenu , sur cette question centrale, au compromis suivant :

? Le consentement de l'Etat d'exécution est exigé à titre de principe . Deux exceptions sont cependant posées, dans lesquelles ce consentement n'est pas exigé :

- lorsque le transfèrement s'effectuera vers l'Etat dont la personne condamnée est ressortissante et sur le territoire duquel elle vit ;

- lorsque ce transfèrement interviendra en direction de l'Etat dont la personne condamnée est ressortissante mais qui n'est pas celui dans lequel elle réside, dans l'hypothèse où cette personne serait dispensée de l'exécution de la condamnation en vertu d'un ordre d'expulsion figurant dans le jugement ou dans une décision judiciaire ou administrative ou toute autre mesure consécutive au jugement.

Toutefois, le projet de texte permet à chaque Etat membre de ne pas avoir à donner son consentement, même lorsque celui-ci devrait être requis, pour des demandes émanant d'autres Etats membres qui eux-mêmes n'exigeraient pas ce consentement.

? Le consentement de la personne condamnée reste quant à lui une obligation. Toutefois, par exception , ce consentement n'est pas requis lorsque le transfèrement doit intervenir :

- soit vers l'Etat dont la personne condamnée est ressortissante et sur le territoire duquel elle vit ;

- soit vers l'Etat où la personne sera expulsée une fois dispensée de l'exécution de sa condamnation ;

- soit vers l'Etat dans lequel la personne s'est réfugiée ou est retournée en raison de la procédure pénale dont elle fait l'objet dans l'Etat d'émission ou à la suite de sa condamnation dans cet Etat.

Lors d'une dernière consultation, le 25 octobre 2007, le Parlement européen s'est déclaré favorable, sous réserve d'une modification ponctuelle, au compromis auquel était parvenu le Conseil, estimant que s'il « est certes nécessaire de fournir des garanties adéquates à la personne condamnée, (...) il n'est pas opportun de continuer à accorder une importance prédominante à sa participation à la procédure en requérant son consentement pour la transmission d'un jugement à un autre État membre aux fins de sa reconnaissance et de l'exécution de la condamnation prononcée . »

Certaines réserves parlementaires (de la part du Danemark, des Pays-Bas et de la Suède notamment) sur ce texte n'ont pas été levées à ce jour. Toutefois, selon la Représentation française à Bruxelles, l'adoption formelle de ce texte et sa publication au Journal officiel de l'Union européenne devraient pouvoir intervenir avant la fin de l'année.

Globalement, même si en pratique il y aura un nombre important d'hypothèses dans lesquelles le consentement de l'Etat ou de la personne condamnée ne sera pas requis, le principe d'un double consentement, demandé par le Sénat, est définitivement acquis.

* 1 A compter du 1 er juillet 2008.

* 2 Sous réserve de sa ratification par les vingt-sept Etats membres de l'Union européenne. Au 8 mai 2008, treize pays l'ont ratifié : la Hongrie, Malte, la Slovénie, la Roumanie, la France, la Bulgarie, la Pologne, la Slovaquie, le Portugal, l'Autriche, le Danemark, la Lettonie et la Lituanie. La France a ratifié le traité de Lisbonne le 14 février 2008.

* 3 Rapport d'information n° 133 (2007-2008) « Vers la présidence française de l'Union européenne : justice, sécurité, famille et sociétés » de M. Jean-Jacques Hyest, président, au nom de la commission des lois.

* 4 Directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme.

* 5 La directive du 4 décembre 2001 dite « deuxième directive » qui a étendu le régime anti-blanchiment aux professions juridiques et judiciaires réglementées a été transcrit dans notre droit interne par la loi n° 2004-130 du 11 février 2004 réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires, des conseils en propriété industrielle et des experts en ventes aux enchères publiques et le décret n° 2006-736 du 26 juin 2006 relatif à la lutte contre le blanchiment de capitaux et modifiant le code monétaire et financier.

* 6 Votre co-rapporteur Pierre Fauchon y représentait la commission.

* 7 Rapport n° 378 (2005-2006) de M. Philippe Goujon au nom de la commission des lois.

* 8 Résolution n° 109 (2006-2007) du 20 juin 2006.

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