CENTRE ANTIPOISON DE PARIS - HÔPITAL FERNAND WIDAL |
Site Internet : http://centres-antipoison.net
Dr. Robert GARNIER, Maître de conférence, praticien hospitalier
(20 septembre 2006)
Après avoir rappelé que la dangerosité des produits actuels était moindre que celle des produits antérieurs, le Dr. Robert GARNIER a relevé que les centres antipoison étaient appelés pour de très nombreux accidents dont la plupart sans gravité, et que, pour obtenir de meilleurs résultats, il conviendrait de mieux éduquer la population.
Dans cette optique, il a estimé souhaitable de former à la prévention des accidents domestiques dès l'école , ce qui aurait davantage d'impact que des campagnes d'information. En effet, nombre d'accidents sont très prévisibles notamment ceux causés aux jeunes enfants par les médicaments : par exemple, lorsqu'une personne âgée prépare à côté de son assiette, ou laisse à portée des enfants dans son sac à main, des médicaments qu'elle doit absorber. Par ailleurs, il a relevé que les produits dangereux sont fréquemment rangés dans le placard sous l'évier de la cuisine tandis que les biscuits et les chocolats, qui n'ont jamais tué personne, sont soigneusement placés en hauteur hors d'atteinte des enfants.
Les produits ménagers sont à l'origine de 21 % des accidents . Les produits les plus dangereux sont répertoriés sur une liste remise par le Dr. Robert GARNIER qui a noté que souvent l'odeur du White spirit attirait les enfants et que, de plus, le récipient contenant ce produit avait un gros goulot. Or l'absorption de White spirit provoque une anesthésie partielle et une certaine quantité du produit va dans les bronches. Ce cas d'intoxication se présente plusieurs fois par jour, comme le rappelle l'ouvrage de toxicologie élaboré par le service du Centre antipoison de Paris au chapitre « produits ménagers » .
La nécessité d'une éducation préventive a été confirmée par les réponses à un questionnaire du Centre antipoison de Paris portant sur mille incidents. Les usagers ont toujours reconnu leur faute évidente comme cause de l'incident.
Des catastrophes sont également causées par des étiquetages , la culture de la propreté l'emportant souvent sur la prudence et conduisant à négliger le danger d'opérer des mélanges signalé sur les étiquettes des produits, mais parfois en trop petits caractères. Ainsi, le Dr. Robert GARNIER a rappelé le danger du mélange de l'eau de Javel avec de l'acide qui produit un dégagement de chlore. Des progrès sont possibles sur ce point ; l'étiquetage européen, très lisible, devrait être enseigné dès l'école primaire.
Quant aux adultes , la faute la plus fréquente commise par eux c'est le déconditionnement du produit , c'est-à-dire le transfert du produit dans un conditionnement sans étiquette ou portant une étiquette autre, comme celle d'un produit alimentaire.
Or, il faut savoir que les enfants peuvent être attirés par la couleur agréable d'un produit, comme celle de certains shampoings qu'ils boivent parfois.
De même, pour les cosmétiques , à l'origine de 3 % des intoxications ; ils sont davantage bus par les petites filles que par les petits garçons attirés par d'autres produits.
Enfin, pour les plantes vertes , le latex du diffenbachia est très irritant s'il est mâché ; il en est de même, mais à un degré moindre, pour le ficus et le croton .
Le Dr. Robert GARNIER a rappelé que le réseau des centres antipoison était composé de dix unités. Le contact est alors établi avec un médecin senior, un interne ou un pharmacien. Il a observé que des infirmiers confirmés pourraient d'ailleurs répondre mieux que des internes dont la rotation intervient tous les six mois alors que 80 % des appels relèvent de l'intoxication bénigne. L'implantation des centres à travers la France résulte de raisons historiques et non d'un plan national. Le statut des centres est précisé par un décret de 1996 qui subordonne la création d'un centre au fait qu'un CHU comptant un chef de service toxicologue se porte volontaire mais ce texte est muet sur le coût du centre créé. Un décret de 1999 sur la toxicovigilance complète ce dispositif.
Le Dr. Robert GARNIER a noté qu'avec les moyens de communication actuels un nombre plus réduit de centres pourrait suffire si la répartition régionale de ceux-ci était équilibrée. Déjà certaines tâches sont mutualisées, comme le soutien psychologique par téléphone, notamment la nuit. Il serait surtout souhaitable de créer une base de données commune .
Le Dr. Robert GARNIER a observé que les centres antipoison avaient d'abord pour mission d'éviter les hospitalisations inutiles, mais que leur tâche était compliquée par l'absence, en France, du dépôt obligatoire de la composition des préparations commerciales , sauf pour certains produits recensés dans la base de l'INRS . Cependant cette base comprend moins de 5 % des produits incriminés dans les empoisonnements, ce qui rend tout à fait indispensable la création d'une base propre aux centres antipoison.
