B. LE RENDRE PLUS EFFECTIF

Le lancement du dialogue direct a été, au départ, une initiative du président de la Commission européenne. Au sein de celle-ci, le soutien à cette démarche était probablement loin d'être unanime. Du côté des parlements nationaux, les réticences de principe semblent très rares, mais le dialogue direct avec la Commission réclame des évolutions en termes de culture politique et d'habitudes de fonctionnement. Le « réflexe européen » est encore loin d'être la règle au sein des parlements. On ne peut s'étonner qu'au bout d'une année, le bilan s'apparente plus à un démarrage laborieux qu'à une marche triomphale. En même temps, les leçons de cette première expérience doivent être tirées pour donner toute sa portée au dialogue.

a) Engager le dialogue le plus tôt possible

Le dialogue ne peut avoir de réelle utilité que s'il se produit au tout début du processus. C'est pour cela que la délégation s'est efforcée de respecter le délai de six semaines et c'est pour cela qu'elle estime qu'un délai de trois mois pour la réponse de la Commission est un délai trop long.

Dans le but d'engager le processus le plus tôt possible, la délégation a examiné le programme législatif et de travail de la Commission pour 2007. Mais elle a dû alors constater que ce document ne permettait pas de se prononcer car l'examen de la subsidiarité et de la proportionnalité suppose de connaître les principales dispositions du texte concerné.

En revanche, dans ce même souci d'intervenir en amont, la délégation a constaté que les livres verts pouvaient se prêter particulièrement à l'exercice du contrôle de subsidiarité dès lors qu'ils étaient le prélude à des textes normatifs. Au cours de ses premiers examens de livres verts, la délégation a adressé des observations à la Commission pour s'étonner que celle-ci n'ait pas motivé au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité les différentes mesures qu'elle soumettait à consultation. La Commission a répondu qu'elle n'avait pas, à ce stade, à apporter de justifications au regard de la subsidiarité ou de la proportionnalité dans la mesure où il ne s'agissait pas encore de propositions. La délégation a estimé que cette réponse était parfaitement justifiée, mais elle a considéré qu'elle était en revanche fondée, quant à elle, à mettre en garde la Commission, dès ce stade, sur les problèmes de subsidiarité ou de proportionnalité que pourrait soulever telle ou telle mesure envisagée et à indiquer quelles solutions paraissaient les plus respectueuses de la subsidiarité ou de la proportionnalité.

La délégation entend bien, le jour où la Commission présentera des propositions découlant d'un livre vert, examiner si ses observations ont été réellement prises en compte. C'est en effet sur le long terme, et en assurant un suivi effectif de toute la chaîne qui conduit à un règlement ou à une directive, que les parlements nationaux peuvent espérer exercer un réel contrôle au regard de la subsidiarité.

b) Assurer la diffusion des observations des parlements nationaux

Ensuite , l'information sur les observations des parlements nationaux doit être plus largement diffusée . L'information réciproque entre parlements nationaux se heurte encore à des obstacles. En même temps, le Conseil et le Parlement européen ne semblent pas toujours bien informés de l'existence ou de la teneur des observations des parlements. Pour que le dialogue sur la subsidiarité ait de meilleures chances de faire évoluer certaines attitudes de la Commission, il faut en réalité que ce dialogue soit le point de départ d'un débat appelé à se poursuivre aux différents stades du processus de décision.

Il serait souhaitable que l'ensemble du dialogue - observations des parlements nationaux et réponses de la Commission - soit rendu public par la Commission européenne. Elles pourraient être regroupées sur une base de données spécifique (qui pourrait figurer sur le site IPEX) : une telle base pourrait être utile, non seulement aux parlements nationaux, mais aussi au Conseil et au Parlement européen, voire à la Cour de justice.

c) Intensifier la concertation interparlementaire

Enfin , la concertation interparlementaire doit s'intensifier . Il est clair que plus nombreuses seront les assemblées à soulever un problème de subsidiarité au sujet d'un texte, meilleures seront les chances de voir la Commission prendre au sérieux les préoccupations exprimées. Cela est vrai, également, lorsqu'on en arrive à l'examen du texte par le Parlement européen et le Conseil. Ainsi, le texte qui a suscité le plus grand nombre d'observations - la proposition sur la loi applicable en matière matrimoniale - a été aussi celui qui a été le plus discuté au sein du Conseil sous l'angle de la subsidiarité.

Mais, pour harmoniser la convergence des prises de position, un effort de réflexion collective s'impose pour disposer, autant que possible, de critères communs , de points de repère facilitant le rapprochement des points de vue des assemblées dans les délais relativement limités dont elles disposent. La COSAC apparaît comme le lien approprié pour une réflexion sur ces critères communs, qui pourrait tirer profit de celle qui est déjà engagée au sein du Comité des régions.

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Les résultats du dialogue direct avec la Commission ont certes été, pour sa première année, peu spectaculaires. On doit cependant tenir compte de la difficulté de l'objectif poursuivi : il s'agit de développer une « culture de subsidiarité » qui n'existe aujourd'hui ni dans la plupart des États membres, ni à l'échelon européen. Et c'est sans doute seulement lorsqu'il se combinera avec le mécanisme de contrôle prévu par le traité de Lisbonne que le dialogue direct prendra une plus grande portée. En tout état de cause, beaucoup dépendra de la coopération interparlementaire, dont le développement sera indispensable pour faire vivre le dialogue direct comme le mécanisme de contrôle. Cela suppose que chacun admette l'importance de l'enjeu.

Il faut donc souligner qu'une plus grande attention à l'exigence de subsidiarité est dans l'intérêt de la construction européenne. Que l'Union se concentre sur les grandes missions pour lesquelles elle constitue l'échelon approprié, qu'elle les remplisse avec efficacité, et sa légitimité sera confortée. Les citoyens attendent de l'Union des résultats en termes de croissance et d'emploi, de développement durable, de lutte contre la délinquance internationale, de défense des intérêts et des valeurs de l'Europe dans le contexte de la mondialisation. Comme le soulignait M. Willi Stächele lors de la rencontre entre la délégation et la commission homologue du Bundesrat, chacun est disposé à voir l'Union agir contre le réchauffement climatique ; le problème naît lorsque, au final, le résultat est un texte sur la mobilité urbaine.

En même temps, il est nécessaire de laisser, chaque fois que possible, une marge de manoeuvre aux États membres et aux collectivités territoriales. C'est la garantie d'une meilleure adaptation à la diversité européenne et aux réalités du terrain et, finalement, le gage d'une meilleure efficacité. Et c'est aussi le moyen de désarmer des critiques que l'Union a bien inutilement suscitées. La construction de l'Europe exigeait-elle de légiférer sur les eaux de baignade, les habitats naturels, les oiseaux migrateurs, ou encore la fiscalité indirecte de la coiffure ou de la restauration ? Des textes de ce type - outre qu'ils sont souvent difficiles d'application - ne font, finalement, qu'accréditer l'idée d'une Union à la fois lointaine et envahissante, peu à l'écoute des préoccupations prioritaires des citoyens.

Les États membres et leurs citoyens ont besoin de s'unir pour être ensemble plus forts et plus efficaces ; ils n'ont pas besoin d'être mis en tutelle dans les moindres aspects. Comme le soulignait Abraham Lincoln dans une déclaration au Congrès des États-Unis : « Vous ne pouvez pas aider les hommes continuellement en faisant pour eux ce qu'ils pourraient faire eux-mêmes » .

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