C. DES ALÉAS À LA BAISSE, MAIS AUSSI À LA HAUSSE...
Lors de son audition, M. Philippe Josse, directeur du budget, a souligné les aléas - intrinsèques à toute prévision - pouvant frapper le niveau des contributions internationales dues par la France, insistant sur les aléas à la baisse.
Il a ainsi considéré que l'écart constaté entre les crédits inscrits dans le projet de loi de finances initiale et les besoins réels - dont il n'a cependant pas contesté l'existence - était un majorant . Il a ainsi fait « valoir que le Quai d'Orsay avait intégré dans ces besoins 9 millions d'euros de contributions qui seraient dues en janvier 2009, lesquels besoins avaient été évalués sur la base d'un taux de change d'1,35 dollar pour 1 euro, alors qu'en définitive l'hypothèse de change retenue pour la construction du projet de loi de finances s'établissait à 1,37 dollar pour 1 euro ». Il a noté que « les variations de change pouvaient avoir un fort impact sur le montant des contributions internationales, la baisse du dollar pouvant être « favorable » au budget de l'Etat ». Par ailleurs, il a souligné que « l'ONU construisait en général ses propres hypothèses budgétaires en surévaluant ces besoins, ce qui conduisait à des paiements moindres que prévu de la quote-part de la France, notant que cet effet avait été pris en compte par le Quai d'Orsay, mais seulement pour les six premiers mois de l'année 2008 ». Il a indiqué enfin qu'il comptait « bénéficier de « boni de liquidation » liés à des opérations de maintien de la paix achevées, à hauteur de 7 millions d'euros ».
Cette appréciation doit être nuancée, tout spécialement en ce qui concerne la variation du taux de change, qui peut jouer, sur un plan budgétaire, dans un climat d'incertitude de l'économie internationale, à la baisse comme à la hausse. C'est pour cette raison que votre rapporteur spécial a souhaité à plusieurs reprises que l'Etat se couvre contre le risque de change, comme toute entreprise. En la matière, il n'est pas en effet du rôle de l'Etat de rechercher un éventuel bénéfice dans des arbitrages sur les taux de change, mais de manière prudente, de « figer » le taux de change à son niveau de la date de présentation du projet de loi de finances, afin d'éviter tout aléa éventuellement dommageable pour le budget de l'Etat.
Dès lors, avec le soutien de l'Agence France Trésor (AFT), le Quai d'Orsay a engagé une couverture de son risque de change. L'article 54 de la loi de finances initiale pour 2006 a créé un compte de commerce intitulé « couverture des risques financiers de l'Etat », qui notamment « retrace, à compter de l'exercice 2006, les opérations de couverture du risque de change menées pour le compte du ministre des affaires étrangères ».
Pour 2007, le ministère des affaires étrangères a utilisé à 3 reprises le mécanisme :
- le 24 octobre 2006, il a passé commande de 166 millions de dollars au taux de 1,26089 dollar pour un 1 euro (131.653.039 euros) à échéance du 15 février 2007 pour le paiement de contributions à l'OMS (6,07 millions de dollars), à l'ONU (127,29 millions de dollars et 24,47 millions de dollars) et à l'UNESCO (8,17 millions de dollars) ;
- le 24 octobre 2006, il a passé commande également de 35 millions de dollars au taux de 1,26341 dollar pour un 1 euro à échéance du 29 mars 2007 pour le paiement de contributions à l'organisation des Nations-Unies pour l'alimentation et l'agriculture (10,86 millions de dollars), à l'agence internationale à l'énergie atomique (8,02 millions de dollars), au Tribunal pénal internationale pour la Yougoslavie (10,88 millions de dollars) et au Tribunal criminel international pour le Rwanda (5,24 millions de dollars) ;
- le 5 juin 2007, il a passé commande de 46 millions de dollars au taux de 1,35667 dollar pour un 1 euro à échéance du 2 octobre 2007 pour le paiement de contributions concernant les opérations de maintien de la paix suivantes : FINUL (7,85 millions de dollars), ONUCI (11,62 millions de dollars) et MONUC (26,52 millions de dollars).
Au total, le Quai d'Orsay a donc procédé à l'achat de 247 millions de dollars au taux moyen de 1,278 dollar pour un 1 euro pour 193,26 millions d'euros. Ce montant ne représente que 38,67 % de l'ensemble des dépenses prévisibles en dollars en 2007. On doit ainsi considérer que si l'ensemble des dépenses en dollars étaient couvertes par un mécanisme de couverture du risque de change, les aléas évoqués par M. Philippe Josse, directeur du budget, lors de son audition seraient très limités. Or le mécanisme de couverture ne fonctionne pas intégralement pour deux raisons. La première est liée au fait que les factures des contributions internationales ne font pas l'objet d'un regroupement suffisant au moment de leur paiement, en raison des spécificités du calendrier d'appel des fonds des Nations-Unies qui gagnerait à être encore rationalisé. La seconde tient au fait que les dépenses liées aux contributions internationales n'étant pas totalement provisionnées au moment de l'examen du projet de loi de finances, il n'est pas possible de se « couvrir » au titre de crédits non inscrits au budget.
Enfin, si l'audition précitée a permis de recenser de manière exhaustive les aléas à la baisse concernant les contributions internationales, elle n'a pu évoquer avec la même précision les aléas à la hausse. Outre les variations de change évoquées ci-dessus, il convient d'avoir à l'esprit la résolution 10 ( * ) récente du Conseil de sécurité de l'ONU sur le Tchad. Non seulement elle autorise le déploiement d'une opération de l'Union européenne, mais elle crée une opération civile dénommée MINURCAT, qui « comprendra un maximum de 300 policiers et de 50 officiers de liaison militaire ». D'autres opérations de maintien de la paix pourraient être décidées dans le courant de l'année 2008.
2008 : un écart en exécution prévisible de 214 millions d'euros
(en millions d'euros)
Crédits présentés au Parlement en loi de finances |
Besoins reconnus par l'administration du Quai d'Orsay |
Exécution |
Ecart PLF 2008/besoins |
|
Contributions internationales |
407 |
441 |
- |
+ 34 |
+ financement des opérations de maintien de la paix de l'ONU |
215 |
395 |
- |
+ 180 |
Total |
622 |
836 |
? |
+ 214 |
Source : commission des finances/ministère des affaires étrangères
2007 : un écart en exécution prévisible de 151 millions d'euros
(en millions d'euros)
Crédits présentés au Parlement en loi de finances |
Besoins reconnus par l'administration du Quai d'Orsay |
Exécution (prév.) |
Ecart exécution/ « prévision » |
|
Contributions internationales |
398 |
420 |
438 |
+ 40 |
+ financement des opérations de maintien de la paix de l'ONU |
185 |
304 |
296 |
+ 111 |
Total |
583 |
724 |
734 |
+ 151 |
Source : commission des finances/ministère des affaires étrangères
2006 : un écart en exécution de 137 millions d'euros
(en millions d'euros)
Crédits présentés au Parlement en loi de finances |
Besoins reconnus par l'administration du Quai d'Orsay |
Exécution |
Ecart exécution/ « prévision » |
|
Contributions internationales |
390 |
- |
392 |
+ 2 |
+ financement des opérations de maintien de la paix de l'ONU |
136 |
200 |
271 |
+ 135 |
Total |
526 |
- |
682 |
+ 137 |
Source : commission des finances/ministère des affaires étrangères
* 10 Résolution 1778 du 25 septembre 2007.