II. UNE PRISE DE CONSCIENCE RÉCENTE DE LA GRAVITÉ DE LA SITUATION

Avec l'entrée massive des jeunes dans les systèmes d'enseignement supérieur, s'est posée la question de l'encouragement et de l'accompagnement des plus « fragiles » d'entre eux, y compris dans les filières ou les établissements les plus élitistes.

Si le débat résonne d'un écho particulièrement fort en France depuis quelques années, il n'est pas absent des réflexions et politiques conduites chez nos partenaires étrangers.

Chaque pays organise la sélection de ses élites en fonction de son histoire et de sa culture.

Il est vrai que la question ne se pose pas dans les mêmes termes dans un pays comme la France, où 65 % d'une classe d'âge réussit sa sortie du secondaire et dans d'autres pays, tels que la Suisse, l'Allemagne et le Royaume-Uni, où cette proportion est plus proche de 30 %.

Dans tous les cas cependant se posent les questions de l'accès aux filières de formation des élites, c'est-à-dire de ceux qui seront, à terme, chargés des plus hautes responsabilités, mais aussi de la diversité sociale de celles-ci. Chaque pays adapte sa politique en la matière en fonction de ses spécificités.

A. UNE PRÉCOCCUPATION PARTAGÉE PAR NOS PARTENAIRES ÉTRANGERS

Votre mission évoquera notamment le cas des États-Unis et, en Europe, celui du Royaume-Uni, de l'Allemagne, de la Suède et de la Finlande. Elle regrette que les services de deux autres ambassades françaises (d'Espagne et d'Italie) - également sollicités en janvier puis relancés en avril - n'aient pas cru bon de répondre à ses questions. Elle apprécie peu la désinvolture ainsi manifestée à l'égard de la représentation nationale.

1. Le cas des Etats-Unis : la politique d'« affirmative action »

Bien que leur organisation soit radicalement différente de la nôtre, les Etats-Unis sont confrontés à des défis de même nature : promouvoir la qualité des filières d'excellence, sans laisser sur le bord de la route les catégories moins favorisées, et notamment les minorités ethniques qui, du fait des pesanteurs sociales, se détournent de l'enseignement supérieur.

Aux Etats-Unis, cette question est traditionnellement abordée sous l'angle de « l'affirmative action ». Elle se pose dans des termes spécifiques, compte tenu du caractère sélectif de l'entrée à l'université et du coût généralement élevé des études, même si les étudiants d'origine modeste bénéficient d'une aide financière.

Après 40 ans de mise en oeuvre, bien que le bilan de cette politique soit mitigé, « l'affirmative action » reste considérée comme un outil utile en vue de favoriser l'égalité des chances. Loin de se traduire par l'application de quotas mécaniques - illégaux - et tendant à favoriser les personnes au regard de leur origine et non de leurs capacités, elle vise à la promotion d'une diversité reconnue comme une vertu cardinale de la société américaine.

a) Qu'est-ce que la politique « d'affirmative action » ?

La politique d' « affirmative action » , que l'on traduit très improprement en français par « discrimination positive », est une politique qui cherche à compenser les effets de longue durée provoqués par la ségrégation. Initialement dictée par le souci moral de réparer les torts séculaires qui avaient été causés aux « noirs » d'Amérique, elle a pour objectif d'aller au-delà de l'égalité juridique formelle pour permettre à ces derniers d'accéder à une égalité réelle.

Mise au service d'un objectif de diversité, elle a été étendue à d'autres minorités ethniques, mais fait aujourd'hui l'objet d'une contestation, y compris de la part de certains afro-américains.

Dans un premier temps, de nombreux établissements d'enseignement mirent en application cette politique en recourant à des quotas. La Cour Suprême, saisie par un étudiant blanc dont la candidature avait été écartée suivant cette méthode par la faculté de médecine de Californie au profit d'un candidat noir nanti d'un moins bon dossier, prohiba les quotas raciaux dans un jugement de 1978.

L'« affirmative action » n'en restait pas moins légitime mais devait dorénavant s'effectuer au nom d'un principe de diversité qui pouvait figurer aux côtés de critères plus traditionnels comme les résultats scolaires, les succès sportifs ou les engagements associatifs. La diversité est ainsi devenue le fondement de l'action en faveur de l'égalité des chances entre les races .

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