II. INCERTITUDES SUR LE PRIX DU PÉTROLE
Les projections ici présentées sont construites à partir d'une hypothèse conventionnelle d'un prix du baril de pétrole de 67 $ à partir de 2008 .
Les résultats des scénarios à moyen terme seraient défavorablement influencés si ce prix devait se tendre .
L'équilibre actuel du marché du pétrole, avec un prix de l'ordre de 100 $, ne peut être extrapolé. Les perspectives de la croissance mondiale pourraient justifier un prix moins élevé que celui connu actuellement, qui doit sans doute, pour partie, son niveau à des turbulences passagères. Cependant, il est légitime de tester en variante l'effet d'un prix du pétrole plus élevé.
Votre Délégation a produit plusieurs simulations des effets d'une telle hausse dans des rapports récents 10 ( * ) . Ces travaux montrent que les résultats d'une hausse du prix du pétrole dépendent de sa propagation ou non à d'autres coûts de production , les salaires en particulier, et des réactions de la politique monétaire face à l'inflation qu'elle engendre. Par ailleurs, des considérations hors-modèle interviennent au premier rang desquelles les conditions de recyclage des excédents pétroliers réalisés par les pays exportateurs.
Fondamentalement, la hausse du pétrole opère un prélèvement extérieur sur les pays consommateurs, leurs entreprises et leurs ménages.
Elle a une première dimension qui est d' accélérer l'inflation . Cet impact dépend du déclenchement d'effets de « second tour ». Ceux-ci interviennent si les ménages expriment avec succès des revendications salariales conduisant à l'enclenchement d'une spirale prix-salaires.
Dans une telle hypothèse, il faut ajouter la perspective d'une réaction de politique monétaire : une hausse des taux d'intérêt peut intervenir avec pour effet de réduire, plus que le choc pétrolier le fait par lui-même, le rythme de la croissance économique.
La hausse du prix du pétrole a, en effet, en elle-même une seconde dimension : elle réduit le rythme de croissance économique . Cet effet résulte de la décélération du pouvoir d'achat qu'entraîne le supplément d'inflation qu'elle induit ou/et de la dégradation du commerce extérieur qui s'en suit.
Ces impacts peuvent varier en intensité selon plusieurs paramètres :
• un pays qui connaît un ressaut d'inflation
plus prononcé que ses partenaires voit sa
compétitivité-prix en pâtir et la dégradation de ses
performances extérieures ajoute alors un effet récessif à
la hausse initiale des prix du pétrole ;
• les conditions du « recyclage de la rente
pétrolière » peuvent atténuer l'impact
dépressif de la hausse des prix du pétrole si les investissements
des pays exportateurs de pétrole vers les pays consommateurs
augmentent.
Au total, les effets de la hausse du prix du pétrole, en principe inflationnistes et récessifs, sont ainsi susceptibles de varier fortement entre un risque maximal de stagflation (combinaison d'inflation et de récession) et un épisode, plus transitoire, de ralentissement économique .
Aussi, ne peut-on pas envisager ces impacts à l'aune d'une simulation unique. Votre rapporteur se permet, à ce propos, de renvoyer aux travaux de votre Délégation précédemment signalés qui envisagent la série de scénarios la plus exhaustive possible, et, en particulier, les effets de très long terme, structurels, d'une élévation durable du prix du pétrole.
Pour donner un ordre de grandeur des incidences d'une tension sur les prix du pétrole, on peut ici mentionner une simulation publiée dans le rapport sur les Comptes de la Nation associé au projet de loi de finances 2006 qui présente pour singularité remarquable d'envisager les effets d'un passage du prix du baril de 66,6 $ (qui est, à peu près, le niveau conventionnel retenu pour les projections du présent rapport) à 100 $ (qui est, à peu près, le prix actuel du baril) .
CONSÉQUENCE D'UNE HAUSSE DU PRIX DU
PÉTROLE DE 100 % EN SIX TRIMESTRES
(taux
d'intérêt réels et taux de change
constants)
Source : L'économie française, 2005-2006
Au bout de deux ans, suite à ce doublement du prix du baril, le PIB est inférieur de 1,4 point au niveau atteint sans lui .
Le déficit de croissance atteint 0,4 point au bout d'un an, puis 1 point la seconde année, sous l'effet d'une décélération de la demande domestique, amputée par une perte de pouvoir d'achat du fait des tensions sur les prix, et de la profitabilité des entreprises. En outre, la demande extérieure adressée à la France diminue malgré l'accélération des importations des pays producteurs.
Ces résultats, déjà éclairants, pourraient être plus défavorables si la compétitivité-prix devait se dégrader (dans l'hypothèse d'une tension salariale, par exemple) ou si les taux d'intérêt réels devaient se tendre, toutes hypothèses qui ne sont pas incluses dans la simulation ici restituée .
* 10 Voir en particulier : le rapport d'information n° 105 (2005-2006), de MM. Joseph Kergueris et Claude Saunier, sur « La hausse des prix du pétrole : une fatalité ou le retour du politique » et le rapport d'information n° 97 (2005-2006), de M. Joël Bourdin, sur « Renouer avec les bénéfices de la croissance ».