Lorsque les cas arrivent aux centres antipoison, ils remontent pour être distribués aux centres compétents et quand des problèmes de composition se présentent, les industriels sont contactés - le code de la santé publique les oblige à communiquer la composition du produit en cause. Cela se passe sans problème pour les industriels situés en France mais cela peut être difficile lorsque les industriels sont localisés à l'étranger, d'autant qu'il y a parfois plusieurs industriels à contacter en cascade.
Des échanges avec la banque de l'INRS, ORFILA 1, interviennent et il serait souhaitable de faire saisir par les industriels eux-mêmes les données de leurs produits . Toutefois les compositions des préparations changent tous les deux ans au maximum , ce qui complique considérablement la tâche des centres antipoison. Il existe, par exemple, sous le même nom de xylophène, toute une gamme de produits différents.
L'InVS en 2003 et l'AFSSET ensuite ont enquêté sur les moyens des centres antipoison . Le Centre antipoison de Paris a rencontré un grand problème de personnel au printemps 2006, ce qui a même conduit à fermer une demi-journée pour débloquer la situation. Une nouvelle enquête a été ordonnée ensuite et des postes ont été accordés. Un essai de mutualisation des tâches y est en cours avec un autre centre antipoison (celui de Nancy).
Le Dr. Robert GARNIER a noté que les centres antipoison ne coûtent pas cher mais ne rapportent rien aux groupes hospitaliers auxquels ils appartiennent.
A propos du retour d'information des pompiers, des SAMU et des centres 15 sur les empoisonnements , le Dr. Robert GARNIER a déploré qu'il ne soit pas systématique alors que le centre antipoison est de fait le conseil toxicologique des pompiers et qu'un réseau de toxicovigilance a été mis en place.
Le Dr. Robert GARNIER a relevé que des problèmes pouvaient demeurer face à un produit rare ou inconnu ou aux effets inattendus et que des outils méthodologiques seraient à développer pour ces cas.
En cas d'alerte (par exemple, en cas d'incidents ou d'accidents imputés à la consommation de coquillages possiblement contaminés, ou en cas d'effets nocifs résultant possiblement de l'utilisation d'un produit domestique), le réseau national de toxicovigilance coordonné par l'InVS et auquel participent les centres antipoison, peut rapidement établir et mettre en circulation une fiche de recueil de données et désigner un centre coordonnateur qui centralise et analyse les informations recueillies par le réseau.
Le suivi de certains cas est assuré parfois sur plusieurs années, notamment en matière de saturnisme infantile. Au Centre antipoison de Paris, les cas d'intoxication résultant d'expositions répétées ou chroniques représentent environ 15 % de son activité ; quant aux consultations liées aux activités professionnelles et aux suspicions de pathologie environnementale, elles se multiplient. Un réseau français des pathologies professionnelles et environnementales a été mis en place ; il rassemble une trentaine de services spécialisés sur l'ensemble du territoire national.
Les 1.600 à 1.700 consultations annuelles dans la consultation associée au centre antipoison de Paris portent surtout sur la toxicologie et la chimie et leurs résultats commencent à être mis en commun.
La Mutualité sociale agricole (MSA) a mis en place PHYTOVEILLE qui est un réseau national de vigilance des pathologies professionnelles.
Revenant sur la question des produits dangereux , le Dr. Robert GARNIER a déploré un mauvais contrôle de l'information les concernant. Le livre « Suicide mode d'emploi » a montré qu'il était dangereux de faire la publicité de certains produits de même que celle de certains herbicides. C'est pourquoi, le Dr. Robert GARNIER a toujours refusé de collaborer à des articles à sensation comme ceux publiés en Grande-Bretagne qui ont entraîné des morts affreuses en cascade. En France, pour des raisons analogues, il a été enregistré une augmentation du taux de suicide à la Réunion, aux Antilles et en Guyane. Ces publicités sont d'autant plus condamnables qu'en général le suicide est davantage un appel au secours qu'une volonté de mettre fin à ses jours.
En conclusion, le Dr. Robert GARNIER a recommandé la promotion d'un rangement rationnel des produits dangereux et la lutte contre leur déconditionnement ainsi qu'une action éducative pour la lecture raisonnée des pictogrammes.
1 ORFILA : serveur, alimenté par la base SEPIA, à la disposition des interlocuteurs habilités des CRAM, des Directions régionales du travail et de l'emploi et des Centres antipoison pour les renseigner sur la composition chimique des préparations industrielles. La base SEPIA est elle-même alimentée par la collecte d'informations auprès des industriels sur les préparations chimiques.
Documents de référence :
- « Produits domestiques », chapitre II, R. Garnier, in « Toxicologie clinique » , sous la direction de Mme Chantal BISMUTH, Médecine-Sciences, Flammarion