III. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION

Expliquant les raisons de la cession de ses quotidiens régionaux au groupe Le Monde , M. Arnaud Lagardère a affirmé dans les colonnes du Journal du Dimanche : « La presse quotidienne a dix ans devant elle. Les coûts de production deviendront intenables. On va vers une dématérialisation du support traditionnel.» Ces déclarations ont fait le tour de la planète et ont surpris par leur violence.

A la réflexion, elles ne sont pourtant pas insensées et dessinent peut-être ce que sera la presse quotidienne de demain : un média polymorphe dont l'édition papier ne constituera plus forcément le vecteur de diffusion privilégié. Son coût mais aussi et surtout les usages des lecteurs risquent en effet d'accélérer son déclin.

Cette perspective de moyen terme ne doit pas pour autant faire oublier la situation actuelle : la presse quotidienne est en danger et quelques propositions immédiatement applicables peuvent l'aider à stopper l'hémorragie des lecteurs et des annonceurs.

A. RENCONTRER ET FIDÉLISER LE LECTEUR

La gravité de la situation actuelle impose de prendre des mesures d'urgence pour tenter de stopper l'hémorragie et redonner aux titres de presse quotidienne les moyens de rencontrer leur lecteur. Cela passe par deux voies essentielles.

Il convient, d'une part, de trouver les voies et moyens permettant de restaurer l'efficacité d'un réseau de diffusion littéralement sacrifié au cours des dix dernières années. En ce domaine, les mentalités semblent progressivement évoluer au sein de la profession. La fermeture continue des points de vente et le succès des méthodes de distribution agressives utilisées par les gratuits ont enfin conduit les éditeurs à réagir et à accepter la réalisation d'un certain nombre de tests destinés à redynamiser ce maillon essentiel de l'économie de la presse. Ces tests suscitent néanmoins des inquiétudes chez des éditeurs soucieux de garder un accès total au réseau de distribution. Dans la mesure où l'intérêt de tous peut une nouvelle fois se heurter aux intérêts de chacun, le groupe de travail a choisi d'envisager deux modalités de réforme : la voie négociée au sein du système coopératif et la voie législative.

Il convient, d'autre part, de faire un audit sur l'aide au portage afin de redynamiser ce mode de distribution susceptible de fidéliser le lecteur et d'augmenter la trésorerie des éditeurs.

1. Des solutions négociées dans le cadre du système coopératif

Le dogme « tous les titres dans tous les points de vente » aboutit à la situation actuelle : absence de visibilité des titres, encombrement des linéaires et découragement des diffuseurs.

Dans la mesure où les éditeurs sont à la fois responsables et victimes de cette situation, la voie négociée dans le cadre du système coopératif reste la plus appropriée pour assainir le réseau et remédier aux dysfonctionnements du système de distribution.

a) La nécessaire redéfinition du produit presse

Dans la mesure où ni l'autodiscipline ni les sanctions financières prévues dans les barèmes des messageries n'ont jusqu'à maintenant empêché certains éditeurs d'inonder le réseau de publications et de « produits » bénéficiant de conditions commerciales avantageuses, votre commission propose, en premier lieu, de redéfinir de manière plus restrictive le produit presse.

Il paraît notamment nécessaire d'ajouter aux éléments caractéristiques du produit presse énumérés dans la définition élaborée en 2004 par la Commission paritaire des Publications et Agences de Presse une référence à un « apport éditorial substantiel ».

Cette mention permettrait notamment de réserver le régime issu de la loi du 2 avril 1947 à un ensemble de produits plus en harmonie avec l'objet visé par le législateur.

b) La mise en place d'une période probatoire

Afin de lutter contre les « coups » et les comportements opportunistes qui perturbent le fonctionnement du réseau, elle suggère également de mettre en place une période probatoire destinée à réguler le flux sans cesse croissant de nouvelles publications à la durée de vie limitée.

Cette période probatoire serait en adéquation avec la définition actuelle du produit de presse qui prévoit explicitement une succession des parutions, une fin non envisagée et un minimum de quatre parutions par an.

Au plan pratique, comme l'a suggéré le groupe de travail relatif à la définition du produit presse mis en place par le Conseil supérieur des messageries de presse, « cette période probatoire durerait jusqu'à la mise en distribution de la quatrième parution et pourrait se traduire par des dispositions insérées dans les barèmes des coopératives, l'idée étant de neutraliser ces dispositions tarifaires dès lors que le titre aurait fait la démonstration de sa qualification presse ».

c) La définition d'une stratégie globale en matière de diffusion

Le réseau de vente demeure aujourd'hui le maillon faible du système de distribution de la presse française et il est intéressant de remarquer qu'une fois de plus, l'État a dû se substituer aux éditeurs pour amorcer la modernisation des lieux censés mettre les titres de presse en valeur.

La recomposition et la modernisation du niveau 3 devrait pourtant constituer la priorité d'une filière presse toujours dépendante des résultats de la vente au numéro. Votre commission propose plusieurs pistes de réflexion.

Elle suggère, tout d'abord, de reconquérir le territoire national par la mise en place d'un réseau de vente différencié , afin de suivre les évolutions de consommation et de multiplier les points de contacts avec le lecteur. Cela passe par :

-  le renforcement du réseau existant et l'ouverture de points de vente en centre-ville proposant aux lecteurs l'ensemble de l'offre de presse ;

- le développement de points de vente spécialisés afin que les titres spécialisés puissent se rapprocher de leur lectorat dans les magasins idoines ;

- la mise en place de points de ventes complémentaires ne proposant que les quotidiens et les titres à grande diffusion.

Ces idées ne sont pas originales mais sont frappées au coin du bon sens. Elles devraient être mises en oeuvre dans les meilleurs délais afin de développer la capillarité du réseau et de promouvoir, enfin, une vision stratégique de la diffusion de la presse.

La commission propose, ensuite, de moduler la rémunération des diffuseurs en fonction des contraintes impliquées par leur degré de spécialisation. Un point de vente recevant toute l'offre de presse doit ainsi être mieux rémunéré que celui qui n'en propose qu'une partie.

En matière de rémunération des diffuseurs et en dépit de la signature au mois de mai 2007 de protocoles d'accord définitifs entre l'Union Nationale des Diffuseurs de Presse (UNDP), le Syndicat National des Diffuseurs de Presse (SNDP), les NMPP, Transport Presse (TP) et les Messageries Lyonnaises de Presse (MLP), il convient de regretter le retard pris dans la mise en place des plans successifs et l'écart de rémunération constaté avec les autres pays européens. Alors que le taux de rémunération des diffuseurs français se situe entre 15 % et 18 % du prix de vente facial des titres, celui-ci atteint plus de 25 % en moyenne en Grande-Bretagne, entre 20 et 25 % en Italie et plus de 20 % en Allemagne.

Votre commission souhaite, enfin, l'association des diffuseurs à la gestion de l'offre de titres. De simple manutentionnaire, le diffuseur doit rapidement redevenir commerçant et décider lui-même du nombre de titres exposés, en fonction de sa clientèle et de son espace de vente.

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